Sunhi (Our Sunhi) est le premier film de Hong Sang-soo à avoir remporté un prix dans la compétition principale d’un grand festival (Léopard d’argent de la mise en scène à Locarno à la fin de l’été dernier). Ce 9 juillet, le film sort enfin en salle après avoir fait le tour de plusieurs festivals dans l’hexagone : FFCP, Deauville Asia, 3 continents, pour finir par une nouvelle compétition cette semaine à Paris Cinéma.
Bête de festival, Hong Sang-soo n’en est pas moins devenu de plus en plus minimaliste dans la forme et dans son système de production, si bien que ce prix remporté à Locarno pourrait très bien lui servir à la production de deux ou trois films… Our Sunhi, tourné en 6 jours, en se basant notamment sur deux acteurs qu’il connaît maintenant parfaitement (Lee Sun-kyun et Yung Ju-mi, déjà vus ensemble dans Oki’s Movie), montre une fois de plus que le réalisateur est parfaitement à l’aise dans ce cadre, jusqu’à y développer sans doute l’aspect le plus définitif et harmonieux de son art, au détriment peut-être des (dé)constructions stimulantes de plusieurs de ses précédents films.
Our Sunhi est sans doute très parlant à ce niveau : comme jamais dans sa carrière, le cinéaste s’appuie sur un « pitch » très (dé)limité : la rédaction d’une lettre de recommandation d’un professeur à son ancienne étudiante, qui révèle toutes les fausses projections et approximations dans la description d’une personne, l’importance du contexte et toute une série de répétitions/imitations embarrassantes via un trio de personnages masculins contrastés. A l’éclatement de la narration, Hong Sang-soo préfère donc ici une déliquessence naturelle et minimale d’un canevas assez simple, où l’on perd progressivement de vue la perception définitive des personnages à force de vouloir les caractériser.
Si ce postulat, grande source de malentendus, est un ressort assurément efficace pour une comédie de caractères et de situations (et sans doute même que jamais le cadre d’un film du cinéaste n’avait jusqu’ici paru aussi rohmérien à la base), le film au finish ne sera pas forcément le plus amusant du réalisateur : il s’avère bien moins drôle par exemple que Les femmes de mes amis ou même In another Country. En fait, avec son cadre épuré et sa précision remarquable, Our Sunhi serait plutôt le film qui témoigne jusqu’ici le plus spontanément du goût que le cinéaste peut avoir pour la peinture. Dans le numéro 700 « spécial » des Cahiers du Cinéma paru au mois de mai, on a pu s’amuser d’ailleurs de voir Hong Sang-soo préférer citer Cézanne et Le plat pommes qu’un film, à contrario du questionnaire initial.
Ce final se remarque d’ailleurs dans la manière dont il fait se succéder un bâtiment historique (marotte actuelle de Hong), à une véritable valse dans les toilettes publiques : tout cela pourrait être terriblement grossier, mais la force du réalisateur est de rendre son échappatoire terriblement fin, d’en faire un véritable condensé de lignes de fuites où peut se mêler pour le spectateur un sentiment mélé de fatalité et de dérisoire.
A lire: l’interview de Hong Sang-soo par la revue coréenne Ciné 21, traduction proposée par le site du GNCR
Sortie le 9 juillet 2014 (Camelia Films)
AP et compétition à Paris Cinéma le 8 juillet au Louxor.
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