« Une utopie réussie »
En venant présenter son nouveau documentaire Toubib, Antoine Page a lâché ce mot pour désigner le festival de Gindou : une utopie de cinéma qui aurait réussi. En effet, qui aurait pu croire que ces rencontres nées dans une petite bourgade comptant un peu plus de 300 habitants, au cœur d’un des départements les moins denses de France (le Lot) attireraient autant de monde (la salle de l’Arsenic et le beau théâtre de verdure offrant plus de 600 places ne désemplissant jamais ou presque) ? Qui pour imaginer que ce festival perdu au milieu des forêts, qui débuta avec un drap tendu dans une cour d’école, finirait par bénéficier d’infrastructures impressionnantes et fêterait joyeusement son 40ème anniversaire, loin des projecteurs de la presse nationale ?
Mais Gindou, c’est également une atmosphère assez unique et, pour en donner une toute petite idée, il faut une fois de plus revenir à Toubib. Dans ce film, Antoine Page a suivi pendant douze années le parcours de son frère Angel, de sa première année en fac de médecine à ses premiers pas de médecin généraliste. Ce travail au long cours permet au réalisateur de saisir l’évolution de son frère, ses doutes et ses réflexions sur sa profession. A la fin, évoquant la question des inégalités sociales quant à l’accès aux soins, Angel nous fait part de ses idées pour améliorer le sort de la médecine et de l’hôpital en France et affirme qu’il n’y a qu’une solution : « il faut voter à gauche ». Dans la salle, cette réplique est immédiatement suivi d’une salve d’applaudissements nourris, soulignant le caractère volontairement militant de ce festival de cinéma. Mais le mot ne doit pas ici faire peur en ce sens qu’il ne s’agit pas d’utiliser les films pour servir une cause mais d’offrir aux spectateurs, par le biais du cinéma et selon la formule consacrée, une véritable fenêtre ouverte sur le monde. A Gindou, aux traditionnelles compétitions et autres remises de prix scolaires, on préfère le terme de « vagabondages ». Dans cette sélection exigeante et variée, le documentaire se taille la part du lion et permet de dresser un panorama peu réjouissant (mais non dénué d’espoir) du monde comme il ne va pas.
Parfois, la dimension militante l’emporte sur un véritable regard cinématographique, à l’instar d’Un paese di resistenza de Catherine Catella et Shu Aiello, documentaire consacré à Riace, petit village de Calabre et à son maire Domenico Lucano, arrêté par le pouvoir de Salvini pour avoir pratiqué une politique d’accueil favorable aux migrants. Le film pêche parfois par son côté univoque qui tend à faire de Lucano une sorte de saint laïque de notre époque. Non pas que le spectateur n’ait pas envie de défendre cet homme mais ce genre de film donne le sentiment de ne prêcher que les convaincus et de passer sous silence des éléments qui peuvent légitimement intriguer (pourquoi, par exemple, cet homme si exemplaire n’a pas été réélu par l’ensemble de la population?). Reste un documentaire qui met en lumière un sujet très intéressant, qui montre aussi à quelle vitesse un gouvernement d’extrême-droite peut ruiner très rapidement toutes les actions mises en place avec succès auparavant et quelques scènes de liesse populaire qui font toujours chaud au cœur (difficile de résister à une assemblée qui reprend en chœur Bella Ciao).
La plupart du temps, même s’ils ne sont pas toujours dénués de scories, les documentaires présentés ont préféré partir de l’humain pour soulever des dysfonctionnements plutôt que de partir d’idées à illustrer à tout prix et de manière univoque. Ce sont les collégiens de Château rouge qu’accompagne Hélène Milano durant leur année scolaire en dévoilant les difficultés auxquelles ils sont confrontés, notamment face à leurs choix d’orientation. La cinéaste montre un système qui broie les individualités qui ne s’adaptent pas à l’institution scolaire tout en prenant le parti de filmer une équipe éducative (principale, CPE, profs…) particulièrement active lorsqu’il s’agit d’aider ces jeunes à contourner les obstacles qu’ils doivent affronter. Tout cela n’est pas forcément original, frisant parfois un certain angélisme (la violence qu’on devine est laissée dans le hors-champ) mais il est difficile de ne pas être touché par ces portraits de collégiens attachants.
