La compétition commence dès ce mardi soir pour la section des courts métrages dans le cadre du 30è Étrange Festival, avec dans ce programme une liesse éphémère révélant des vulnérabilités ou monstruosités par les craquelures de leurs vernis, masque ou carapace. Nous vous mettons en exergue les coups de cœur parmi cette sélection.
Programme n°3 Fini la bamboche ! : mardi 3 septembre à 19h30 & samedi 14 septembre à 16h30
Mothers & Monsters de Edith Jorisch
Jorisch offre avec sa mise en scène une direction artistique glacée et glaçante à cette satire sociétale sur la quête permanente de perfection. Une maternité réussie est un diktat et une charge mentale de toute époque, ici elle est poussée à son extrême avec en tropisme l’obligation sociale d’être un simulacre de mère et son exemplarité apparente de façade. S’y joue une parade grotesque de femmes blanches et bourgeoises, où le mimétisme sororal, la rivalité feutrée et la compétition féroce avec une tension double : celle de la performance transformant les enfants en produits manufacturés, tout en revisitant le mythe de la naissance par le chou, au travers d’une critique acerbe du capitalisme productiviste conduisant à l’exploitation de personnes racisées, et celle des comportements modifiés par l’usage abusif des réseaux sociaux orchestrant ostensiblement son rang social avec ses signes et symboles. Dans l’œuvre de Jorisch on y retrouve la frontière poreuse entre fiction et documentaire dans laquelle elle ausculte ces travers cruels, sans en oublier une certaine empathie, offrant alors à sa protagoniste une félicité inattendue et déconcertante.
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To the Brink de Hugo Docking
Le studio
Spare Flesh créé récemment produit et fabrique des films d’animation utilisant la
stop motion et les marionnettes en saynètes macabres convoquant le fantastique horrifique, voire gore comme le laisse suggérer son nom, avec ici un pauvre humain en véritable fantoche manipulé par un diablotin et un ange gardien plus ou moins mal intentionnés. Livré aux tentations, ce faible pantin au bord du précipice se trouve tiraillé par l’alcoolisme et le désespoir, et la fatalité nous prouvera que son sort n’a que peu d’importance car d’autres pulsions sont à l’œuvre entre les deux comploteurs. Ce bijou lugubre d’animation joue sur les contrastes avec sa chanson entrainante, ses couleurs criardes et les codes du conte et du cabaret. La stop motion fonctionne à merveille pour mettre en scène le corps malmené et maltraité en osant le sanglant et les chairs brutalisées, investies comme terrain de jeux sinistres au diableteau pervers. Une mise en bouche saignante donnant envie de goûter aux autres mets animés du studio, à consommer sans modération !
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De Occulta Imagine de Stefano P. Testa
L’une des plus captivantes propositions visuelles de cette sélection ! L’Étrange Festival avec sa foisonnante diversité de choix permet de voir sur grand écran de l’expérimental, à valeur égale avec la fiction et le documentaire, permettant ainsi aux publics de découvrir des gestes esthétiques hors normes, sans que cela soit circonscrit à un programme dédié pour initiés. Alors se nichent des joyaux ne demandant qu’à être révélés, dont celui de
Testa qui a pioché dans les
Archivio audiovisivo del movimento operaio e democratico tout un corpus d’extraits afin de donner chair à un art spagyrique, comme un alchimiste triturant les images pour une extraction magique des sens cachés offerte à l’interprétation des spectateurs, ainsi ces impressions opèrent un tour d’associations libres à notre persistance rétinienne, on en revient à l’essence même du cinéma comme art forain rencontrant alors la temporalité de ces images s’étalant de 1951 à 1970.
Testa compose des tableaux accompagnés d’intertitres et de segments selon la tonalité dominante noir/blanc, sépia, rouille… pour une session occulte et ésotérique parmi des tranches des vies prolétariennes et paysannes filmées dans le Sud de l’Italie, considéré comme la partie la moins noble de la botte transalpine dont les centres de décisions et industrieux se situent au Nord. Un mouvement de transe nous saisit accompagnant les convulsions de ces femmes dévotes allongées au sol des églises, tandis que les visages filmés en gros plans ou les foules en plans d’ensemble sont alternés avec des icones pieuses et la psalmodie de prières récitée en voix off (Psaume Miserere & l’
O ignis Spiritus paracliti) se mariant alors en contrepoint à la musique solaire de
Luca Severino, rappelant les instruments des bals populaires tel que l’accordéon.
Testa n’en est pas à son coup d’essai, il réalise depuis une douzaine d’années, et cette découverte n’invite qu’à plonger dans son univers singulier et sa prolifique production.
La compétition se poursuit jusqu’à samedi 14 septembre à 16h30, et vous avez l’occasion de participer en votant.
Deux Prix seront décernés ce dimanche 15 : le Grand Prix Canal+ par l’équipe éditoriale de la chaîne partenaire et le vôtre, le Prix du Public !
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