Pour sa 4è édition, Le Maudit Festival nous invite à un voyage vers l’Orient, en choisissant divers genres pour sa caravane filmique provenant du Japon à son extrême, en passant par la Corée du Sud, Hong Kong, les Philippines, l’Indonésie, le Kazakhstan, puis l’Arménie au plus près de nous, balayant ainsi différents styles de mise en scène et de thèmes entre 1969 & 1997 (1956 pour la séance jeune public & 2023 pour la séance documentaire).
Une édition généreuse défendant un cinéma encore méconnu de nombreux publics en France, avec des films de genres principalement d’auteur et d’exploitation (la soirée Grindhouse conservée de feu Les Maudits films), pendant laquelle on peut y voir des films étranges, subversifs, censurés, parfois déjantés, et n’ayant pu au moment de leur sortie initiale bénéficier de reconnaissance pour leur créativité et folie. Ce festival, à vocation principalement rétrospective, permet ainsi de réhabiliter les titres coups de cœur de l’équipe et de valoriser des fonds avec copies 35mm, des catalogues avec des versions restaurées en numérique d’ayants droit, distributeurs et éditeurs vidéos p/matrimoniaux faisant également le choix aussi curieux de s’intéresser à ces pépites souvent méprisées par des cinéphiles préférant les grands maîtres du cinéma classique. Car ici, au Maudit festival, les propositions audacieuses sont complémentaires à l’offre art & essai de la région grenobloise avec des inédits n’ayant pas été programmés, voire des exclusivités absentes des autres salles, ce qui invite alors son public à l’exploration de cinématographies insoupçonnées, hors des sorties nationales et reprises hebdomadaires, et met ainsi en lumière toute la pertinence de sa ligne éditoriale pour des spectateurs avides de sensations fortes et d’imaginaires débridés. Depuis le focus « Onirisme & cauchemar », certains films fétiches restaient en tête de liste dans les programmations à prévoir, mais beaucoup de titres souhaités demeurent inaccessibles (exclusivité bloquée de version restaurée pour d’autres festivals, tarif prohibitif…), c’est avec la disponibilité de House et de Tetsuo que s’est dégagée une thématique asiatique pour 2024, et que de fil en aiguille, la programmation du Voyage vers l’Orient s’est construite. Grâce au Maudit festival, ce fut l’opportunité de les voir en version restaurée sur grand écran pour la première fois à Grenoble.
Soudain dans la nuit 깊은밤 갑자기 de GO Youngnam 고영남
On prend la caravane orientale en marche au 4è jour du festival, et on revoit ce film inédit dans la filmographie de GO (seul film d’horreur pour ce stakhanoviste aux 111 films, et devenu classique du genre) en version restaurée au cinéma cette fois. Au moment de sa sortie en Corée du Sud, ce fut un échec commercial (28 178 entrées) face aux années 1970’s florissantes en termes de recettes, la décennie des années 80’s accusa un petit coup en termes d’entrées avec en comparaison Liberal Wife ’81 자유부인 de Park Hotae 박호태 (287 929 entrées) vs For Your Eyes Only de John Glen (500 243 entrées). En 1981, la politique des quotas toujours en vigueur favorisa les films nationaux (87) vs les internationaux (31). Paradoxalement, c’est à ce moment-là que la censure initiée sous la dictature de PARK Cheunghee, puis poursuivie sous CHUN Doohwan s’assouplit un peu, et ce fut une sorte de renaissance du cinéma coréen à laquelle on assista avec de plus en plus de sélections en festivals internationaux de premier plan (IM Kwontaek commença à réaliser moins de films d’exploitation à la chaîne et à imposer sa vision auteuriste appréciée en Occident), une deuxième nouvelle vague avec une génération émergente d’auteurs ancrée dans le réel et le social vit le jour (BAE Changho, PARK Chulsoo, PARK Kwangsu, LEE Myungse, JANG Sunwoo…). Cela eut pour conséquence d’avoir des films plus osés concernant l’érotisme, et Soudain dans la nuit n’y échappa pas. Le film devenu le mètre étalon d’une certaine angoisse dans une maison bourgeoise où se tapissent névrose et crime dans les moindres recoins fut La Servante 하녀 de KIM Kiyoung 김기영 (1960), d’ailleurs Kisapmata de Mike de Leon (1981) est un parfait écho thématique, mais à la mise en scène différente de Soudain… programmé lors du 4è Maudit festival.
Le motif récurrent des thrillers psychologiques est le couple coincé dans un huis clos domestique, il y en eut une pléthore de variations, et l’on peut légitimement se demander ce que cette proposition offre de singularité cette fois. Il s’agit déjà d’une unique incursion dans l’horreur pour ce cinéaste prolifique, et bien qu’il faille attendre le dernier mouvement du film pour saisir pleinement toute cette dimension horrifique, il ne ménage aucun effet pour installer une ambiance de terreur ressentie par Seonhee la protagoniste, en la personne da la grande actrice KIM Youngae, épouse névrosée et obsédée par l’adultère de son mari. Pour les amateurs de cinéma coréen auquel se réfère le multi oscarisé BONG Joonho, KIM Kiyoung est un de ceux ayant inspiré nombre de cinéastes pour ses inventions formelles, et en l’occurrence GO son puîné d’une génération. mais ce sera surtout le film A Woman After a Killer Butterfly 살인나비를 쫓는 여자 qui put influencer au premier chef KO dans son esthétique des couleurs criardes et saturées sculptant l’image dans son cadre (Suspiria de Dario Argento aussi cité en référence), et Insect Woman 김기영 pour des angles de caméra inattendus soulignant le côté voyeur du public dans les scènes érotiques (ici une vue en plongée dans la salle de bain, plein phare sur le corps dénudé de la domestique Miok, que la caméra caresse en filant tout le long de sa jambe).