Dans Voyage à Gaza, Piero Usberti revient sur le séjour de quelques mois qu’il a passé en Palestine en 2018 en rapportant des images fortes de la « plus grande prison à ciel ouvert du monde ». Entre réflexions sur les conditions de vie infernales à Gaza (le montage du film a été achevé quelques jours avant l’attaque du 7 octobre 2023) et ses rencontres avec de jeunes palestiniens, le cinéaste nous offre un regard qui prend salutairement le contre-pied du discours médiatique dominant. Le film n’est pas sans défauts (voix-off parfois trop envahissante, quelques assertions contestables…) mais il a le mérite d’accompagner la cause palestinienne (la violence d’Israël contre les civils, une réflexion très juste sur le terme de « terrorisme » mis à toutes les sauces et permettant de légitimer l’assassinat de femmes et d’enfants…) sans pour autant oublier une certaine dialectique, laissant parler un jeune communiste ou des femmes qui évoquent aussi le joug de la loi religieuse imposée par le Hamas, les interdits pesant sur les femmes, les homosexuels ou les jeunes qui veulent vivre seuls. A l’heure du nettoyage ethnique de la Palestine, ce film évoquant un passé tout récent résonne cruellement.
Alors qu’elle n’a toujours pas trouvé de distributeur et qu’elle peine à montrer son film dans les festivals , la réalisatrice Itziar Leemans est venu présenter une œuvre à la fois salutaire et très forte à Gindou : Olatuak. Elle revient sur un sujet très peu documenté : la torture dans les prisons espagnoles dans les années 2000. Mais plutôt que de partir d’une thèse à illustrer, la cinéaste a le mérite de partir d’expériences individuelles. La première scène du film est éloquente : des femmes dessinent le contours de leurs corps avec un crayon lors d’une séance de « danse-thérapie ». A travers ce dispositif saisi par la caméra, il s’agit pour ces sept femmes basques de se réapproprier leurs corps meurtris et niés de manière particulièrement odieuse par leurs geôliers. En se concentrant sur ces séances de danse, Itziar Leemans parvient à saisir une parole douloureuse qui émerge petit à petit. On aurait aimé parfois que ces voix soient peut-être moins dissociées des corps filmés (les témoignages sont souvent off) mais cette petite réserve n’obère en aucun cas la force de ces mots qui s’élèvent contre des pratiques scandaleuses et encore toutes récentes (on ne parle pas de la Seconde Guerre mondiale ou de la guerre d’Algérie!). Un film dur mais intense.
Partant également d’un portrait, Marie-Pierre Brêtas signe avec Leaving Amerika la plus belle réussite documentaire de ce festival. Avec Derrick Johnson, ils se connaissent depuis de longues années et la réalisatrice décide de lui consacrer un film lorsqu’il lui annonce son désir de quitter les États-Unis pour Cuba. Le film emprunte parfois la voie d’un « road-movie » de la Floride au Tennessee, guidé par les mots de cet homme tentant de vivre dans un pays gangrené par la violence, le racisme et la discrimination. Poète à ses heures, travailleur itinérant multipliant les petits boulots précaires (le récit de son travail comme conducteur Uber s’avère édifiant), Derrick tente de survivre comme il peut dans un milieu hostile. Ses mésaventures permettent à la cinéaste de dessiner par petites touches le tableau d’une communauté afro-américaine exclue et subissant de plein fouet la violence de toute une nation. Petit à petit, le spectateur fait connaissance avec cet homme déterminé et découvre son secret. Un secret qui émerge petit à petit et qui offre à ce film contrasté des angles plus saillants et âpres. Mais le talent de la réalisatrice tient dans sa manière de ne pas se complaire dans la noirceur et de nous offrir des vraies trouées d’espoir en filmant une forme de solidarité qui circule et qui apparaît comme autant d’oasis dans une longue traversée du désert. Elle sait également capturer certains hasards miraculeux, à l’instar de ce badaud qui avance vers la caméra, un grand sourire aux lèvres et qui lance un « abracadabra » qui conclut de manière quasiment magique un mouvement particulièrement dur du film. L’équilibre que parvient à maintenir Marie-Pierre Brêtas tient à cette attention toute particulière à l’humain que ne vient jamais phagocyter un discours surplombant. Espérons que ce très beau film puisse sortir dans les salles.
