Entretien avec Rania Griffete, co-créatrice de Bubblepop éditions

Un nouvel éditeur indépendant, à l’heure où le marché de la vidéo apparait de plus en plus en difficulté, ça interpelle toujours. Voici donc Bubblepop éditions, créé par Rania Griffete et Stéphane Chevalier. La sortie de deux titres aussi différents que Stay Hungry , une oeuvre méconnue de Bob Rafelson avec un Arnold Schwarzenegger tout jeune, et du mythique Recherche Susan désespérément de Susan Seidelman avec Madonna et Rosanna Arquette en édition de luxe, donne une certaine idée des ambitions éditoriales du duo : le pop de A à Z. Rania a bien voulu nous en parler.

Comment est née la maison d’édition Bubblepop ?

Il y a quelques années de cela, Stéphane Chevalier travaillait déjà depuis un certain temps sur des capsules vidéos et des livrets pour des maisons d’édition, notamment pour Rimini Éditions. On a eu de plus en plus de demandes ; certains projets nous enthousiasmaient, d’autres moins, et l’on ressentait toujours cette frustration d’avoir nos propres projets, nos envies à réaliser. Stéphane travaillait avec quelques personnes autour de certains sujets ; je me suis ajouté sur le volet direction artistique sur certains livrets. Nous nous sommes donc posé la question « Si nous sommes capables de le faire pour les autres, pourquoi pas tenter de le faire pour soi ? » Voilà comment est née la maison d’édition. BubblePop appartient à Bubble.com créé en avril 2022. Pour la petite histoire, avant Bubble.com, j’avais un statut d’auto-entrepreneuse, spécialisée en communication et communication graphique. Lorsque je suis arrivée à un plafond au niveau de mon statut, mon comptable m’avait conseillé de partir sur une SAS. Donc, on a créé une SAS, et puis progressivement, on s’est dit qu’on pouvait continuer à grossir, ajouter un volet éditions, etc.

Pourquoi ce nom de Bubblepop ?

Alors, à la base c’est toujours moi qui trouve les noms des marques, de toutes les marques qu’on avait lancées (rires). On peut travailler en brainstorming, tester plein de noms sans résultat, puis le lendemain, après une bonne nuit de sommeil, le nom surgit. On avait lancé notre agence marketing, Bubble.com, et je me suis dit pour le volet production individuelle qu’on pourrait l’appeler Bubble Prod. Pour le volet édition, « Bubblepop » est venu naturellement. Ça définit notre politique éditoriale. La culture pop, avec des icônes pop. La culture pop 70, 80, 90 et début 2000.

Vous êtes combien dans votre équipe ?

Aujourd’hui, nous sommes deux. Les maisons d’édition qui ont beaucoup de personnel, il n’y en a pas énormément la plupart du temps. Les éditeurs indépendants sont de toutes petites équipes. Nous ne sommes pas amenés à l’agrandir. Et nous allons rester dans un petit tirage également.

Comment vous définiriez, par rapport à d’autres maisons d’édition, les types de films que vous aimez ? Peut-être également le packaging aussi ? Comment définiriez-vous votre spécificité ?

Je ne parlerai qu’en notre nom, il y a de la place pour tout le monde et nous sommes aussi consommateurs d’autres éditeurs. Concernant, notre volonté, c’était d’abord le beau, puisque nous, nous sommes attirés par les beaux objets, des objets collector.

Nous avons ressenti cette frustration, sur certains titres, de ne pas retrouver certains collector. Etant fan des films et des albums de Madonna, je regrettais que ce soit toujours le minimum syndical. Je rêvais au produit idéal. Et c’est donc ainsi qu’est né notre Recherche Susan désespérément, tout comme prochainement notre In bed with Madonna. In bed with Madonna est devenu introuvable, il faut aller le commander à l’étranger et c’est compliqué. J’ai réfléchi à notre édition à ses futurs bonus. Car on retrouve des petites choses, par-ci, par-là, sur Internet, des bribes d’informations, mais finalement, sur le support physique, rien. Et comme le film est lié à une tournée et que j’adore la musique, si je pouvais aussi ajouter le concert de la tournée, voire le vinyle, ça serait génial.