On n’oublie jamais à qui s’adresse un film et ce qu’il capture de son temps, en l’occurrence à cette époque où les films furent davantage autorisés à montrer des passions érotisées, tant qu’on n’évoquait rien de politique ou en lien avec le récent massacre de Gwangju. Pour un public majoritairement masculin, dans une société patriarcale et hétéronormée, la femme confucéenne n’était ni plus, ni moins que la fille, l’épouse et la mère d’un homme, et sa représentation dans les films souvent cantonnée à une femme mariée reléguée à ses missions conjugales et domestiques. Dans Soudain… on met l’accent sur une inquiétude naissante se transformant en une obsédante et préoccupante névrose, la maison bourgeoise surchargée en décors et accessoires opère ainsi l’espace mental d’une aliénation allant crescendo avec l’intrusion par le mari d’un élément perturbateur, prenant la forme d’abord d’une poupée chamanique, puis en chair et en os celle de Miok, jeune orpheline diaboliquement séduisante. Tout vecteur visuel nourrit la hantise de Seonhee envers Miok : une diapositive, une photo, ladite poupée relayées par des objets devenant menaçants dans la maison jadis réconfortante (l’insistance presque comique d’une statuette d’un duo de serpents), et sa claustration renforcée par une ligue qu’elle sent monter contre elle avec l’incompréhension, la culpabilisation et la persécution du mari et de l’amie de Seonhee, ne croyant pas les origines de son angoisse et mettant en doute sa santé psychique. Par ailleurs, le cadre de l’image comme la maison usent du hors champ pour accroître la détresse et la solitude de Seonhee avec une création sonore tablant sur les vents, sifflements, crissements, et une musique de temps en temps stridente. De cette façon, l’ouïe de Seonhee se brouille, comme sa vue, et substituée par une caméra subjective transformant son point de vue en un kaléidoscope fragmentant sa vision ou en utilisant le fond d’un récipient transparent, déformant alors la perception rationnelle du public aussi. Le film n’est donc pas avare de ce dispositif, le répétant à intervalles réguliers alternant entre réalité anxiogène et hallucinations oppressantes jusqu’à un final étiré, mais dont la montée dramaturgique est presque une catharsis pour tout·e·s.
Si du politique devait réellement poindre dans ce récit, au delà de la sexualisation de la jeunesse par le film, et de la jeune fille plus précisément pour laquelle Seonhee est fascinée en répétant être subjuguée par la beauté du corps de Miok, Soudain… est symptomatique d’un basculement dans une nouvelle ère pour la Corée du Sud : à plusieurs reprises l’époux rappelle qu’il faut faire avec la modernité dorénavant, l’ambivalence de Miok avec l’archaïsme que représente sa poupée chamanique et son avenir bien plus séduisant que celui d’une ‘ajumma’ vieillissante dans un couple las qu’est Seonhee, le pays est rentré par l’entremise de PARK Cheunghee dans la modernisation à l’occidentale à marche forcée, avec une reconstruction dans la sueur et le sang d’un État souhaitant sa revanche. Le corps de Miok abondamment scruté comme la maison truffée d’objets hétéroclites scrupuleusement filmée se répondent dans la recherche d’une accumulation de biens et de possessions. Les films de genre rappellent à notre bon souvenir qu’ils sont des miroirs, déformants souvent à l’extrême, des maux contaminant la société contemporaine dans laquelle baignent les auteurs, GO en fait une sorte de réponse paranoïaque à la politique des ‘3S’ (Sex, Screen & Sport) que CHUN Doohwan avait instaurée pour divertir la population après des années difficiles pour la nation.
