Ce livre n’a d’agressif que son titre, faussement provocateur. Avec un objectif beaucoup plus pédagogique que polémique, il interpelle les lecteurs sur le sujet crucial qu’est l’école publique d’aujourd’hui, et plus particulièrement les relations entre parents et enseignants. Anna Topaloff, journaliste, s’appuie sur de nombreux entretiens menés auprès de professeurs, instituteurs, parents, chefs d’établissements, représentants de fédérations de parents d’élèves, intervenants pédagogiques, avocats, etc. A travers cette enquête représentative et bien documentée, le constat de cette école en crise est sérieux et préoccupant.
Avec un habile « nous » sous-entendant que l’auteur balaie aussi devant sa porte, les mauvaises habitudes du parent-consommateur sont mises en avant : exigences, critique du service public, manque de considération tournant parfois au mépris, sacralisation de la parole de l’enfant… A notre époque, le parent semble imposer sa loi sans se rendre compte qu’il prive l’enseignant de son autorité, d’autant que le recours à un arbitrage judiciaire est de moins en moins anecdotique : les parents ont pris le pouvoir, et ils entendent bien le défendre. Le débat est simple et finalement légitime : le corps enseignant parle « d’élèves », tandis que les parents de ces élèves soutiennent leurs « enfants ».
Pour approfondir, Anna Topaloff pousse sa réflexion vers la psychologie sociale en montrant par exemple que le contexte économique actuel, difficile, accentue encore ces problématiques. En effet, l’auteur évoque la pression subie par les parents, sociale et professionnelle, qui a tendance à encourager leurs exigences afin d’optimiser les chances de réussite de leurs enfants. Selon l’enquête qui a été menée, ce sont même les catégories sociales les plus favorisées qui répercutent le plus souvent cette pression auprès du corps enseignant.
Autre souci majeur, la vie scolaire est en danger, comme le montre Anna Topaloff en prenant l’exemple de la cantine, épicentre des réclamations parentales à propos de restrictions alimentaires, qu’elles soient pour des raisons religieuses, médicales ou idéologiques. Cette problématique s’étend également aux sorties scolaires, menacées pour les mêmes raisons et dissuadant peu à peu les enseignants volontaires. L’auteur souligne ainsi que c’est l’équilibre de la société entière qui s’en trouve fragilisé à plus ou moins long terme, alors que l’enjeu de l’école publique est justement de rassembler.
Face à ces graves enjeux, le constat est posé dans le détail sans avancer d’idées d’évolution ou de recommandations : l’auteur est journaliste, chacun son métier. En attendant de véritables actions de la part des représentants ou du gouvernement, il paraît important que chacun prenne conscience de ces tendances, dérives, pressions, subies par l’école et puisse modérer son comportement afin de préserver tout au moins les plus jeunes élèves. En cela, cette enquête remplit ses objectifs et est à mettre entre les mains de tous les parents de bonne volonté.