Nous nous sommes entretenus plus d’une fois avec la très active Marielle Issartel, complice professionnelle et amoureuse du cinéaste feu Charles Belmont avec qui elle co-écrivit, co-réalisa, monta et/ ou distribua ses films (voir entretien ici)
Belmont a réalisé une adaptation très personnelle du fameux roman de Boris Vian, chroniquée ici
L’an passé, via sa société de distribution judicieusement nommée L’Eclaireur, Marielle Issartel avait ressorti le fulgurant Histoires d’A qu’elle avait co-réalisé avec Charles Belmont. Un documentaire culte ultra engagé militant pour la libéralisation de la contraception et de l’avortement, en 1973, soit un avant la loi Veil. À sa sortie, le film avait été totalement interdit à la diffusion publique comme privée, ainsi qu’à la vente à l’étranger, par le ministre des Affaires Culturelles Maurice Druon, contre l’avis de la Commission de contrôle.
Avant de créer sa société de distribution, Marielle Issartelle a organisé un cycle des films de Belmont au cinéma la Clef dans le 5eme arrondissement parisien avant que ledit cinéma ne soit occupé par deux collectifs successifs, aujourd’hui en conflit ouvert. D’abord Home Cinema, dirigé notamment par Derek Woolfenden et le collectif Curry Vavart, puis par un autre collectif La Clef Revival (fin octobre 2021 au 1er mars 2022).
Derek Woolfenden et Yves-Marie Mahé ont réalisé un documentaire radiophonique sur le film Histoires d’A
Woolfenden avait également diffusé Histoires d’A avant sa ressortie (voir ici). Habitué de la censure, nous nous permettons de lui laisser la parole à lui et et ses comparses de Curry Vavar primo occupants de la Clef sous le nom de Home Cinema, rebaptisé La Clef Survival. Nous ne pouvons que vous enjoindre de vous abonner à leur newsletter et vous tenir au courant de la division interne actuelle au sein du cinéma occupé et éventuellement racheté par le second collectif – au détriment des promesses initiales comme expliqué ici.
(l’auteure de ces lignes regrette amèrement d’avoir donné 50E au nouveau collectif qui compte instituer seulement une séance par jour et surtout créer sa société de production et de post-production.). On est loin des idéaux de HOME CINEMA, Derek, Yves-Marie and co.). A notre sens, au delà des querelles internes, ici s’affrontent deux formes de militantismes, celui de programmateurs sérieux, curieux et soucieux d’être constamment ouverts sur le monde, refusant toutes formes de censure, et celui qui laisse supposer arrivisme et ambition, surfant sur l’air du temps et mettant leur combat en spectacle. Des surdoués de la comm’, sachant bien marketer la « contre-culture » ?
Pour revenir au duo doué et engagé (Belmont/Issartel), il est aujourd’hui trio.
En effet, l’infatigable Marielle Issartel, est maintenant épaulée par le non moins actif Francis Lecomte de Luna Park (à qui l’on doit la distribution de pépites comme La femme bourreau de Jean-Denis Bonan, Les Idoles de Marc O…). Aidée de Lecomte, elle sort en salles et en DVD le remarquable Pour Clémence d’après André Gorz, « le premier film d’écologie politique. »
Clémence est la fillette formidablement bien filmée d’un ingénieur au chômage (épatant Jean Crubelier) et d’une professeure passionnée (Eva Darlan, ad hoc également). En année sabbatique, notre héros est libéré du travail, mais… le temps lui glisse entre les doigts, la ville se révèle étrangère, les liens avec ses proches se distendent, les désirs se dérobent. Il est temps de décider de sa vie !
Un sujet actuel, brûlant, sur la place centrale du travail dans la vie de chacun, thème que Charles Belmont traite, dans ce film prémonitoire, avec une drôlerie vengeresse.
Pour le critique renommé Jean-Louis Bory :
Charles Belmont est un de ces réalisateurs que j’aime parce qu’ils s’attaquent bille en tête aux questions brûlantes. Dans Pour Clémence, le travail. Grace à un montage d’un impressionnisme aussi souple qu’intelligent, l’image nous invite à extrapoler. L’image est superbe.