ℹ️ Pour aller plus loin :
* Hallyuwood. Le cinéma coréen de Bastian Meiresonne aux Éditions E/P/A
Soirée Grindhouse ‘Girl power’ : The Heroic Trio 東方三俠 de Johnnie To 杜琪峯
Le retour attendu de la soirée Grindhouse bat son plein, et la séance est complète grâce aux curieux et amateurs de films de genres décomplexés, abandonnant ainsi toute rationalité occidentale, avec un choix se portant sur des protagonistes féminines ne se laissant pas abattre si facilement. Ca va tataner dur des séants masculins et les tancer d’imaginatives façons : à coups de bidons, voire de vers…
On retrouve l’un des maîtres du cinéma de genres hong-kongais s’étant essayé au film d’action (The Big Heat), comme à la comédie musicale (Office), avec plus ou moins de succès. En effet, Johnnie TO combine tout au long de sa carrière de producteur et de réalisateur à ses projets une façon hybride qui sera sa marque de fabrique à venir avec sa société de production MilkyWay Image dès 1996, pouvant se financer et se vendre soit sur le territoire local, soit international. Si bien que beaucoup d’Occidentaux connaissent son parcours auteuriste en festivals avec ses films noirs, polars et thrillers (The Mission, PTU, Breaking News…), ce qui permit paradoxalement la reconnaissance internationale du cinéma HK au delà de ses frontières ; et ses compatriotes plus l’aspect commercial et grand public avec ses comédies (Happy Ghost III, A Moment of Romance, Running on Karma…) ou productions (Longest Nite…). Ses dernières réalisations nous parviennent moins certes, mais il est toujours très actif comme producteur en nous ayant livré récemment Mad Fate de Soi CHEANG. La version restaurée de Heroic Trio projetée sonne les 30 ans du film et redonnera un goût nostalgique de la VHS et du DVD aux cinéphiles de la première heure lorsqu’ils découvrirent ce film à sa sortie, et pour les plus novices, une excellente introduction à la démesure cinétique dont sont capables les faiseurs hongkongais. Depuis peu effectivement, une politique patrimoniale donne lieu à la localisation de copies perdues, qui peuvent enfin être restaurées, rééditées et réévaluées, ainsi tout un pan du cinéma HK, dont celui d’exploitation et du bis nous revient, ce qui fait un écho contradictoire avec la mainmise actuelle de la Chine continentale sur le cinéma HK en verrouillant des centaines de titres désormais, on mesure donc notre chance de (re)voir ce film dans une copie soignée, qui plus est sur grand écran.
Le diptyque Heroic Trio/Executioners produit en 1993 devait installer de nouvelles icônes de super-héroïnes, assez épisodiques dans la culture pop cinématographique (le genre martial et chevaleresque ‘wuxia xiaoshuo’ ayant pourtant généré quantité de séries et films HK au fil des décennies, mais au masculin) : The Black Rose 黑玫瑰, Silver Hawk 飛鷹…, et inspiré vraisemblablement par des classiques des films de kungfu Revenge of the Twin Phoenixes 雙鳳仇 ou Swordswomen Three 江湖三女俠. Heroic Trio est à l’image du parcours de To, façonné par sa formation à tous les postes et à l’efficacité de la production audiovisuelle quand il fit ses armes à TVB (The Enigmatic Case y fut son premier long-métrage), et l’un des rares à être resté à HK lors de sa rétrocession en 1997, lui laissant alors le champ libre à sa patte dans la majorité des films HK distribués à venir. Deux idées avec sa casquette producteur : tourner un diptyque avec les mêmes casting et décors, et l’embauche d’actrices plus économiques que des stars masculines (Jackie CHAN, Andy LAU…), mais en choisissant tout de même des vedettes féminines de premier plan : Anita MUI, Michelle YEOH & Maggie CHEUNG. Donc ce film n’avait aucune velléité féministe, et parmi ses idées en casquette réalisateur : recycler des concepts/genres et ce qui plaisait dans l’air du temps, en l’occurrence les succès internationaux de Batman pour un blockbuster HK à l’occidentale. On se retrouva ainsi avec une fantaisie assez démente, dont on voit les ficelles au sens propre comme au figuré, mais l’énergie de la mise en scène compense les défauts techniques inhérents à un budget modeste. Mais c’était sans compter sur l’ambition visuelle de To à vouloir tout de même donner au grand écran un spectacle ‘never seen before’, en se faisant épauler par le chorégraphe Siu-tung CHING (A Chinese Ghost Story, Fight and Love with a Terracotta Warrior, The Swordsman, Shaolin Soccer, Belly of the Beast avec Steven Seagal, L’Âme-Stram-Gram le clip vidéo pour Mylène Farmer), qui ‘coréalisa’ le deuxième volet du diptyque avec lui. De même, ce fut le grand retour de Yeoh (doit-on encore la présenter, à moins que vous étiez reclus dans une grotte il y a un an avec son Oscar pour la Meilleure actrice dans EEAAO ?), danseuse, miss Malaisie 1983 et actrice reconnue notamment pour ses talents en arts martiaux (Police Story 3: Super Cop, Tai Chi Master…), elle reprit du service avec Heroic Trio après une pause, pour le personnage de l’Invisible dont elle assura ses propres combats, en face de Mui l’inoubliable star de la cantopop et actrice confirmée pour la dimension mélodramatique de l’intrigue (Dancing Warrior, Rouge réédité prochainement chez Carlotta films, A Better Tomorrow III: Love & Death in Saigon…), campant une Justicière volante rappelant Kato de Green Hornet. Pour compléter le trio badass, Cheung en jeune mercenaire vénale et exubérante, incarnant littéralement une nouvelle génération avide pour To, sa joliesse de première dauphine de Miss HK 1983 et ses rôles dans Prince Charming, Police Story… pesèrent dans le choix sexy du trio.
