Mikio Naruse – « À l’approche de l’automne » (1960)

Grâce au distributeur Les Acacias, les spectateurs français ont la chance, depuis quelques années, de découvrir des films méconnus ou inédits de Mikio Naruse. Cette semaine, deux d’entre eux sont sur les écrans : À l’approche de l’automne (1960) et Derniers Chrysanthèmes (1954).

Des enfants sont au cœur de À l’approche de l’automne.
Il y a Hideo, un garçon d’une douzaine d’années. Quand le récit commence, il arrive à Tokyo avec sa mère Shigeko, en provenance de sa terre natale, la région montagneuse de Shinano. Après avoir perdu son mari, Shigeko a trouvé un travail de servante dans une auberge de la capitale.
Il y a aussi Junko, une enfant plus jeune que Hideo. Elle est la fille de Naoyo, laquelle gère au quotidien l’établissement. Naoyo a eu Junko avec le propriétaire, un homme marié à une autre femme et habitant Osaka.

Le monde décrit par Naruse est hostile, cruel. C’est l’été et la chaleur est accablante à Tokyo. Aux abords de certains cours d’eau, l’odeur est pestilentielle. L’urbanisation est galopante – une scène se déroule sur un terre-plein de la baie de Tokyo destiné à la construction d’immeubles -, et elle salit la La Nature, la fait reculer. La modernisation et la spéculation menée par les possédants menacent les plus faibles. À son arrivée, Shigeko loge avec Hideo chez son frère qui tient une épicerie avec son épouse. Leur fille préfère travailler dans un grand magasin – le célèbre Ginza Matzuzakaya. Il est clairement dit par un personnage du film que l’avenir est aux grosses sociétés, non pas aux PME. C’est à peu près le même contexte social et économique qui est décrit dans Une femme dans la tourmente, film réalisé par Naruse quatre ans plus tard, mais qui a été montré en France depuis déjà plusieurs années.

© Les Acacias

Cet univers est particulièrement impitoyable pour Hideo et Junko. Le jeune garçon est victime des moqueries et de l’agressivité des enfants tokyoïtes qui le considèrent comme un étranger, un péquenot. Il est abandonné par sa mère qui, d’abord, le laisse chez son frère, son travail l’obligeant à passer la nuit à l’auberge dans laquelle elle travaille et donc peut-être à coucher avec des clients, puis quitte Tokyo avec l’un de ceux-ci, négociant en perles rares. Junko, quant à elle, est rejetée par sa demi-soeur et son demi-frère, les enfants que son père a eus avec sa femme. Elle trouve en Hideo un ami qui la sort de sa solitude. Elle espère que sa mère accueillera cet enfant abandonné par Shigeko et qu’il deviendra comme un frère pour elle qui n’a comme unique compagnon que la mascotte « Dakko-Chan » – produite au Japon à partir de 1960. Naoyo refuse catégoriquement, et, hypocritement, balaie les questions de sa fille sur la situation familiale problématique qui est la sienne.
De toute façon, les deux enfants ne se reverront plus. Le propriétaire vend son auberge et trouve un autre logement pour sa concubine et pour Junko, probablement en périphérie de la mégapole. Les derniers plans du film montrent Hideo regardant au loin la baie de Tokyo, avec son unique compagnon à lui, le scarabée rhinocéros Riki.

Naruse parvient à faire ressentir au spectateur l’infinie tristesse qui noie Hideo et Junko – êtres fragiles, en construction – sans aucune pesanteur dramatique, avec une grande retenue, un réalisme sincère, des références fines à l’actualité. À ce propos, notons, comme l’ont fait avec raison d’autres critiques, que certaines scènes du film, et notamment celles où Hideo manifeste son désir de voir la mer et la voit effectivement avec Junko, puis seul, rappellent immanquablement ce chef d’oeuvre de la Nouvelle Vague qu’est Les 400 coups (1959).

© Les Acacias

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