Signée par le futur ultra primé, chef-opérateur Philippe Rousselot Pour Clémence impressionne par sa singularité et sa maitrise. et son image magnifique, limite sous-ex, Belmont explore avec un humour quasiment désespéré des problématiques rarement exposées au cinéma. Il arrive à nous captiver et nous distraire, tout en posant ouvertement des questions vitales et existentielles comme l’émission radio l’égrène pendant que notre nouvel homme au foyer passe l’aspirateur : à qui le travail est-il propice?
Eva Darlan évoque Schopenhauer et sa métaphore du porc-épic : si nous sommes trop proches, nous nous faisons bouffer ; trop loin, nous perdons l’acuité. Charles Belmont avait clairement trouvé la juste distance.
Pour Clémence est une fiction incroyablement bien documentée, juste et percutante qui n’a pas pris une ride. A (re)découvrir d’urgence, surtout au moment où le travail et sa pénibilité sont questionnées plus que jamais. Vous pouvez en lire l’analyse de Michaël Delavaud ici
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Ici, leur chronologie
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Eva G.
ça m’amuse de constater que dès qu’une voix discordante s’élève au milieu d’une unanimité angélique, elle soit accusée de « manque de sérieux » journalistique. C’est pourtant très sain de soulever quelques lièvres car visiblement la scission n’a pas été vécue de la même manière par tout le monde. Toutes les voix doivent être entendues fussent-elles minoritaires. C’est en général comme ça que commence un débat. Le silence peut être plus rassurant c’est sûr mais bon…
Thibault J
Bonjour,
Je crois en effet qu’un certain manque de recherche a été fait dans l’écriture de cet article.
J’en veux pour preuve avoir été dans l’occupation avec Home Cinema dès ses débuts (j’étais par ailleurs sur la procédure juridique) comme de nombreux membres de La Clef Revival, dont je fais aujourd’hui partie.
Vous voudriez, avec une logorrhée réactionnaire, fantasmer la guerre des Anciens contre les Nouveaux, les Purs « serieux et curieux » contre les Woke « arrivistes » « surdoués de la comm ». Au delà des injures gratuites dont vous vous faites l’écho, cela relève de la fiction, un nouveau collectif n’est pas venu prendre la place d’un autre (d’ailleurs comment aurait-il fait ?). Une scission a eu lieu au sein d’un collectif et une minorité a quitté (d’elle-même par ailleurs) le projet.
Aujourd’hui un ancien membre n’arrive pas à passer à autre chose et fait une campagne de diffamation sur les réseaux. Et vous relayez telle quelle cette campagne. Beau travail.
Delbos-Klein
En outre, dire que les primo occupants se sont fait « torpiller » est assez contradictoire compte tenu de la violence des invectives publiques de la part de Survival qui sont assez révélatrices de ce qui s’est passé. J’étais personnellement plus proche des primo-occupants et je peux dire que la violence vient d’eux.
Personne dans l’intérêt du cinéma la Clef et du collectif n’avait intérêt à ce que la scission s’ébruite. Survival le fait aujourd’hui et manipule les faits en parlant de putsch à des fins diffamatoires et vengeresses.
Relayer les mensonges de Survival sans questionner les éléments de communication qu’il mobilise et sans enquêter n’est pas responsable.
Delbos-Klein
J’ai documenté l’occupation du cinéma la Clef dans la cadre d’une thèse doctorale et observé de l’intérieur l’organisation du collectif y compris ses conflits. Je témoigne – en mettant ma probité scientifique en jeu – que cet article reprend sans les questionner les éléments de communication de la Clef Survival qui reposent sur de purs mensonges et qui se résument à un pur projet de diffamation motivé par la rancœur et une série d’abus de faiblesse. J’ai à ma disposition 300 heures de rushs et de nombreux entretiens qui démontent tous les mensonges de Survival un par un. J’en ai d’ailleurs longuement discuté avec madame Issartel qui ne sait apparemment pas questionner ses conflits de loyauté et qui ne pourra pas dire qu’elle ne savait pas.