Malgré cet opportunisme et les impératifs financiers, c’est un film bouillonnant, poussant au maximum l’extravagance formelle tout en développant son propre univers à la direction artistique rétro-futuriste, des cascades câblées réjouissantes inspirées des ‘wuxia pian’ films de sabre, et une sorte de mash-up atypique de pop culture occidentalo-asiatique de l’époque : le serial français (*), le Girls With Guns, les comics comme les 4 Fantastiques, The Seventh Curse, Terminator 2… où l’on retrouve les genres : fantastique, comédie, mélodrame, action, et des incursions ultraviolentes et sordides dignes de la category III (âmes sensibles s’abstenir : cannibalisme, dynamitage d’enfants…). Le film se déroule dans peu de décors par Pui-wah CHAN & Catherine HUN, et pourtant donnant une atmosphère singulière, par exemple celui de l’hôpital avec ces immenses cubes ouverts, et les séquences avec l’eunuque de la dynastie Ming sont assez dépouillées, en revanche tout le jeu des lumières et de la photographie de Hang-sang POON et Moon-tong LAU apportent ce zeste occulte à l’inquiétude que la rétrocession de Hong Kong jeta en un voile anxiogène sur ce film (qui n’avait pourtant pas l’air politique au prime abord), notamment lorsque l’Invisible et les sbires de l’eunuque scandent que la Chine ne peut pas se passer d’un Empereur avec ces 19 bébés enlevés, et que l’intrigue plutôt simple déroule en une enquête entrecoupée de flashbacks dramatiques concernant la Justicière volante et l’Invisible. La narration est donc accessible avec des pics de pur brio cinétique et jubilatoire, pour preuve les scènes avec Wong projetant sa guillotine volante inspirée de The Flying Guillotine 血滴子 et une séquence catastrophe absolument spectaculaire dans une gare, puis avec des moments parfois comiques avec la musique entêtante de William Hu et ses quelques bips tonitruants, mais surtout les chansons de Anita Mui soulignant des envolées mélos (“女人心”) ou martiales (“莫問一生”) du film. Les idées de mise en scène peuvent paraître kitsch avec le recul et ces tenues moulantes pour l’excitation du spectateur, on en retiendra cette rime visuelle entre les larmes de la Justicière volante recueillies par son époux et le saignement de nez du scientifique retenu par les mains de l’Invisible, donnant la touche romantique avec force soufflerie et l’injonction aux femmes d’être aimantes dans leur caractérisation. Malgré cet échec au box office local ( >9M $HK), il convient de s’accorder que ce film est une pure pépite esthétique de ce que le cinéma HK peut proposer de plus fou, et cette restauration offre la possibilité de (re)découvrir la jeunesse de stars consacrées mondialement sur grand écran. L’artisanat d’exploitation n’a pas à pâlir face à la profusion d’effets spéciaux numériques que notre cerveau ne peut absorber à la vitesse qui nous est imposée dans les blockbusters états-uniens, ici on profite pleinement d’un travelling suivant la course d’une balle donnant le temps à la Justicière volante de décocher sa propre parade en quelques secondes, et rien que cela c’est un plaisir coupable dont on se repait généreusement car on peut y admirer pour l’éternité l’immense Anita Mui dans toute sa splendeur !
ℹ️ Pour aller plus loin :
* clin d’œil d’Assayas à Louis Feuillade avec Léaud dans Imar Vep à la 13è seconde
* Carlotta films aux goûts éclectiques dans le patrimoine a édité en vidéo la version restaurée du diptyque à découvrir avec Executioners, post-apo plus sombre & complexe, avec toujours des fulgurances gory (rat pressé comme un citron, un coup de poing traversant complètement le tronc d’un adversaire), accompagné des bonus enrichissants sur l’industrie du cinéma d’exploitation HK, et vous pourrez explorer les filmographies de nos super-héroïnes avec Stanley Kwan, Le romantisme made in Hong Kong à venir
* Anita Mui dans Mi,crociné Revue de cinéma et de télévision
* ouvrages de Arnaud Lanuque & sa chaîne vidéo, Julien Sévéon, Marvin Montes …
Soirée Grindhouse ‘Girl power’ : La Reine de la Magie Noire Ratu Ilmu Hitam de Lilik Sudjio
Depuis sa sortie en salles françaises en juin 1983 par Rex international distribution et en VHS chez Cosmopolis, ce film devint une rareté en projections. Le Maudit festival nous donne ainsi l’occasion de voir la version restaurée de la Nikkatsu. Immersion jubilatoire dans l’occultisme et la spiritualité par l’entremise d’une vengeance inventive…
Alors que se déroulent les élections présidentielles dans l’archipel indonésien avec une forte probabilité que Prabowo SUBIANTO soit élu, la succession des dirigeants souligne leur obédience à l’Islam (88% de musulmans des 275 millions d’habitants, fait de l’Indonésie l’une des nations islamiques les plus peuplées au monde), pourtant la république reste laïque avec d’autres religions officielles (bouddhisme, catholicisme, hindouisme, protestantisme). De ces deux traits synthétiques entre croyances & dictatures en résultent une industrie florissante dans laquelle la production de La Reine de la magie noire fut possible au début des années 1980, et un récit féministe imaginé par le scénariste Imam TANTOWI, qu’on aurait peine à croire envisageable dans une culture si patriarcale et pieuse, et donc sacralisant Suzzanna la Reine des films d’horreur indonésiens ‘Ratu Film Horor Indonesia’, titre honorifique donné grâce à ce film et sa carrière dans divers films horrifico-mystiques, s’inscrivant ainsi avec fort à propos dans la soirée Grindhouse ‘Girl power’. Avec une vengeance convoquant les croyances spirituelles pour son exécution, on suit la croisade de Murni (Suzzanna) trompée par la fausse promesse de mariage de Kohar pour la déflorer avant leurs noces, finalement, avec ce dernier plus enclin par la suite à épouser la fille du chef du village. Lâche, n’assumant pas ses actes immoraux, il préfère stigmatiser Murni et liguer contre elle toute la communauté, suite à d’étranges phénomènes, et lui lance une traque fatale, c’est alors qu’elle revient en sorcière occire tous les hommes qui sont des salauds ‘semua lelaki bangsat’, des façons les plus raffinées.
