Les listes sont impossibles à faire, elles sont subjectives, elles reflètent l’état d’un moment, elles oublient, retrouvent, parfois pour peu de temps. Mais on les aime, les listes, malgré tout. On aime les dresser, les lire, les transmettre… Car elles permettent de se positionner et de faire réagir : « Ah mais ce film n’est pas sur la liste ! », « Ah, c’est bien une liste d’intello ! », « Ridicule : aucun film d’untel ». Et surtout, les listes engagent au partage et à la découverte. Plus encore peut-être lorsqu’il s’agit d’une technique aussi mal comprise que l’animation
Alors oui, il y a bien quelques lacunes : pas de Kirikou de Michel Ocelot, pas de film de l’immense Jean-François Laguionie (Gwen, le livre de sable, L’Île de Black Mór, Le Tableau). D’autres films marquants manquent aussi à l’appel : Les Triplettes de Belleville , Persepolis, Coo, Wallace et Gromit, etc.
C’est notre choix, à peine publié et déjà regretté. Et ce choix est porte sur des films que nous adorons.
Profitons donc de la sortie du magnifique Belladonna qui figure au panthéon des meilleurs longs métrages d’animation pour vous proposer les 25 meilleurs autres (ou presque…)
1- Les Aventures du Prince Ahmed de Lotte Reiniger (1926)
Fait notable, le premier long-métrage de l’Histoire de l’animation est l’œuvre d’une femme. Malheureusement, celles-ci vont par la suite s’effacer de l’histoire du long animé.
Comme le feront Walsh et tant d’autres réalisateurs, Lotte Reiniger tire son film des Milles et une Nuits : un univers parfait pour que les métamorphoses, l’un des terreaux de l’image par image, nous immerge dans le merveilleux.
Lotte Reininger donne également à l’animation de silhouettes ses premières lettres de noblesse : son travail sur le papier reste encore aujourd’hui une référence essentielle.
A voir aussi, les courts de cette incroyable cinéaste à qui Renoir demanda de réaliser le générique de La Marseillaise.
2- Blanche Neige et les 7 nains de David Hand (1937)
Incontournable. Certes, on peut critiquer Walt Disney à bien des égards. D’un point de vue politique et sociologique, il y aurait tant à dire sur l’empire Disney. Et sur l’animation aussi. On peut regretter qu’une grande partie du public et des médias n’ait eu d’attention, pendant tant d’années, que pour ses productions. On peut constater l’affadissement de nombreux classiques. Mais le studio a indéniablement marqué l’histoire du long-métrage animé, et qui plus est, avec quelques chefs-d’œuvre comme Pinocchio ou Fantasia, entre autres. Et on a tous notre Disney favori. Assurément, on peut déplorer que Disney ait étendu son influence sur la jeunesse du monde entier, tout en reconnaissant au producteur ce tour incroyable d’avoir réussi à graver son empreinte sur l’animation mondiale, depuis les années 30.
En plaçant la barre très haut avec leur première production, les studios ont imposé au long-métrage animé un standard graphique et narratif dont il est, toujours aujourd’hui, difficile de se passer. Walt Disney s’était paré d’atouts incroyables que ce soit pour l’animation, la création des décors ou bien le son et la musique. Il faut donc lui reconnaître un vrai génie de producteur, sachant s’entourer des meilleurs talents. Il a réussi là où les frères Fleischer ont malheureusement achoppé – eux, n’avaient, compté que sur eux-mêmes…
3- Le Roman de Renard de Ladislas Starewitch (1937)
Le premier long-métrage français est l’œuvre d’un cinéaste né en Pologne, qui a travaillé en Russie et a réalisé une grande partie de sa filmographie en France. On aime ce coté international en cinéma d’animation.
Le Roman de Renard est une véritable débauche d’énergie, une frénésie qui ne s’arrête jamais. Et c’est bien là l’une des grandes forces du cinéma de Starewitch dès ses débuts. Il a compris très vite qu’il fallait recourir, pour certains films, à toutes les techniques du cinéma (notamment dans les mouvements de caméra), même si, bien sûr, cela rendait plus complexe l’animation. Starewitch est, pour cette raison, incontestablement le premier grand réalisateur du cinéma d’animation. Il employait déjà les anachronismes pour le plaisir de la comédie (oui, oui, bien des années avant Shrek) et avait encore développé sa technique d’animation de marionnettes – certaines mesuraient un mètre de haut !