Seule déception du côté des documentaires, le pourtant très attendu Dahomey de Mati Diop qui nous est arrivé auréolé de son Ours d’or à Berlin. Le sujet du film est intéressant puisque la réalisatrice évoque la restitution d’œuvres d’art au Bénin par l’état français. On imagine que ce retour des trésors nationaux confisqués au temps de la colonisation permet à la cinéaste d’aborder ces problèmes de la mémoire coloniale, des nécessaires réparations que les états occidentaux doivent aux pays d’Afrique… A ce titre, la partie la plus intéressante du film est celle se déroulant à l’université d’Abomey-Calavi où les étudiants béninois débattent avec beaucoup d’intelligence sur la signification de cette réparation. Mati Diop filme parfaitement la parole, les échanges contradictoires en une série de gros plans saisis dans l’urgence. Malheureusement, elle adopte aussi un parti-pris « poétique » qui ne fonctionne pas vraiment, notamment lorsqu’il s’agit de donner à l’œuvre restituée (une statue d’un roi) une vie propre à l’aide d’une voix-off caverneuse, déformée pour paraître venir d’outre-tombe… Elle tombe alors dans le piège du cliché folklorique (l’Afrique, c’est forcément le vaudou, les paroles sages des griots…) qu’elle reproduit de temps en temps avec certains plans trop esthétisants. Dommage.
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Une fenêtre ouverte sur le monde
© Les films du Losange
Côté fiction, ce désir d’ausculter la marche du monde fut également de rigueur avec une sélection de films variés, venus de tous horizons, de la Roumanie à l’Inde en passant par l’Iran ou la Somalie et le Japon. Et là encore, l’enjeu fut de trouver un équilibre entre le fond (le message à faire passer) et la forme (une mise en scène adéquate pour permettre au film de ne pas seulement illustrer une thèse et au cinéma d’apporter quelque chose d’inédit).
Avec 3 kilomètres jusqu’à la fin du monde, Emanuel Pârvu signe une fable s’inscrivant parfaitement dans la lignée du nouveau cinéma roumain. Son point de départ pourrait être un fait divers puisqu’il s’agit, dans un petit village du delta du Danube, d’un adolescent qui se fait tabasser alors qu’il rentre le soir. Son père veut porter plainte mais, peu à peu, de nouveaux éléments rendent la tâche plus difficile pour la famille… De cette ligne extrêmement ténue, le cinéaste tire une fable qui renvoie de manière métaphorique à tous les blocages (l’homophobie, la peur du qu’en-dira-t-on…) et les dysfonctionnements (la corruption généralisée, la prévarication des policiers…) d’une société roumaine encore marquée par la dictature de Ceausescu. Pârvu n’est pas un cinéaste dénué de talent (rigueur de la mise en scène, utilisation de la profondeur de champ…) et son regard sur la famille fait souvent mouche. On peut néanmoins regretter le côté parfois un peu mécanique des enchaînements de ce récit trop inéluctable.
Côté iranien, les cinéastes se sont penchés également sur la condition des femmes et sur le joug que fait peser une théocratie folle sur les épaules de tout un peuple. Mon gâteau préféré du couple Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha aborde avec un certain aplomb une histoire d’amour singulière entre septuagénaires. Alors qu’elle vit seule depuis des années, Mahin rencontre Faramarz, un chauffeur de taxi et l’invite à passer une soirée chez elle. Avec une délicatesse émolliente, les cinéastes filment leur soirée entre complicité et (légère) transgression (ils s’enivrent avec une bonne bouteille du vin). Auparavant, certains détails (Mahin volant au secours d’une jeune femme menacée d’arrestation pour avoir mal mis son voile, le poids des traditions qui empêche les individus de s’aimer librement… ) leur auront permis de lancer quelques piques critiques bienvenues contre le régime. On regrettera juste une fin un peu trop « dramatisée » qui affaiblit paradoxalement la jolie liberté de ce couple hors-norme. Dans Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof, il est question de l’essentiel mouvement de protestation « Femme, Vie, Liberté » qui a éclaté en Iran en 2022. Tandis qu’Iman a été promu juge d’instruction et qu’il affronte les absurdités d’un système judiciaire inique, ses filles Rezvan et Sana prennent le parti des révoltés. Pendant deux heures, le cinéaste articule avec une véritable intensité les soubresauts de l’histoire la plus contemporaine (la révolution iranienne) et ses répercussions sur la cellule familiale. S’appuyant sur trois actrices fabuleuses (la mère et les deux adolescentes), Rasoulof parvient à montrer avec beaucoup de force et dans un même mouvement la tradition ébranlée (la mère), les nouvelles voix qui s’élèvent (les filles) contre l’ignoble théocratie iranienne et un patriarcat hégémonique. La mise en scène au cordeau insistant à la fois sur les doutes du père et la position délicate d’une mère prise entre son mari, son attachement à une certaine tradition et son amour indéfectible pour ses filles. Mais arrivent alors les trois derniers quarts d’heure où le réalisateur s’appuie sur les conventions du genre (le thriller) pour sombrer dans le symbolisme le plus pataud, avec un finale évoquant presque Shining de Kubrick. Tout ce qui était amené de manière assez fine dans la première partie du film devient redondant, lourd voire grotesque jusqu’à un finale qui cherche à tout verrouiller de manière très déplaisante et qui gâche partiellement un film pourtant porté, dans un premier temps, par un vrai regard de cinéaste.