Entre la fin des 1970s et le début des 1990s, on assista à un 2è âge d’or du cinéma indonésien avec de nombreux et les plus élevés pics de productions locales entre 100 et 130 films annuels. Le Nouvel Ordre ‘Orde Baru’ de 1966 à 98 du militaire SUHARTO, deuxième Président de la jeune république indonésienne, institutionnalisa une politique ferme de centralisation pour une stabilité ‘stabilitas’ et unité ‘persatuan’ de l’État. En 1965, il remplaça par un coup d’état le Président SOEKARNO co-fondateur de l’Indonésie (célèbre pour la conférence du « Mouvement des Non alignés » à Bandung s’étant affranchis des empires coloniaux) avec sa « Démocratie Guidée » ‘Demokrasi Terpimpin’ autour de sa doctrine ‘pancasila’ qui soulignait la nécessité d’un État religieusement neutre, et utilisait notamment le cinéma pour le financement de sa révolution idéologique, semblant plus tolérante avec la censure que celle de son successeur. La politique de revitalisation économique de SUHARTO ‘pembangunan development’ incluant l’industrie cinématographique contraignait pour 5 films étrangers importés 1 film indonésien à produire, si bien que dès les années 1970 une hausse de la production locale et une baisse des imports de films étrangers fut constatée. Les taxes imposées aux films importés revenaient aux réalisateurs locaux (une imposition forte des droits d’importation et une redevance encore plus élevée par mètre de pellicule de chaque film distribué) afin de produire des films nationaux par la diminution de leurs propres taxes considérables (sur le matériel, moyens de productions, post-production, tirage de la copie…) représentant jusqu’à plus de 10% du coût total d’une production locale. Les formes culturelles étaient déjà très variées à l’époque, telles que le théâtre avec des tragédies ‘stambu’, la littérature, des pièces radiophoniques, la BD surtout dans le mitan des 70’s où les saints ‘wali’ apparaissaient comme des prosélytes de la charia ‘dakwah’ ; le cinéma, s’il n’était pas projeté en salles physiques, sillonnait l’immensité de l’archipel en itinérance ‘layar tancap’, favorisant ainsi la vie sociale en extérieur, chère aux coutumes traditionnelles javanaises ‘adat’, revenant à l’essence foraine du cinéma avec sa toile dressée dehors, telle une image vivante ‘gambar idoep’.
Le cinéma indonésien était un vecteur supplémentaire de la pop culture, en se diversifiant et en particulier lors de son 2è âge d’or, une prolifération de genres s’épanouirent pour des goûts multiples en en faisant profiter l’horreur, qui est restée populaire parmi les productions grand public, romance, biopic, drame, histoire, à thème islamique ‘film religi’…, et ce, quelles que soient la gouvernance et ses politiques (cinéma national dont le système de production se devait d’être sur le territoire : casting, équipes, sociétés et lieux de production ; cinéma d’État ‘film nasional’ dans un but de définition de l’identité de l’Indonésie authentique, ‘cinema reformasi’ apparu après le Nouvel Ordre), attestant de son dynamisme et sa popularité jusqu’à l’arrivée de la TV en 1989 dans les foyers, comme forme principale de divertissement familial. Le Nouvel Ordre avec la commission de censure ‘Lembaga Sensor Film’ obligeait de soumettre le scénario avant le tournage appliquant un crible à l’acronyme S.A.R.A. pour Suku (ethnie), Agama (religion), Ras (race), Antar Golongan (classe sociale). Paradoxalement, la sexualité ne figurait pas comme sujet sensible dans ces directives, et surtout tant que le récit ne troublait pas l’ordre public avec en son cœur la famille ‘priyayi’ sous la férule de son patriarche ‘bapak’ et la mère ‘ibu’ à ses côtés, garante de l’harmonie et gardienne du pouvoir en son foyer. La monogamie et l’hétéronormativité en standards sociétaux par un cinéma qui devait introduire ces modèles de la bonne famille respectable dans toutes ses narrations. Toutefois des tabous sociaux nécessitaient d’adapter les mises en scène avec des trouvailles techniques pour les cadrages et les angles de caméra : l’homme et la femme ne devaient pas apparaître nus, aucun gros plan sur les parties génitales ou torses habillés ou dénudés, que des baisers chastes, aucun rapport sexuel en image ou en son hors champ… dans cette censure quelle que soit la sexualité, elle était assimilée systématiquement à de la pornographie. Cette censure considérant la population comme un public homogène, malgré la segmentation marketing des films de genres, eut pour conséquence une large accessibilité et des fréquentations records avec des films nationaux vus par toute la famille pour environ 50% des tickets vendus estimés dans la myriade d’îles indonésiennes, avec pour exemple des remakes de films étrangers, comme il semblerait que La Reine… soit inspiré fortement de Black Magic 降頭, ou certains films montrant un mélange de périodes ‘histori’ avec des scènes de combat, d’arts martiaux ‘silat ‘, et des prouesses magiques comme Sunan Gunung Jati furent très plébiscités à leur sortie.