Difficile de ne pas craquer et de ne pas reprendre la sérénade du Chat pour la Reine.
4- Jason et les Argonautes de Don Chaffey et Ray Harryhausen (1963)
Impossible de ne pas inclure un film de Ray Harryhausen. Certes, la partie animée ne représente qu’un passage du film, mais c’est celui dont on se souvient le plus. Les acteurs d’Harryhausen sont souvent tellement meilleurs que les acteurs en chair et en os.
Fait notable, Harryhausen est un co-réalisateur non crédité au générique, alors qu’il fut notamment présent sur les tournages, avec les comédiens, afin de pouvoir discuter des cadrages. De retour dans son atelier, c’est sur cette interaction du tournage et des acteurs qu’il travaillait, pour donner réellement vie au film.
Si l’on doit à Willis O’Brien d’avoir insufflé, avec King Kong, le génie des effets spéciaux au cinéma, c’est bien Ray Harryhausen qui les a hissés à leur niveau d’excellence. Dans chaque mouvement travaillé par Ray Harryhausen, réside un condensé de la magie du cinéma.
La scène de l’armée de squelettes de Jason est aussi connue et imitée dans le genre fantastique que la fameuse scène des escaliers du Cuirassé Potemkine.
5- Le Roi des Singes des Frères Wan (1965)
Destin terrible pour ce long-métrage. Une verrue mal placée sur l’Empereur, ressemblant un peu trop à celle de Mao, et voilà le film et ses auteurs mis au placard.
On ne verra ce chef d’œuvre que plus de quinze ans après la fin de sa réalisation. Mais quel choc. Couleurs sublimes, animation magnifique, décors stylisés d’une grande beauté… Et ce personnage du Roi des Singes est sûrement l’un des plus captivants de la littérature – et a fortiori du cinéma, depuis les années 40 : un personnage résolument anarchiste, ne vouant fidélité qu’à son peuple, et sûrement pas à ces monarques qui se trouvent aux cieux.
Cette version, à l’instar de celle de Stephen Chiau, reste l’une des plus passionnantes du Voyage en Occident.
6- Le Dirigeable volé de Karel Zeman (1967)
Comme pour beaucoup de grands auteurs dans cette liste, il est difficile de faire un choix dans la filmographie de Karel Zeman. Le Dirigeable volé est librement adapté d’un roman de Jules Verne : il nous transporte avec ses cinq enfants sur l’île du Capitaine Némo, pour des aventures trépidantes, et ce avec une redoutable efficacité narrative et visuelle. À l’instar de Ray Harryhausen, il convient de parler de magie chez ce génial réalisateur, tout autant que de souligner sa vision propre du cinéma graphique – certes, qui a encore à évoluer, et des réalisateurs comme Neil Gaiman ou Enki Bilal se sont inscrits dans cette volonté.
Ce qu’on possède déjà, c’est le montage image par image, et non les prises de vues continues (les adaptations de Frank Miller ou Sky Captain and the sky of tomorrow de Kerry Conran ont joué cette carte-là mais avec un succès très relatif, comme chez Gaïman ou Bilal). Karel Zeman, lui, a mélangé les techniques pour construire un véritable cinéma du merveilleux : la confrontation entre acteurs et décors peints se nourrit d’histoires fantastiques, de contes mettant en scène des personnages hauts en couleurs.
7- Yellow Submarine de Georges Dunning (1968)
Un peu comme The Trip de Roger Corman, Le Sous-Marin Jaune nous emmène dans des contrées complètement psychédéliques. Et emporte le long-métrage d’animation dans une nouvelle ère, alors qu’il était dominé depuis trente ans par le conformisme des studios Disney. On doit bien évidemment cette réussite aux Beatles. Enfin, soyons clairs : on la doit à la notoriété des Beatles. Le groupe, lui, se désintéresse du film – il n’en enregistre même pas les voix.
L’histoire n’est certes pas exceptionnelle, mais là n’est pas l’important ; Le Sous-Marin Jaune crée sa petite révolution en développant une esthétique jusque là peu investie dans le long-métrage : un mélange de dessins, photos, peintures… Alors oui, c’est le vrai produit d’une époque, mais une époque qui, avec le tournant des années 70, joue de la créativité comme d’une obligation.
8- La Planète Sauvage de René Laloux (1973)
Oui, La Planète Sauvage aurait aisément sa place dans un top 20 des films de science-fiction, au même titre que Blade Runner ou d’autres chefs-d’œuvres en prises de vues réelles.
