Catastrophes, 2 : Mona Achache – “Little girl blue”; Sahra Mani- “Bread and roses”.

Autre fléau exploré dans les différentes sélections: la malédiction d’être femme. 

Dans Little girl blue, Mona Achache sonde les mystères de sa mère, Carole, retrouvée pendue à sa bibliothèque. Dans un geste exploratoire et cathartique, elle exhume le parcours d’une femme dont l’enfance a été façonnée au contact d’une mère qui côtoyait, pour le meilleur mais surtout le pire, le tout Saint Germain des Prés, dont la jeunesse fut marquée par l’abus et la prostitution , dont  les dernières années furent empoisonnées par le désir lancinant d’écrire.  

L’horreur se décline de génération en génération: viols, emprises toxiques, impuissance, traversent douloureusement trois destins : ils ont été comme légués à Mona (qui se met en scène dans le film) par sa mère et sa grand-mère. Au coeur de cette malédiction, la figure de Jean Genêt, dont la statue sort pour le moins ébranlée. C’est la puissance maléfique de la saga. 

Le sujet aurait peut-être mérité une épure tragique. Mona Achache emprunte une voie bien différente, qui rend perplexe et agace. Le propos semble se diluer dans une oeuvre qui tient à la fois du collage, de l’installation, et de la reconstitution théâtralisée. À Marion Cotlliard échoit la bien difficile tâche d’incarner Carole. Grimée, perruquée, affublée des oripeaux de la défunte ( pénible scène où l’actrice doit se déshabiller pour revêtir le costume de la mère, prendre son sac à main, ses papiers d’identité, etc.), l’actrice, dont on se demande ce qu’elle peut bien faire dans cette galère, apprend puis restitue les entretiens enregistrés que Carole a laissés derrière elle, et se confronte, dans une série de tête -à -tête reconstitués, à ceux qui ont traversé sa vie. Le processus met mal à l’aise. Voir Marion Cotillard se débattre avec cette dépouille mortuaire, dans un constant mouvement de mise en abime qui semble tourner à vide, est assez douloureux. Condamnée à singer, elle ne peut trouver aucune liberté de jeu. Il est évidemment difficile et cruel de porter un regard négatif sur une oeuvre aussi intime, que l’on imagine nécessaire à son auteur. On espère au moins que Mona Achache, dont les filles assistaient à la séance, aura réussi à se libérer et à les libérer de la malédiction familiale. S’en remettre aux génies du cinéma pour une telle entreprise est un beau projet, mais il ne parvient pas à embarquer le spectateur. 

Autrement percutant est le documentaire tout simple de Sarah Mani, Bread and Roses,  produit par Jennifer Lawrence. La catastrophe est ici politique: en 2021, les Talibans reprennent le pouvoir en Afghanistan. En une série d’images tournées à la volée avec les moyens du bord ( un portable, souvent) et d’entretiens de femmes réfugiées dans un lieu secret, le documentaire suit le parcours d’un groupe de résistantes. Les images brutes terrassent. L’arrivée des Talibans sur Kaboul est un terrifiant moment épique, vécu en live, dans la mêlée. Le dépouillement du geste cinématographique, l’effacement de la réalisatrice devant son sujet, visent tout simplement à témoigner du courage ahurissant de ces femmes, que la peur et la détresse ne désarment jamais face à l’oppresseur mortifère. On en sort humble, pétrifié et admiratif. 

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A propos de Noëlle Gires

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