Parmi tous ces mensonges, le portrait d’un collectif supposément acquis aux thèses néolibérales est une pure fiction. J’en veux pour preuve que Derek Woolfenden lui-même décidément plus attaché à inventer des accusation qu’à se questionner lui-même, défendait le travail gratuit lors d’une conférence avec Bernard Friot en 2021: https://www.youtube.com/watch?v=lEfC6VHKUV8&t=9775s .
La vérité se retourne toujours contre celles et ceux qui la manipulent.
Xanaé BOVE
AuthorCher M. Delbos-Klein, pourquoi incriminez-vous Mariele Issartel? Elle est citée et non partie prenante.
J’ai lié les 2 pour être « POUR » plutôt que « CONTRE’.
Des pratiques telles que I’annulation de projections pour des raisons morales (Jodorowsky, BIier…) me paraissent questionnables.
Je vous suggère à vous et ceux que vous défendez la lecture ce passionnant ouvrage https://www.lechappee.org/collections/pour-en-finir-avec/le-piege-identitaire
Bonne continuation.
Léo
Bien au contraire je suis ravi que quelqu’un daigne enfin mettre les pieds dans le plat au sujet d’événements passés sous silence qui n’ont rien à voir avec des thèses complotistes. Pour avoir suivi l’évolution des choses et le split de l’équipe de manière peu transparente, j’ai moi même été fort étonné que personne n’en parle nulle part, et que le putsch n’aie pas fait un bruit. Il était temps que quelqu’un en parle quand les journeaux les plus » prestigieux » semblent être parfaitement tombés dans le panneau. Mais visiblement l’équipe actuelle semble passer pour parfaitement héroïque aux yeux de la plupart. La clef Survival est en revanche un peu maladroite dans l’expression compréhensive de son écœurement mais sans doute est-elle moins bien conseillée en art de la communication. Toute une époque.
Xanaé BOVE
AuthorMerci Léo. II me paraît à moi aussi très important de donner Ia parole aux primo occupants qui se sont fait torpiller Leur initiative et aussi, comment Ies nouveaux venus ont, par Ia même occasion, instrumentaIisé Ie champ alternatif, d’une façon vraiment peu ragoutante. (effectivement sur certaines maladresses pour I’équipe de pionniers, mais tout Ie monde n’est pas sophiste ou surdoué en comm’)
Fabrice
Bonjour,
Je suis assez choqué de voir aussi peu de rigueur journalistique dans votre article.
J’ai regardé le site « La Clef Survival » que vous relayez et ca ressemble plus à un condensé de thèses complotistes (et d’injures) qu’à un site informatif.
Pour être allé à La Clef plusieurs fois, je n’ai pas l’impression que le projet ait changé au fil du temps. Je suis récemment allé à une séance de soutien aux caisses de grève organisée par La Clef et ce que vous décrivez me semble assez éloigné de la réalité.
C’est décevant car quand on lit un article on a envie d’avoir du contenu informatif et non de la rumeur de comptoir à 3h du matin.
Desire Thibodeau
Merci pour cet article intéressant sur le travail de Marielle Issartel et Charles Belmont, ainsi que sur la situation actuelle au cinéma La Clef. Leur engagement pour aborder des sujets importants et controversés mérite vraiment d’être souligné. Leur adaptation de Pour Clémence semble être un film poignant qui soulève des questions pertinentes sur la place du travail dans nos vies. C’est formidable de voir que l’œuvre de ce duo talentueux est mise en lumière et continue d’être accessible au public grâce à l’aide de Francis Lecomte de Luna Park.
Concernant les conflits internes au sein du cinéma La Clef, il est dommage de voir que les idéaux initiaux semblent s’éloigner. Espérons que les deux collectifs trouveront un terrain d’entente pour continuer à promouvoir des œuvres cinématographiques de qualité et engagées.
Xanaé BOVE
AuthorMerci pour votre retour. .Ias! ce sont deux écoIes qui s’affrontent et des idéaux en totaI hiatus…