René Laloux, qui n’est pas animateur, fait confiance, sur ce film, aux talents de Roland Topor (avec lequel il a déjà travaillé sur des courts-métrages) pour adapter le roman de Stefan Wul. Et ce don de bien s’entourer, il le réitérera en s’alliant à Moebius pour Les Maîtres du Temps et à Caza pour Gandahar.
Qui a oublié cette terrifiante transposition du mythe de Sisyphe, ce personnage gravissant une colline pour être repoussé par une main géante qui le repousse en bas ? Envoûtant et cauchemardesque, La Planète Sauvage déploie une esthétique unique, s’impose comme un genre à lui tout seul, qui se paye le luxe d’être également une magnifique réflexion sur l’humanité et les éternels pouvoirs de domination.
9- Wizards de Ralph Bakshi (1977)
Bakshi forcément. On peut ne pas aimer le réalisateur américain (ce qui n’est pas notre cas) mais là aussi, sa trace dans le cinéma est fondamentale. Dans la lignée subversive du Sous-Marin Jaune, Bakshi ne se soucie guère des frontières imposées aux longs-métrages animés par les studios hollywoodiens ; il les bouscule tout en réalisant Fritz the Cat, Coonskin et American Pop.
Alors, pourquoi Wizards ? Parce que Bakshi prend prétexte du genre de l’heroïc-fantasy pour réaliser un film extrêmement politique sur la folie du pouvoir. Wizards aurait pu changer la vision du public, mais la Fox le sortait trois mois après Star Wars, avec lequel il fut placé en concurrence directe.
10- Le Roi et l’Oiseau de Paul Grimault (1953-1980)
Voilà l’un des piliers du cinéma d’animation français : ce film est un peu notre statue du Commandeur. Géniale et terrifiante. Tout le monde connaît cet incroyable chant à la liberté et au non-conformisme qu’est le Roi et l’Oiseau, dont le scénario fut écrit conjointement par Paul Grimault et Jacques Prévert.
Son histoire est tumultueuse, puisqu’il naît en fait dans les années 50, mais peine à être terminé. Le producteur décide tout de même de sortir le film, intitulé alors La Bergère et le Ramoneur. Il obtint d’ailleurs un grand succès au Festival de Venise et c’est cette version qu’invoquent régulièrement Isao Takahata et Hayao Miyazaki comme source d’inspiration.
La version qu’une grande partie d’entre nous connaissons a été réalisée dans les années 70, quand Paul Grimault rachète les droits du film, décide de l’enfermer et de recréer une vision qui serait plus proche de ce qu’il avait en tête vingt ans plus tôt.
Le film connaît encore un immense succès lors de sa nouvelle sortie, remportant même le prix Louis Delluc.
Que dire sur Le Roi et l’oiseau qui n’ait été dit ? Ce film engagé et poétique est une merveille qui évoque aussi la folie du pouvoir.
11- The Plague dogs de Martin Rosen (1982)
The Plague dogs sort au mauvais moment pour son auteur : à l’époque, le long-métrage d’animation pour adultes possède déjà ses lettres de noblesse, mais reste trop confidentiel pour que ce film puisse trouver son public. Ressorti récemment, il se révèle comme un grand film de l’histoire du cinéma.
Nous suivons deux chiens qui s’évadent d’un laboratoire se livrant à des expérimentations sur les animaux. Mais ici la fuite s’avère un calvaire pour les deux chiens poursuivis par l’armée.
Sans concession, le film nous dépeint le quotidien de ces chiens face à la méchanceté humaine, en privilégiant un certain réalisme plutôt qu’un anthropomorphisme déplacé. Aucune place à la mièvrerie, c’est très sombre. Et c’est d’autant plus impressionnant.
12 – Akira de Katsuhiro Ōtomo (1988)
Deux gangs à moto se poursuivent sur une musique mélangeant cris et tambours, avec force inouïe. Voir Akira lors de sa sortie, c’était s’ouvrir à un nouveau monde de l’animation. À l’époque, on réduisait le Japon aux séries télés ; quant aux films de Miyazaki, on ne les voyait presque qu’en japonais non sous-titré.