En parallèle, de cette explosion de la pop culture avec notamment la presse à scandales comme relais de toutes les frasques des vedettes, plus ou moins avérées, un phénomène naquit dont Suzzanna fut la pionnière médiatique en Indonésie, les ‘bom seks’, les bombes sexuelles indonésiennes. Le public en attente de nouveautés car las des drames romantiques en l’occurrence incita les cinéastes à explorer les problématiques sociétales (l’exode, l’urbanisation, la pauvreté… comme Suzzanna cherchant à partir de sa campagne pour voir si l’herbe est plus verte en ville) et ainsi, certaines productions invitèrent des actrices porno pour jouer dans des films érotiques à petit budget comme Maxima Pictures avec ‘Miyabi’ Maria Ozawa ou Sora Aoi; KK Dheraj avec Tera Patrick, attirant ces classes moyennes curieuses, notamment des petites villes, ce qui s’avéra un moyen efficace de garantir un retour sur investissement partout dans l’archipel. Il y eut l’avènement des pop stars du monde de la musique avec Benyamin S. ou avec des égéries du Teater Populer, et ce fut ainsi que le légendaire Barry Prima figura dans une nouvelle génération d’acteurs prisés, avec à son bras plusieurs ‘bom seks’ et à de nombreuses reprises avec Suzzanna. Les ‘bom seks’ étaient pour la plupart d’origine modeste, métisses souvent et débutaient dans les concours de beauté et devenaient mannequin, pour celles poursuivant des études, beaucoup durent faire un choix de carrière très tôt en devenant ‘bom seks’ les sortant de leur ordinarité par leur capacité à endosser des rôles très audacieux à l’écran ‘berani’, impliquant du sexe et des scènes de séduction dans lesquelles elles étaient court vêtues, et dont l’utilisation de trucages avec la caméra leur permirent d’échapper à la censure, certaines utilisaient des doublures pour certaines scènes érotiques. En découla toute une typologie de rôles caricaturaux ‘artis panas’ à la sexualité dépravée : prostituée ‘wanita penggoda’, tentatrice provocante, ensorceleuse… ces ‘bom seks’ avaient pour points communs d’être voluptueuses, effrontées, voire torrides, elles incarnaient un changement des mœurs par rapport aux politiques étatiques Ibuistes, et le cinéma était là pour rappeler les bonnes mœurs en ramenant les brebis galeuses vers un comportement approprié, et qui pour les plus aventureuses dont la mort à l’écran était la sentence assurée. Suzzanna en fut un symptôme de ce paradigme, cette actrice culte avait commencé très jeune sa carrière (Asrama Dara à 16 ans) et elle créa la controverse par sa vie privée atypique, ce qui fit les bonnes feuilles des tabloïds avec la séparation d’avec son mari dont elle ne divorça pas (car mariage catholique), mais avec qui elle continuait de cohabiter avec son nouveau partenaire sous le même toit. Cela entérina son statut de ‘bom seks’, tant la presse était fascinée par sa vie privée, et cela conduisit sa carrière à endosser des rôles de séductrice outrageuse, en commençant par Bernafas dalam Lumpur en 1972 (qui provoqua le retour du public en salles alléché par la promesse sensationnelle du récit), et avec lesquels on la fit jouer des sorcières et des rôles similaires à La Reine… jusqu’en TV dans les 1990s. Le film a pu se tourner car il dispensait un discours moralisateur, faille dans la réglementation que les producteurs utilisaient, tant qu’il y avait une moralité à sauver, ce qui donnait une grande marge de manœuvre pour des scènes érotisées.
Le réalisateur Lilik SUDJIO n’étant pas à son premier film, y avait mis tout son savoir-faire pour une mise en scène rythmée épousant le point de vue de Murni, le public est embarqué dans ce film qu’on pourrait qualifier de série B, mais qui a reçu des égards prestigieux en étant nominé dans plusieurs catégories du Festival du film indonésien en 1982 (meilleure actrice, meilleur acteur dans un second rôle, meilleur montage, meilleure direction artistique et meilleure cinématographie), et ce fut surtout ainsi que le cinéaste se fit connaître à l’international en étant aussi sélectionné dans des festivals internationaux par l’arrivée du cinéma indonésien dans les marchés de films hors de son continent, lui permettant alors une distribution mondiale par Rapi films jouissant d’une belle longévité, et ce qui lui valut notamment une exploitation française dès 1983. SUDJIO commença très jeune sa carrière, d’abord en comédien au théâtre et débuta en tant qu’acteur au cinéma à 19 ans, dès sa vingtaine, il intégra les équipes de tournage à plusieurs postes et à 24 ans il devint réalisateur pour tourner par la suite plus d’une soixantaine de films, il fut l’un des exemples de cette industrie jeune, dynamique, s’adaptant aux goûts fluctuants des publics, mais resta un artiste artisan dont les mises en scène sont de grande qualité. Pour preuve avec La Reine… il a su diriger Suzzanna très convaincante dans la passion puis dans la furie, et en montrer la complexité du dilemme moral de Murni : chercher à se venger uniquement de ceux l’ayant lynchée, et dont son âme ‘batin ‘ vengeresse (habitant son corps rattrapé par un raccord, certes, comique) fut initiée à la magie noire par le chaman Teluh Gendon (W.D. Mochtar aux 80 rôles) qui rêve lui-même de se venger de ne pas avoir été choisi en chef du village, en la poussant à décimer toute la communauté. La dimension horrifique vient plutôt de l’inventivité avec laquelle Murni vient à bout de ses ennemis, c’est un florilège d’exécutions physiques, mystiques, magiques donnant ce cachet bisseux qu’on adore, mais dont l’exécution artisanale demeure très