A chaque fois, on construit de la même manière, chaque projet : les bonus, le packaging, le design, le contenant et le contenu.

Mais alors, les coffrets seront plutôt luxueux ?

Oui et non. Evidemment notre priorité, c’est d’abord tout de même d’avoir des coffrets luxueux. Mais sur certains titres on n’aura pas toujours cette possibilité-là.

Par exemple, sur deux films qui doivent être édités l’année prochaine, El Magnifico et La vie, l’amour, les vaches, on sait qu’il y a beaucoup moins de contenu. On travaille, on fait des recherches, on essaie d’interviewer des spécialistes, mais pouvoir, par exemple, proposer un beau livre ou un supplément musical étant  très complexe, on ne pourra pas toujours répondre à cette attente-là. En tout cas, on ne voudra pas, dans ce cas de figure là, livrer un boîtier Amaray.

Les éditions sont-elles des prolongations de votre cinéphilie à chaque fois ?

Bien sûr ! C’est toujours lié à nos goûts, nos envies, les choses sur lesquelles on a envie de travailler pour donner le meilleur de nous-mêmes.

Y-a-t-il une différence notable entre vous deux sur les goûts ?

Bien sûr ! Stéphane, par exemple, a une plus forte appétence, mais aussi une plus forte expérience. Il maîtrise des sujets spécifiques notamment sur les films des années 70 des films qui sont inconnus auprès du grand public. Je n’ai pas cette maîtrise-là. Moi je suis plus spécialiste des films des années 80 en revanche. On se rejoint et on se complète. Il a vu comme tout le monde Recherche Susan dans les années 80. Mais s’il avait été tout seul sur Bubblepop, il n’aurait pas forcément pensé se projeter ce projet en se disant « je vais absolument sortir un projet où il y a Madonna dedans ». Moi oui ! Pour Stay Hungry, j’ai découvert le film au moment où Stéphane l’a sélectionné. Pour Requiem for a dream, le choix nous appartient à tous les deux, comme pour tous les films des années 2000. On est en train de valider la date, soit c’est la dernière semaine de mars, soit c’est la première semaine d’avril.

Quelle est votre position vis-à-vis des suppléments ? Comment un supplément doit-il accompagner, soutenir, appuyer un film ? Quelle sera la démarche de Bubblepop par rapport à ces suppléments ?

Dans le supplément vidéo, on se pose toujours la question de s’il faut répondre aux questions du film, si l’on va trouver des informations exigeantes. On va aller voir un spécialiste, spécialiste d’une période, spécialiste d’un film, un spécialiste musical. On a interviewé Olivier Cachin pour In Bed With Madonna, et également pour Requiem. Pour In bed, il y aura aussi d’autres personnes qui vont parler du volet musical, dont l’une a travaillé pour Warner en début 2000 et a travaillé avec Madonna.

On est en train de préparer d’autres petites surprises. Si l’on peut ajouter un volet qu’il soit historique, musical ou analytique, on le fera toujours.

Comment vous vous positionnez par rapport à cet état des lieux, et qu’est-ce qui peut motiver un jeune éditeur à se lancer sur le marché à un moment où la période est si compliquée ?

On savait que quand on allait se lancer sur le marché alors qu’il était au plus bas, nous le savions et misions sur le fait qu’il rebondirait.

Et pourquoi rebondira-t-il ? Parce que le marché du streaming est en train d’arriver aussi lui-même à ses limites, que ses tarifs continuent d’augmenter, avec de plus en plus de pubs. Deuxièmement, les gens sont en train de se créer de plus en plus un espace de cocooning chez eux, avec des grands écrans, avec du home cinéma.. Et le streaming ne peut pas toujours répondre à tout : tout le monde n’a pas une bonne bande passante ou une super fibre optique pour récupérer du 4K sur son écran, quand le film est disponible en 4K. Finalement, ça va se jouer sur la même chose que le volet musical, quand finalement le vinyle est revenu, prouvant les limites du streaming audio. On était arrivé à un moment de saturation dans la consommation. Les gens sont repartis à la vraie découverte de certains sons et se sont installés des environnements pour en profiter. Le vinyle a donc explosé. Et ça va être la même chose finalement pour son petit cocooning chez soi avec le volet cinématographique.