Au-delà de sa place prépondérante dans la redécouverte de l’animation japonaise hors de ses frontières, le film d’Otomo est aussi, surtout, d’une force incroyable dans un pays toujours marqué par l’explosion des deux bombes atomiques à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
13- Alice de Jan Svankmajer (1988)
Le chef-d’œuvre de Lewis Carroll a été maintes fois porté à l’écran. Ici, pour son passage au long-métrage, Jan Svankmajer choisit fort justement Alice aux pays des merveilles.
Et il va falloir « ferme[r] les yeux, sinon vous ne verrez rien ». Le cinéma de Svankmajer fait appel à tous les sens, notamment au sens du toucher. Comme dans son superbe Possibilité du dialogue, Svankmajer met en avant les matières, les sensations qu’elles peuvent dégager, nous permettant de mieux ressentir ce qu’on voit. Le film permet au texte de déployer toutes ses dimensions : excentrique et surréaliste, mais aussi plus sombre. Le réalisateur ne ménage pas son héroïne afin de mieux nous faire découvrir ses angoisses à lui. Un des grands chefs-d’œuvre du long-métrage animé.
14- L’Etrange Noël de Mr Jack d’Henry Selick (1993)
« What’s this, what’s this, I can’t believe my eyes! » s’exclame Jack Skellington en découvrant la ville de Noël. Et c’est certainement ce que se sont dit de nombreux spectateurs en découvrant le film. On reconnait immédiatement l’univers graphique, encore créatif à l’époque, de Tim Burton, ses personnages, ses thématiques, scénarisés par Caroline Thompson, avec qui le réalisateur avait collaboré dans Edward Scissorhands notamment. Danny Elfman signe sûrement ici l’une de ses meilleures BO. Quant à la technique de l’animation, elle surprend, elle émerveille. Derrière la caméra, on trouve Henry Selick, réalisateur de Caroline, qui aurait lui aussi pu figurer dans ce top. Avec son équipe d’animateurs et ses techniciens, il accomplit des merveilles pour donner vie à ses personnages. Si la technique est magnifique, c’est aussi parce qu’elle accompagne l’une des plus belles histoires d’amour du cinéma. Sally va tout braver, elle va rester sourde à la foule en liesse, et sacrifier son amour pour permettre à Jack de se réveiller à temps et pour finir par le faire monter auprès d’elle sur ce promontoire de glace devant une lune célébrant leur amour : « And sit together, now and forever. For it is plain as anyone can see, we’re simply meant to be ».
15- Ghost in the shell de Mamoru Oshii (1995)
Mamoru Oshii est sûrement l’un des réalisateurs japonais les plus étonnants. Non que ses films soient tous bons, loin de là, mais il est là où on ne l’attend pas forcément. Il alterne films d’animation et prises de vues réelles, films en anglais, plutôt conventionnels et films parcourus de références philosophiques… Avec Ghost in the shell, le réalisateur signe un film qui – au même titre qu’Akira – va complètement modifier la vision de l’animation japonaise. Film d’action aux implications philosophiques, Ghost in the shell se pose la question de l’humain à travers des Cyborgs, qui eux-mêmes interrogent leur vraie nature. Accompagnées de la musique de Kenji Kawai, les images de toute beauté montrent aussi que le cinéma est un plaisir visuel.
16- Le géant de fer de Brad Bird (1999)
Véritable œuvre de cinéphile, Le Géant de fer rejoint L’Invasion des Profanateurs de Sépultures ou Invaders from Mars. Il y a en effet un plaisir jubilatoire à voir un incroyable film de science-fiction, doublé d’un cours en paranoïa aigue. Mais le talent de Brad Bird est aussi dans la réussite de ses personnages : difficile de ne pas être touché par ce garçon, cet artiste décalé et ce géant de fer si attachant. Promouvoir Le Géant de fer, ce n’est pas seulement mettre en avant un film injustement mal distribué, c’est aussi parler d’un film d’une rare sensibilité.
17- Le Voyage de Chihiro d’Hayao Miyazaki (2001)
Un film de Miyazaki ? Un seul ? Comment trancher entre ce film-ci et les sublimes Kiki la petite sorcière ou Totoro, Nausicaa ou Mononoke ? Le Voyage de Chihiro, à l’instar des meilleurs films du cinéaste, est un voyage initiatique, la quête d’une petite fille qui grandit, bâtit son identité, perd son nom et le retrouve. Là encore, tout l’imaginaire visuel que permet l’animation démontre combien il peut être l’expression idéale pour entremêler mythologie fantastique et méandres de l’âme. Le Voyage de Chihiro, avec son histoire de malédiction à lever – les parents de l’héroïne trop gourmands ont été transformés en cochons – s’affirme avec Mononoke comme l’œuvre où Miyazaki jongle le mieux avec l’univers fantastique et l’obsession pour l’identité féminine. De plus, Chihiro et la princesse sont probablement les héroïnes les mieux construites et les plus indomptées du cinéaste.