En Inde aussi, l’existence est dure pour les femmes, que ce soit pour Prabha, infirmière mariée à un homme qu’elle n’a pas revu depuis des années ou pour la jeune Anu qui tente de trouver un endroit protégé pour aimer en toute quiétude son fiancé d’origine musulmane. Mais là où le film de Rasoulof s’avère assez appuyé, Payal Kepadia signe un All We Imagine as Light en état de grâce, entre gravité (le joug social pesant sur ces femmes) et légèreté, qui progresse lentement mais sûrement vers le sensoriel et l’aérien. Rarement on aura vu un film indien si directement branché sur le mouvement de la ville et le contemporain. Il y a parfois du Wong Kar-Wai dans cette manière de filmer Mumbai, ses flux et ses lumières (superbe plan où Anu ôte sa burqa devant le métro qui passe derrière elle). On songe aussi au cinéaste avec Prabha qui pourrait vivre une nouvelle histoire d’amour avec un médecin mais qui reste emprisonnée par son statut de femme (mal) mariée. Anu, elle, est toujours filmée dans un environnement qui l’enferme et qui la fait ressembler aux poissons qui nagent dans l’aquarium de l’hôpital où elle travaille. Mais paradoxalement, c’est un lieu clos et hors des regards de la société (une grotte) qui permettra à son amour de s’épanouir. Cette histoire d’amour paraît d’ailleurs assez transgressive dans la mesure où elle réunit une indienne et un musulman (on sait que cette communauté est violemment discriminée en Inde) et que Payal Kepadia se permet de la filmer avec une sensualité assez inédite dans le cadre du cinéma indien. Un de mes coups de cœur du festival.
Ces rencontres de Gindou nous permîmes également de découvrir le nouveau film d’un enfant du pays : Miséricorde d’Alain Guiraudie. Comme précédemment avec Viens je t’emmène, le cinéaste s’appuie sur son roman fleuve Rabalaïre pour développer une histoire à la fois décalée et toute simple. Revenu dans un petit village à l’occasion de la mort de son ancien patron, Jérémie (Félix Kysyl) s’installe chez Martine (Catherine Frot) sa veuve, déclenchant la jalousie du fils Vincent (Jean-Baptiste Durand) et la curiosité d’un curé singulier (Jacques Develay). Comme toujours chez Guiraudie, on est frappé dans un premier temps par l’évidente simplicité de sa mise en scène qui n’exclut pourtant pas une vraie beauté (la photo automnale de Claire Mathon est splendide). Le cinéaste filme des personnages en vacance et un ballet de désirs contradictoires. Qu’ils soient réciproques ou non, tous les désirs – y compris les plus singuliers- et tous les corps – notamment les plus hors-normes – trouvent leur place chez un cinéaste qui se plaît à les orchestrer, à montrer leur circulation et leurs détours. Mais derrière cette ligne claire, ce sont des abîmes qui s’ouvrent sous les pieds des personnages et qui permettent au cinéaste d’aborder de nombreux sujets (la rédemption, le pardon, la culpabilité…). Jamais il ne fait de manière lourde ou didactique, préférant jouer sur le côté décalé des situations, faisant de Miséricorde son film le plus drôle à ce jour (certaines scènes de pure comédie sont à pleurer de rire). Sans avoir l’air d’y toucher, le cinéaste signe sans doute son plus beau film.
