Nous poursuivons les séances de la section des courts métrages dans le cadre du 29e Étrange Festival, qui se focalise sur les expérimentations corporelles & physiques de toutes sortes en fil rouge, et dans ce programme précis en donnant une place importante au tempo & au rythme, qu’il soit organique, mécanique, artificiel, ou frénétique par effets de montage.
Programme n°3 : rediffusé le samedi 16 septembre à 16h15
« Ceremony » by Atarashii Gakko! de Yoshihiro Haku 白玖欣宏 & Sachiko Hiraoka 平岡佐知子
El Pozo de John Petrizzelli
Boléro de Nans Laborde-Jourdàa
Time Trip Time de Taewan Kim 김태완 & Shunny Kim
Backflip de Nikita Diakur
Cut 컷 de Min-zun Son 손민준
Don’t Die on Me רק אל תמות de Ori Goldberg אורי גולדברג
Wild Summon de Karni Arieli & Saul Freed
« Ceremony » by Atarashii Gakko! de Yoshihiro Haku 白玖欣宏 & Sachiko Hiraoka 平岡佐知子
Une entrée en matière psychédélique avec le nouveau clip du
girlband Atarashii Gakko! 新しい学校のリーダーズ, dans lequel on retrouve le quartet Mizyu, Suzuka, Kanon & Rin, meneuses autoproclamées d’une génération de jeunes impétueuses s’autoaffirmant et se rebellant contre les traditions, réputées pour leur énergie débordante sur scène. Cette vitalité exubérante se retrouve dans leur incarnation de tueuses de démons 継子 ayant hérité de leurs aînés du trône d’une déité escargot, et qui dans ce clip procèdent à un rituel déluré sous forme de recette à base de
panko パン粉 (panure japonaise) et qu’elles ont chorégraphié elles-mêmes, comme toutes leurs performances. Le duo inventif à la conception artistique Yoshihiro Haku 白玖欣宏 & Sachiko Hiraoka 平岡佐知子 se fait connaître aussi sous le nom de
OTAMIRAMS utilisant de multiples techniques et se frayant une place de choix parmi les artistes vidéastes jusqu’à se faire élire parmi les
100 Video Artists + 100 incontournables de l’archipel nippon dès 2017. 7mn d’une étourdissante fantaisie toute kawaï dont le dynamisme est communicatif !
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Boléro de Nans Laborde-Jourdàa (France)
Boléro de Nans Laborde-Jourdàa (présentation)
Repéré à la
Semaine de la Critique cette année et avec une pluie de Prix, dont la
Queer Palm cannoise, c’est son 2è court-métrage produit par l’audacieuse Margaux Lorier chez
Wrong films, dénicheuse de jeunes talents, et qui propose un tout autre tempo dont la puissance dramaturgique suit l’évolution crescendo du Boléro de Ravel. Le danseur
François Chaignaud suscita l’envie au cinéaste de lui donner le rôle principal lors de ce retour en terre natale pour décors. Un regard quasi amoureux nous invite à nous régaler de toute la corporéité de l’artiste queer, suivant les boucles de sa crinière généreuse et les courbes de sa fine musculature jusqu’au bout des ongles peints rouge carmin. La mise en scène prend également le parti d’une exposition par une chorégraphie, ensuite un dialogue familial, puis peu à peu que l’intrigue s’installe, le langage des corps et des regards prend le dessus, la caméra s’attarde sur chaque détail des visages singuliers des voyeurs rejoignant le danseur dans les toilettes publiques d’un centre commercial, transformant cet espace clos et réduit en salle de spectacle sensuel, faisant le lien avec l’introduction au théâtre dans lequel Chaignaud y dansait le Boléro. On se laisse (em)porter par cette atmosphère devenant de plus en plus érotique, toute en attentions, substituées par des souffles de plus en plus courts, aussi palpitants que des cœurs battant à l’unisson, ou en suspens au tressaillement d’un geste gracieux.
