Ayant revu Profondo Rosso récemment, j’ai décidé de me pencher sur les raisons qui me font aimer ce film. Tout d’abord, esthétiquement, il est superbe. Photographie léchée, cadrages étonnants, jeux de lumière, chaque scène est un délice visuel. De plus, le film répond parfaitement aux prérequis du giallo : l’assassin apparaît dès le début du film, il n’est ensuite montré que masqué, les meurtres se font à l’arme blanche, etc. Ensuite, les connaisseurs retrouvent dans Profondo Rosso certaines thématiques chères à Dario Argento, et notamment l’importance de la place de l’art.

L’art dans les films de Dario Argento occupe un rôle bien particulier, ce que l’on retrouve dans le film, en filigrane lorsque le héros se saisit d’une statuette pour se défendre d’une probable attaque à venir (1)

De même, c’est l’oeuvre d’art qui est le fil menant à la résolution de l’enquête (l’oeuvre d’art n’étant ici, certes, qu’un dessin) (2). Et c’est au milieu des oeuvres d’art que se cache la résolution de l’énigme (3) Une autre thématique récurrente porte sur la présence de mondes engloutis. Comme dans Inferno, il est intéressant de remarquer que les fondations de la maison où eut lieu le crime initial sont inondées (4). Autre récurrence : l’enfance perçue comme effrayante. L’enfance occupe également une place centrale dans les films de Dario Argento ; elle y est moins synonyme de pureté et d’innocence que de perversité. Dans Profondo Rosso, on retrouve notamment la petite rousse, Nicoletta Elmi, sera utilisée plusieurs fois dans le rôle de la gamine perverse (5) …De plus, Profondo Rosso repose sur des re-souvenances d’une enfance traumatique (6) et ce sont des éléments tirés du monde de l’enfance qui sont utilisés comme objets d’effroi (7) De plus, dans ce film comme dans d’autres on retrouve la comptine enfantine comme fil directeur des meurtres et de leur résolution. C’est ainsi une comptine qui met le héros sur la piste de la résolution (8) … ce qui rappelle L’Oiseau au plumage de cristal, dans lequel les meurtres sont commis en suivant les paroles d’une comptine enfantine.
Le spiritisme et la parapsychologie jouent par ailleurs un rôle important. Dans Profondo Rosso, Macha Méril campe le rôle d’une médium ; personnage que l’on retrouve dans d’autres films de Dario Argento, comme Trauma. Mais elle aborde aussi dans sa conférence la problématique de la télépathie chez les animaux, thème qui est au coeur de Phenomena. Daria Nicolodi, alors la compagne de Dario Argento, avait hérité d’un des membres de sa famille le goût pour le spiritisme. Peut-être a-t-elle influencé Dario Argento dans cette veine.
Par ailleurs, le thème de l’ambiguïté des genres est véritablement au coeur du film. L’ambiguïté des genres est propre au giallo, mais elle est particulièrement poussée, je trouve, dans Profondo Rosso. Daria Nicolodi est ainsi grimée qu’elle a des allures de transexuelle, de même qu’un autre des personnages du film (9)

Mais ce que j’aime tout particulièrement, dans Profondo Rosso, est le fait qu’il s’agit ni plus ni moins d’un théâtre dans lequel les personnages sont des pantins qui ne semblent pouvoir échapper à leur destin. La représentation est au coeur du film, comme le montre la place importante occupée par la conférence sur la télépathie qui se déroule dans un théâtre (10)  conférence qui sera reconstituée par quelques protagonistes, qui se voient alors eux aussi placer dans une situation de re-présentation (11)
Certains personnages campent aussi, de manière plus évidente, les rôles qu’ils se sont attribués, comme c’est le cas de la mère, ancienne actrice qui vit dans son passé (12) et qui n’arrivera pas à sortir de son rôle, puisqu’à la toute fin elle apparaît encore grimée comme un personnage de théâtre (13)
Les personnages ne sont ainsi que des automates (autre élément cher à Dario Argento), comme le montre le raccourci opéré lors d’un des meurtres : la future victime brise un automate qui s’avance vers elle d’un coup de couteau (14) avant que l’assassin ne se saisisse du même couteau et tue à son tour la victime (15)Le héros lui-même est un pantin ballotté par les événements, et empêché par ses carcans personnels. Ainsi, d’emblée il lui apparaît impossible qu’une femme puisse commettre un meurtre, car il tient les femmes pour des êtres sensibles et fragiles. Une des scènes initiales me semble aussi très intéressante, lorsque le héros s’entretient avec un personnage a priori secondaire sur une place monumentale (16). 
C’est sur cette place, à ce moment, que le personnage secondaire livrera de précieux indices pour la résolution de l’énigme, et l’ensemble fonctionne un peu comme une tragédie grecque.
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Les photos sont des captures écran du DVD Wild Side

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