Les gens vont revenir au volet support en se disant finalement que, quitte à payer 50, 60, 100 euros d’abonnement par mois, pourquoi ne pas plutôt investir dans des films que j’aime bien, les films que j’aimais regarder par nostalgie mais que je ne retrouve plus. Moi, je me projette en tout cas sur une croissance par rapport à ça.

Et quelle va être la stratégie d’une maison d’édition dans ces cas-là pour eux dans cette période ? Les titres évidemment, mais je suppose le packaging, les bonus, une notion d’objet aussi, je suppose, d’autres idées plus transversales ?

En plus de l’éditorial que nous évoquions toute à l’heure, nous voulons ajouter un volet événementiel. Nous avons signé pour une diffusion sur une période d’un an, par exemple l’édition de Requiem for a Dream sera couplée d’une exploitation du film en salle.

Envisagez-vous également l’UHD ?
L’UHD oui, de toute façon pour Requiem for a Dream ce sera du 4K. Quand on a la possibilité, nous préférons pouvoir sortir de la 4K : quand on ne le propose pas, c’est qu’elle n’existe pas.

Et les premiers titres Stay Hungry et Recherche Susan ont-ils bien démarré ?

Stay Hungry est plus un film de niche, donc il faudra qu’on attende une période d’un an pour avoir du recul par rapport à ça. Pour Recherche Susan, on savait que ça allait bien démarrer : en tant que fan de Madonna, j’avais pensé l’édition pour les fans !  On est déjà en train de réfléchir à une réédition, pas du coffret. Car si on dit que c’est limité à un certain nombre d’exemplaires ; quand c’est c’est sold out, c’est sold out. Donc on est en train de travailler à une édition plus simple. Moi je ne suis pas friande d’amaray. Je serais plus partie sur une collection qu’on appellera collection pop, qui serait une édition digipack.

Quand vous travaillez sur la restauration et la remastérisation en 4K, est-ce qu’il n’y a pas parfois un risque ? Comment travaillez-vous pour respecter au maximum la direction photo de l’époque et ne pas lui donner une texture trop 2024 et trop numérique ?

Je pense sincèrement que dans la restauration, il ne faut pas qu’on touche trop au grain parce que l’intérêt justement c’est de retrouver encore ce volet pellicule. Sinon on a l’impression d’être directement sur du numérique. Moi par exemple, je suis une fan d‘Aliens mais quand je vois le Aliens ou le True Lies restaurés par Cameron pour les nouvelles éditions, j’en viens à douter de sa lucidité sur ses propres films. C’est un peu la cata. Dès qu’il repasse derrière ses films, on craint qu’il soit infidèle à sa direction photo d’origine pour tirer sur une couleur en particulier.

Nous allons éviter de trop retoucher justement. Je veux qu’on conserve le grain en tout cas.

Quelques titres à venir qui ne seraient pas encore déjà annoncés ? Des idées, des fantasmes ?

Alors en 2026, il y aurait deux Jodie Foster. Foxes d’Adrian Lyne, et si on peut mettre le vinyle de la bo qui est magnifique, ce serait top. Mais de toute façon, on va jouer sur le volet musical. Et le deuxième, c’est Home for the Holidays qu’elle a réalisée. Ce sont de beaux titres. Après, on verra. On est en pourparler sur d’autres titres. Je ne vais pas le dire, mais il y a un autre projet qui me tient à cœur et j’espère qu’on arrivera à l’avoir. On croise les doigts.

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A propos de Olivier ROSSIGNOT

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