Cut 컷 de Min-zun Son 손민준 (Corée du Sud)
Ce film ne déroge pas aux genres qui nous sont distribués massivement en France notamment : on oscille narrativement entre le mélodrame larmoyant ou le thriller sanguinolent, ici on est dans la 2è option. Vous aurez de la violence et du sang, souvent ingrédients assimilés donc au cinéma coréen. Mais l’intérêt de ce court réside ailleurs. Au départ, il naît d’une frustration, le cinéaste voulait être un acteur de premier plan, frustré de n’avoir pu faire carrière dans le cinéma, il soigne ce regret en devenant pour l’occasion le réalisateur et l’acteur (!), avec une bande d’amis pour ce projet. À son plus grand étonnement, le film fut sélectionné dans plusieurs festivals internationaux alors que l’apprenti filmeur travaille dans un restaurant de fruits de mer en Corée du Sud. Ce coup d’essai s’inspire de « One-Minute Time Machine » de Devon Avery, dont il ne reprend de principe qu’une autre prise à effectuer, contrepied à l’ensemble de ce programme agité, on se fond donc dans un tout autre rythme : on est en plein tournage d’une scène, paraissant insatisfaisante autant pour l’équipe que pour le comédien, ce dernier souhaite recommencer et demande une autre prise. La mise en scène repose alors sur de longs plans séquences, donnant presque l’illusion de n’en faire qu’un, avec une caméra très mobile, filmant très près des corps, suivant les déplacements précis dans un espace délimité, un hangar où se passent ces itérations de jeu. Ce procédé veut faire adopter le point de vue des protagonistes : agresseur ou victimes, ainsi que leurs perceptions afin de brouiller leur discernement. Comme les personnages, le public est invité à démêler la réalité du fantasme. À vous de voir alors ce en quoi vous voulez croire …
Backflip de Nikita Diakur
Un de nos coups de cœur va pour cet inclassable défi insensé s’affrontant aux peurs de
Nikita Diakur, dont celle de se faire mal, en l’occurrence en voulant faire un salto arrière. Quoi donc de plus rassurant que de subvertir l’expérience forcément douloureuse pour un novice en utilisant un avatar en 3D ? Et bien, ce n’est pas gagné ! Ce film vaut pour sa durée, les temporalités condensées, et la cadence que le cinéaste s’inflige. Le visionnage nous fait plonger dans une torpeur, voire une sidération, mêlée d’incrédulité, faisant passer du rire à la stupéfaction. On y apprend que Diakur a usé de ce subterfuge afin d’apprendre dans la virtualité les bonnes pratiques pour un salto arrière réussi, avant de vouloir se frotter à la réalité : il regarde des tutoriels en ligne et se rend compte que cela va être bien plus ardu. En s’inspirant des travaux de recherches de
Jason Peng, il pense avoir trouvé une parade afin que son avatar s’adapte plus efficacement aux contraintes physiques de son environnement. Diakur essaie même de s’/l’aider en s’équipant d’un ordinateur avec processeur 6 cœurs, de logiciels, d’IA, de
machine learning, et s’arme de beaucoup de patience (plus de 4 ans de création, parmi ses pauses & son temps libre) afin d’atteindre son but. Toute l’incongruité de ces exercices provient de ce corps synthétique malmené, se tordant dans tous les sens, avec des bras ou des jambes déboités
ad nauseam, et bien que mentalement on sache que c’est faux, on ne peut s’empêcher de ressentir une appréhension chaque fois qu’on le voit chuter de travers, renverser tout le mobilier, tomber la tête la première dans le décor ou le gazon, de jour comme de nuit. Cet apprentissage dans la trompeuse souffrance répétée (quelques 95000 sauts) donne à voir un fantôme des débuts du cinéma, un Buster Keaton ou un Charlie Chaplin désarticulés qui donnaient toute leur magie
slapstick à leurs gesticulations burlesques et leurs cascades spectaculaires. Mais comme « c’est en forgeant qu’on devient forgeron », Diakur se rend compte que cela n’est pas par la répétition, assistée et automatisée, qu’il y arrivera. Un supplément de motivation va l’aider à monter en cadence qualitative. On vous laisse découvrir la panacée à son obsession du salto arrière accompli. C’est hilarant, un brin éprouvant, mais on vient aussi à l’
Étrange Festival pour ce plaisir pervers d’avoir (un peu) mal… même virtuellement.
Retrouvez notre entretien avec Pascale Faure.
La compétition se poursuit jusque ce samedi soir, et vous avez l’occasion de participer en votant.
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