C’est un honneur d’ouvrir les colonnes de Culturopoing au directeur de la plus importante vitrine de cette cinématographie, les Rendez-vous du cinéma québécois, qui ont fêté en 2017 leur 35ème anniversaire. Dominique Dugas revient donc sur l’évolution de ce cinéma trop mal connu et sur une sélection floracoise de haut vol à laquelle il a contribué avec Guillaume Sapin et Daniel Racine, jusqu’à présenter en personne le premier long-métrage de Karl Lemieux pour la soirée de clôture. Gageons que cette carte blanche n’est que la première page d’une nouvelle histoire québéco-cévenole que ces acteurs passionnés auront à cœur d’écrire dans les années à venir…
Le cinéma québécois n’en est pas à son premier renouveau. Depuis la naissance d’une voix cinématographique purement québécoise au début des années 60 avec les Perrault, Jutra, Brault, Carle, Groulx, le cinéma québécois aura connu quelques vagues d’éclosion simultanée de nouveaux cinéastes laissant présager à un « renouveau ». On l’a vu dans chaque décennie. Mais aucune n’a connu un rayonnement international comme celle qui s’est imposée depuis quelques années, et qui ne s’arrête pas aux auteurs-phares que sont les Xavier Dolan, Denis Côté, et à laquelle il faut superposer celle des auteurs de la vague précédente apparue au milieu des années 90 ( Denis Villeneuve, Jean-Marc Vallée, Philippe Falardeau, André Turpin, Kim Nguyen ). La grande notoriété de ces cinéastes a ouvert les yeux de bon nombre de festivals de toute la planète, sans doute à la recherche du prochain Dolan ou du prochain Villeneuve, aux nouveaux auteurs québécois.
Le festival 48 images seconde de Florac s’intéressait justement à quelques-uns de ces nouveaux auteurs apparus ces dernières années sur l’écran radar des programmateurs, avec la particularité d’avoir mis sous les feux de la rampe, de façon volontaire ou non, les nouvelles cinéastes québécoises, parmi les voix les plus intéressantes du cinéma québécois actuel : Anne Émond, Chloé Robichaud, Chloé Leriche, Sophie Goyette. L’émergence « naturelle » de ces cinéastes, dont les films font la vie dure aux sempiternels et trop tenaces clichés du « film de femme », arrive à un moment où la question de la parité homme-femme dans la production cinématographique québécoise et canadienne est sur toutes les lèvres et désormais dans les règles de programmes de financement des institutions comme Téléfilm Canada et la Sodec ( Québec ).
Mais au-delà de la synchronicité, qu’est-ce qui relie ces nouveaux auteurs et qui les rend si intéressants? D’abord, il y a une volonté d’ouverture au monde et à l’autre qui est venue rompre le courant urbain et auto-référentiel ( ou nombriliste…) largement pratiqué dans les années 90 et début du nouveau millénaire dans le cinéma d’auteur made in la Belle Province. La majorité des films se tournent désormais en dehors de Montréal, quand ce n’est pas en dehors du Québec, on explore des classes sociales différentes, on se confronte à la diversité culturelle, on tourne ailleurs qu’au Québec et on fait appel à des comédiens étrangers. Cette rupture n’a pas touché que la question thématique.
La plupart de ces cinéastes ont également été en rupture avec une esthétique dominante qu’on trouvait dans le cinéma québécois des années 80 et 90. L’influence esthétique des grands auteurs du cinéma asiatique ou d’Europe de l’Est ou du Nord, et pour d’autres du cinéma indépendant américain, s’est grandement ressentie dans la deuxième moitié de la décennie précédente. Résultat : ils partagent presque tous un souci d’exploration de la forme.
Ce qu’ils partagent également, ce sont des collaborateurs talentueux, producteurs, comédiens, directeurs-photos, monteurs, concepteurs sonores, directeurs artistiques : il y a un esprit de communauté assez fort chez cette jeune génération de professionnels québécois qui joue sans doute un rôle prépondérant dans l’image de cohérence et de pertinence inhérente pour qu’un tel phénomène de vague de fond puisse se matérialiser.
Le dossier qui suit, mené par Pierre Audebert, vous permettra de comprendre bien davantage ce qui rend cette nouvelle vague si attrayante pour bon nombre de cinéphiles partout sur la planète. Ce qui, selon certains observateurs, pourrait bien s’avérer un âge d’or du cinéma québécois.
Dominique Dugas
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