éloquente et spectaculaire à l’écran (abeilles, explosion de veines, pendaison, vers, décapitation, foudre…). De plus, une deuxième dynamique vient pimenter ce récit fantastique par un aspect occulte, la confrontation avec Permana, une sorte de ‘wali’ possédant une puissance spirituelle ‘keramat’ contrant la magie noire ‘tenung’ du chaman et de la sorcière. Par la force de sa foi mise en scène ici comme une magie ‘ngelmi’, Permana démontre que l’Islam est plus puissant que le paganisme dans cet affrontement mystique, car il reste au village pour le bien de la communauté en lui apportant assistance ‘gotong royong’ et pour la délivrer des surgissements malfaisants que le film aime à ponctuer avec des serpents se substituant aux lianes et au couffin de l’enfant de Kohar dans les diverses hallucinations frappant les villageois, il utilise à cet effet la sourate ‘Al Falaq’ (l’Aube naissante) agissant comme une protection contre le Mal lors d’une séquence dans une mosquée délabrée, réinvestie par Permana et des villageois. Le montage utilise des flash-backs revenant sur les motivations de Murni (un bonheur lointain avec cette séquence érotique dans laquelle les amants cèdent au péché) et du chaman (sa rivalité et sa frustration se transformant en rancune contre le chef du village), et offre une dramaturgie de haute volée avec des soubresauts osés entre Permana et Murni (autres temps forts érotiques que la censure a tolérés car la morale arrivera à ses fins). Alors, il y a bien évidement des moments pouvant nous paraître amusants, tel cet apprentissage de la magie noire avec cette scène iconique sur fond de lune devant lequel Murni bondit, mais SUDJIO en tire une tragédie sérieuse pour qui la vie n’est qu’illusion et théâtre.
ℹ️ Pour aller plus loin :
* Le remake éponyme de Kimo Stamboel en 2019 visible sur la plateforme de screaming Shadowz partenaire du festival
* Le PIFFFcast #82 sur le cinéma indonésien « Mystics in Bali »
Enter the clones of Bruce de David Gregory
Afin d’achever cette édition, la séance documentaire dominicale investit la salle du Ciel, et c’est donc l’occasion pour les esthètes du cinéma d’exploitation de plonger dans la folie furieuse de la Bruceploitation, connaisseurs et néophytes y trouveront de quoi se repaître en 100mn, le documentaire fera vibrer des souvenirs de premiers visionnages ayant façonné des cinéphilies déviantes et poussera les curieux à explorer cette galaxie quasi sans fin de déclinaisons de la figure mythique et mythologique de Bruce Lee.
Enter the clones of Bruce revient généreusement sur le phénomène Bruce LEE 李小龍 qui fut le premier acteur à représenter des rôles n’étant plus des subalternes d’Occidentaux au cinéma, et avec un héros asiatique par un asiatique (après la reconnaissance du personnage de Kato le chauffeur dans la série TV The Green Hornet dès 1966). Le film retrace avec précision le parcours de cette icône, comment elle mit au devant de la scène les arts martiaux et son héritage dans la pop culture avec plus de 50 intervenant·e·s et une pléthore d’archives, le montage est assez cut, donc le rythme est soutenu et virevolte entre les différentes prises de paroles assez brèves. Néanmoins, cette abondance effrénée est à la hauteur de la marque qu’a laissée Bruce LEE dans l’imaginaire collectif et persistante dans des réminiscences encore très contemporaines, entre hommages et clins d’œil sur tous les mediums actuels, ce pourquoi il serait dommage d’analyser ce documentaire comme les précédentes sélections du festival, au risque de vous le divulgâcher, si une future projection venait à se programmer par chez vous.
On reviendra plutôt sur certains aspects abordés très plaisants, comme le parti pris d’avoir donné du temps d’entretiens aux plus fameux ‘clones’ de la légende du kungfu, à savoir : ‘Bruce Li’ 何宗道 James HO/Chung-Tao HO (avec près de 40 films à son actif) ; ‘Bruce Le’ 呂小龍 Kin-Lung WONG (près de 50) ; ‘Dragon Lee’ 巨龍 Kyung-seok MOON 문경석/Ryong KEO 거룡 (près de 40) et ‘Bruce Liang’ 梁小龍 Siu-Lung LEUNG/Choi-sang LEUNG (près de 90) faisant ainsi un tour d’Asie de la propagation de la ferveur que suscita la star martiale à Taïwan, en Corée du Sud, au Myanmar, à Hong Kong après son décès le 20 juillet 1973, et évidemment avec de multiples ersatz/sosies/doublures disséminés d’Orient jusqu’en Occident. Chacun des acteurs ayant eu à incarner Bruce LEE revient sur ses débuts, son apprentissage respectif à devenir LEE avec des reprises des tics et motifs le caractérisant : sa gestuelle, ses cris, sa paire de lunettes de soleil, etc… avec plus ou moins de ressemblance. Ils abordent l’opportunité unique d’être entrés dans cette industrie, s’y frayer une carrière qui a pu se transformer en alignement de cachets plus ou moins lucratifs pour l’un, et pour l’autre une lassitude naissante car n’y trouvant pas sa patte, mais plutôt une sorte de perte d’identité et de peu de reconnaissance pour sa propre personnalité. On y sent beaucoup de sincérité, empreinte de nostalgie, d’anecdotes des fois désopilantes, et de mélancolie d’une époque folle d’excès, où tout s’enchaînait à une cadence frénétique, ne pouvant éviter les blessures lors de combats. De même, le film aborde la portée indéniable sur ces nouvelles générations d’acteur/trices, artistes martiaux, cascadeur/ses, et pour certains devenus des chorégraphes de renom dans l’industrie (Shan Charng, David Chiang, Lee Chiu, Wang Dao, Jean Marie Hon, Roy Horan, Sammo Hung, Philip Ko, Yasuaki Kurata, Guy Larke, Angela Mao, Lo Meng, Eric Tsang, Ron Van Clief, Casanova Wong, David Yeung….)