18- Tokyo Godfathers de Kon Satoshi (2003)
Voilà le remake d’un western de John Ford dans un Tokyo contemporain où trois personnages – un travesti, une fugueuse et un SDF – trouvent un bébé dans les poubelles pendant la période de Noël. A la lecture de ce pitch, je me doute que vous êtes sur le point de vous précipiter sur ce chef-d’œuvre de Kon Satoshi. Le film montre ce que le cinéma japonais de prise de vues réelles ne montre que très peu : des gens au banc de la société – nos trois héros – mais aussi des immigrés hispaniques qui tentent de s’en sortir dans une société japonaise très stricte.
On aurait tout aussi bien pu choisir un autre film de la filmographie du réalisateur japonais décédé trop tôt et laissant un vide immense dans le cinéma japonais. De Perfect Blue, film d’angoisse parlant de l’univers sans pitié des fans, à Paprika, ridiculisant Inception de Nolan, Kon Satoshi nous parle de cette frontière ténue entre réalité et fiction. Difficile aussi de ne pas citer Millenium actress, dans lequel une jeune femme tombant amoureuse d’un homme avec qui elle a passé quelques heures, décide de faire du cinéma afin que celui-ci puisse la retrouver. Véritable film d’amour pour le cinéma et hommage au cinéma japonais.
19- Mindgame de Masaaki Yuasa (2004)
Digne descendant du Sous-marin jaune que le réalisateur revendique comme une référence incontournable, Mindgame – qu’on l’aime ou pas – est l’un des films les plus importants des seize premières années de ce nouveau siècle. Mindgame, c’est l’histoire d’un homme qui se fait assassiner par un Yakuza et à qui on donne une seconde chance. Il finit par se retrouver dans le ventre d’une baleine où il va devoir repenser un peu sa manière de vivre… Mindgame, c’est aussi un film sur la difficulté de faire des choix, de dire ce que l’on pense, d’essayer de se réaliser. Yuasa décide de s’offrir une grande liberté de ton, de narration, de réalisation, chose rare dans l’animation de long-métrages. Le studio 4°C, producteur de Mindgame et Amer Beton, ne nous a d’ailleurs pas donné pour l’instant de nouveaux films de cette importance.
20- La Traversée du temps de Mamoru Hosoda (2006)
Prendre son temps… voilà une chose qu’on ne fait presque jamais dans le cinéma d’animation. Il est rare dans le cinéma japonais de voir des films dont la durée excède deux heures. Et bien sûr, ça change tout. En adaptant le roman de Yasutaka Tsutsui, Hosada s’impose, avec cette œuvre d’une infinie délicatesse, comme l’un des plus beaux cinéastes de l’adolescence, dans lequel le fantastique intervient comme la métaphore idéale pour illustrer les constructions d’une identité, la difficulté à s’affirmer et à grandir. Nous suivons l’héroïne dans ses espoirs, ses regrets et ses peines et lui disons au revoir à regret. Hosada poursuivra dans cette voie, comme en témoigne le très beau Le Garçon et la Bête.
21- Valse avec Bachir d’Ari Folman (2008)
Un vétéran de la guerre du Liban part à la recherche d’un souvenir enfoui et va pour cela interviewer des amis pour essayer de comprendre ce qu’il s’est réellement passé. Le film, faussement annoncé comme un documentaire animé sur la guerre du Liban lors de son passage au Festival de Cannes, est surtout une incroyable plongée dans le traumatisme d’un homme qui a vu l’horreur. Un peu à la manière d’un Apocalypse now, c’est surtout un autre visage de l’être humain qu’il nous est donné à contempler. Peut-être l’un des films les plus importants en ce qu’il offre une autre vision du long-métrage animé.