Pour finir avec un peu plus de légèreté, nous avons pu découvrir le dernier film de Jean-François Laguionie Slocum et moi. Dernier film à tous les sens du terme puisque le grand cinéaste d’animation a décidé de prendre une retraite bien méritée à 84 ans pour se consacrer à l’écriture et à la peinture. Le récit est très autobiographique puisqu’il narre les aventures d’un enfant après-guerre dont le père putatif décide un beau jour de construire dans son jardin un bateau pour suivre les traces de Joshua Slocum, premier navigateur a avoir fait le tour du monde en solitaire à la voile. Si le graphisme et l’animation séduisent immédiatement, on craint au départ que le film s’inscrive dans la lignée de ces œuvres trop ostensiblement nostalgiques peinant à dépasser les images d’Épinal autour de la « France d’antan ». Or en se concentrant sur ses propres souvenirs, Laguionie parvient à dépasser le côté sépia et valse guinguette du projet au profit d’une véritable sensibilité et d’une délicatesse touchante et habitée. En filigrane se devinent une vocation de dessinateur en devenir mais aussi une réflexion tendre sur les rêves et la création, aussi inutiles que nécessaires. Au cœur des films durs présentés lors de ces rencontres, ce dessin animé fut une vraie oasis de douceur.
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© Condor Distribution
Gindou est une fête
Parallèlement à ces vagabondages, les rencontres de Gindou rendent traditionnellement hommage à une personnalité du cinéma. Pour le quarantième anniversaire, c’est Mathieu Amalric qui fut distingué, offrant aux spectateurs le plaisir de revoir le formidable Tournée ou de découvrir Les Favoris de la lune d’Otar Iosselliani, étonnant film qui déconcerte dans un premier temps (télescopages de nombreux personnages et de nombreuses situations au milieu de sautes temporelles) et qui finit par séduire grâce à une mise en scène virtuose qui chorégraphie chaque mouvement en enchaînant les saynètes à la manière d’un Tati (gags discrets, dialogues tronqués…). Tous les matins, un film de l’acteur-réalisateur était présenté, suivi d’une « tchatche » avec Mathieu Amalric. Celui-ci semblait être comme un poisson dans l’eau à Gindou, se promenant en toute simplicité dans le « village » du festival, échangeant volontiers quelques mots au comptoir de la buvette ou au stand des frites sans le moindre chichi avec des festivaliers ravis.
En collaboration avec la Cinémathèque de Toulouse, les rencontres proposèrent également une belle sélection de films patrimoniaux qui, cette année, avaient pour thème la fête. Fête sous toutes ses formes, qu’elle soit une véritable déflagration burlesque à l’image de l’inusable chef-d’œuvre de Blake Edwards The Party ou de la satire grinçante d’un régime communiste à l’agonie en Tchécoslovaquie dans Au feu les pompiers de Milos Forman. Nous pûmes également redécouvrir la singulière comédie musicale de Chantal Akerman Golden Eighties, à la fois de plain-pied dans son époque (les 80′ dans toute leur vulgarité criarde et leur goût tapageur pour le fric et la réussite) mais traversée par des flux mélancoliques extrêmement touchants et venus de loin (l’ombre de la Shoah) et emportée par une distribution étincelante (Delphine Seyrig, Charles Denner, Fanny Cottençon, Jean-François Balmer, Myriam Boyer, Lio…)
Mais la plus étonnante découverte fut sans doute celle du très beau film de René Féret La Communion solennelle. Partant d’un matériau autobiographique, le cinéaste bâtit un étonnant film choral, à la fois distancié, plein de sensibilité et d’humour. La mise en scène est constamment inventive, entre plans séquences virtuoses et idées de saynètes qui rendent vivant le tableau global : reconstitution picturale (Le Déjeuner sur l’herbe), prise en charge du récit par un Reggiani qui semble déclamer une chanson de geste… De quoi donner envie de se pencher plus sérieusement sur l’œuvre de ce cinéaste trop oublié qu’est René Féret.
En tout cas, cette thématique de la fête était en parfaite adéquation avec l’état d’esprit régnant à Gindou. Une sorte de liesse permanente où l’on peut écouter des concerts avant de voir des films, où l’on dépose son coussin pour réserver sa place dans le théâtre de verdure et où tout le monde semble heureux de vibrer au rythme du cinéma (des invités aux spectateurs en passant par la formidable équipe de bénévoles contribuant à la parfaite organisation du festival).
Nul doute alors que si l’occasion se présente, nous retournerons voir des films sous les étoiles de Gindou.
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