En parallèle de ces portraits de ‘clones’ autour de l’œil du cyclone LEE, la tempête industrielle a accru ce phénomène par son avidité capitaliste en commençant déjà par la rivalité des studios à Hong Kong et aux États-Unis, le documentaire revient sur la Shaw Brothers et la Golden Harvest, les co-productions internationales afin d’asseoir la star LEE comme le mètre étalon des arts martiaux dans le cinéma, et la rapacité des studios et des producteurs dès l’annonce de sa mort par delà le monde, ce fut un tsunami de centaines de films produits en à peine une décennie jusqu’à son essoufflement à la fin des 1980s. Un florilège d’extraits d’entretiens revient sur l’aliénation de l’image de LEE entre scénaristes, cinéastes, monteurs, producteurs, programmateurs, distributeurs, exploitants, éditeurs vidéo (Jon T. Benn; Heather Buckley, René Chateau, Sebastian Del Castillo, Stéphane Derdérian, Ethan Halo, Godfrey Ho, Marco Joachim, Joseph Lai, Mike Leeder, Terry Levene décédé récemment, Henry Luk, Andre Morgan, Jean-Marie Pallardy, Uwe Schier, Valerie Soe, Lee Tso Nam, Simone Starace, Calum Waddel, Jake West, Mark Walkow…) témoignant de comment on a essayé de tirer partie de cette manne financière que l’on croyait exponentielle, avec par exemple l’opportuniste Chateau, récemment disparu, qui fit beaucoup pour les cinéphilies méprisées, et réputé de ne pas avoir été langue de bois, expliquer comment il a voulu installer LEE comme l’une des références incontournables de son catalogue avec ses affiches emblématiques, ses VHS et son cinéma Hollywood Boulevard dans lequel tournaient en permanence les films de LEE et pour l’un pendant trois ans afficher des séances complètes atteignant jusqu’à 700 000 entrées en une année, ce qui rendit unique cette exploitation parisienne dans le parc mondial des salles.
Avec cette diffusion constituant un filon continu en salles, la critique contribua beaucoup à la réputation internationale de LEE, qui donnait d’une manière inédite un visage aux arts martiaux par sa maîtrise, sa nonchalance et sa virtuosité, il conquit des générations de cinéphiles et/ou sportifs, et l’on connut de façon improbable des bassins importants de fans hors d’Asie, notamment en France, Allemagne et aux États-Unis, des auteurs, journalistes et historiens rendent compte dans le documentaire de cette ferveur, en l’occurrence avec la naissance de magazines, revues, fanzines dédiés aux arts martiaux puis multimédias avec les nouveaux supports de communication (Ricky Baker, Christophe Champclaux, Pierce Conran, John Cregan, Grady Hendrix, Christophe Lemaire, Ric Meyers, Chris Poggiali…), ainsi que des collectionneurs bouclant la boucle consumériste de l’exploitation de ce symbole avec force films en VHS/DVD/BR, figurines, textiles, affiches, etc.. (Harry Guerro, Stéphane Nogues, Emmanuel Rossi…), jusqu’à une exposition Ultime combat. Arts martiaux d’Asie au Quai Branly en 2021, où l’on y voyait dans une installation vidéo Bruce LEE se dédoubler sur plusieurs écrans géants de par et d’autre de la déambulation, rappelant qu’il est partout, pour toujours, avec nous.
ℹ️ Pour aller plus loin :
* René Chateau, la mémoire du cinéma sur France culture
* Rockyrama #42 « Spécial 1984 » avec un entretien du réalisateur par Fabien Mauro
* la chaîne de Bruce No sur la Bruceploitation
De ludiques et très réussis courts-métrages en stop motion furent projetés en avant-programmes des longs-métrages : trois avec un bébé Godzilla de Cressa Maeve Beer, ainsi que Le Petit Dragon de Bruno Collet avant le documentaire dominical.
Merci à toute l’équipe bénévole du Maudit festival pour son chaleureux accueil, c’est toujours un grand plaisir de revenir à Grenoble et d’être témoin du succès de ce travail de longue haleine avec des séances affichant complet, faisant de la projection en salle la meilleure expérience de cinéma. Nous étions entourés également de l’équipe de Nanarland, qui rencontre autant de réussite en réservations pour sa soirée Nanarland Homecoming du 9 mars, en revenant ainsi en ses terres dauphinoises !
https://lemauditfestival.com
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