22- Mary and Max d’Adam Elliott (2009)
Réalisateur de courts-métrages ayant fait le tour du monde des festivals, Adam Elliott avait obtenu l’Oscar du meilleur court d’animation pour Harvie Krumpet. Voilà un réalisateur qui a un penchant pour les personnes cabossées par la vie. Dans Mary et Max, il nous raconte l’histoire d’une petite fille qui vit en Australie et qui correspond avec un vieux juif new-yorkais. D’une tendresse infinie pour ces deux personnages, le réalisateur brosse à travers eux la difficulté de vivre quand on souffre d’un décalage physique et mental. Alors que la caméra était fixe dans tous ses films précédents, ici, dès le premier plan, elle bouge. Nouveau format, nouvelle écriture donc. La narration et la psychologie des personnages déjà très forte dans les courts se complexifie encore un peu. Il est rare que le passage au long pour un auteur excellant dans le format court soit une aussi magnifique réussite.
23- Jasmine d’Alain Ughetto (2013)
Jasmine raconte l’une des plus poignantes histoires d’amour : un homme à la recherche d’une femme qu’il a aimée et qu’il a laissée en plein tumulte, en proie aux bouleversements de son pays à elle : l’Iran. Objets, pâte à modeler, et archives mettent en scène ce magnifique chant d’amour. Alain Ughetto, pour filmer cette quête, revient à ses premières amours et choisit l’animation après de nombreux documentaires. Pas de défi technique, pas de tape à l’œil ici : l’animation permet de mieux se replonger dans une époque sans trop écraser les souvenirs avec des reconstitutions factices. Il s’agit ici de renouer les liens à travers le temps et l’espace pour conserver le souvenir.
24- Le Garçon et le monde d’Ale Abreu (2013)
Le cinéma brésilien a toujours été l’un des plus importants du continent sud-américain mais à l’exception de quelques courts-métrages, l’animation brésilienne a du mal à faire émerger des auteurs. Coup de maître avec ce film dont il faut définitivement retenir le nom de l’auteur.
Pour son premier long-métrage, Ale Abreu signe un film aussi beau qu’intelligent. Un petit garçon voit un jour son père partir afin de gagner de l’argent et décide d’aller le retrouver. A travers son périple il découvrira le pouvoir de certains hommes sur d’autres, l’asservissement face à l’argent, la consommation sans retenue, l’oppression… Une vision sans fard de la société d’aujourd’hui, aussi bien pour les enfants que pour les grands. Ale Abreu n’en essaye pas pour autant de voir de l’optimisme dans la solidarité, dans la compassion et surtout dans la beauté et la musique. Véritable caisse de résonance des rythmes brésiliens d’hier à aujourd’hui, Le Garçon et le monde est aussi un film superbe visuellement qui met en garde contre les exactions de certains et fait briller la beauté des autres.
25- Le Conte de la princesse Kaguya d’Isao Takahata (2014)
Ne choisir qu’un Isao Takahata relève presque de l’impossibilité. Du Tombeau des lucioles à Pompoko en passant par Omohide Poroporo, les réussites du génial réalisateur japonais sont nombreuses. Quel plaisir de finir cette liste avec un réalisateur qui aurait pu apparaitre bien avant, mais qui, tel Imamura et son Eau tiède sous un pont rouge, nous livre avec ce film l’un des plus beaux joyaux de l’histoire du cinéma. Dernière œuvre en date du réalisateur, Kaguya aurait pu n’être qu’une adaptation du conte japonais « Le coupeur de bambou ». Pourtant, Takahata s’emploie à faire dériver cette célèbre histoire fantastique vers un portrait d’héroïne digne de Mizoguchi, évoquant la condition de la femme au Japon et la tragédie d’une Princesse soumise aux règles de la féodalité dans un monde dominé par l’homme. Il souligne combien l’imaginaire est capable de traduire la tragédie des destins. Dans une esthétique stylisée époustouflante, entre dessins à l’encre et aquarelle, Takahata plonge au cœur de l’art pictural japonais. Difficile de faire plus beau !
Chers lecteurs, nous vous invitons également à constituer votre propre liste et à la renseigner dans les commentaires !
Remerciements à Miriem et Sophie
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Pierre
Ouais pas mal comme exercice. Mais bon, un seul Miyazaki, est-ce seulement envisageable?
Je rajoute juste Michel Ocelot (kirikou), Krisar (Barta), Le conte des contes (Norstein), Le tableau ou Gwen (Laguionie), Bach, Garry Bardine, Wall e, je troque ghost in the shell pour le 2 (Innocence), Chronopolis (Kamler) et je pense une paire d’autres (Andrea Kiss et son mulot menteur… les maîtres du temps, les courts les plus longs de Claire Parker et Alexeieff