Fien Troch : « Il est difficile de traiter ou de considérer l’autre comme égal quand il y a une relation de pouvoir. »

Prix Orizzonti de la mise en scène à la Mostra de Venise, Grand Prix du Jury au Festival des Arcs, prix Arte international pour le scénario pendant le TorinoFilmLab au Festival du Film de Turin, Prix du Public et Prix de la Meilleure Musique au Festival de Gand, Home se distingue par sa défense radicale de l’ado face à l’adulte ; sa réalisatrice Fien Troch s’en explique.

D.L. Le film montre les différentes violences institutionnelles exercées sur les ados. Quelle est votre position personnelle? Pensez-vous que les ados, privés d’autorités, sont les victimes idéales de ces violences ?

FT. Oui, l’adolescence marque un grand changement : on est supposé commencer à se comporter de façon responsable, on doit se préparer à la vie adulte.

Les adultes, surtout ceux qui font autorité, redoublent d’attention, ils expliquent, élèvent, punissent, enseignent deux fois plus pour préparer les ados à ce grand changement.

Les ados ne sont plus des enfants, pas encore des adultes, c’est la période où ils sont le plus vulnérables, tout change, leurs émotions, leurs physiques. Et tout le monde semble savoir comment ils devraient se comporter et vivre – sauf eux.

D.L. Pour vous, est-ce que « tout pouvoir est violence » ?

FT. Pas nécessairement. Je crois que le pouvoir peut être utilisé de manière très constructive. Ou peut-être que je confonds pouvoir et autorité. Maintenant que j’y réfléchis, le pouvoir devient très vite abusif, là où l’autorité est peut-être plus dans l’encadrement ou la structure. Je ne dirais pas que tout pouvoir est violence mais je pense qu’il est difficile de traiter ou de considérer l’autre comme égal quand il y a une relation de pouvoir, comme si cela donnait le droit de contrôler ou de bloquer l’autre, mentalement ou physiquement.

D.L. Est-ce que le thème de l’inceste maternel faisait partie du scénario initial ou bien la scène est-elle venue par la suite ? La jugez-vous centrale ? 

FT. Ce thème faisait partir du scénario initial. Je ne considère pas que cela soit central dans l’histoire mais plutôt que c’est un climax de la relation empoisonnée entre John et sa mère. Cela prouve à quel point John a souffert depuis qu’il est enfant et qu’il n’a jamais appris à se défendre. Au contraire, il bascule constamment entre le fait qu’il cherche à ce que sa mère ne souffre pas et l’horreur qu’elle lui fait vivre. Donc cette scène est centrale si l’on parle de John et sa mère, mais selon moi, par exemple, la scène où sa mère parle avec son professeur à la réunion parent-prof est également très centrale. En effet la mère utilise son pouvoir pour faire passer John pour un complet idiot en public. C’est la vraie raison pour laquelle John perd la tête. Quoi qu’il en soit, j’avais besoin de la scène d’inceste pour montrer qu’il n’y avait aucune échappatoire pour John, pour montrer à quel point il était piégé. Et de cette manière j’ai voulu que le public sente cela. Au moment où la mère se fait tuer c’est horrible, mais en même temps c’est difficile de dire qu’elle ne le « méritait » pas. C’est terrible à dire, mais c’est peut-être ce que le spectateur pense. Et c’est pourquoi je voulais vraiment montrer la maltraitance sexuelle. Je voulais que les gens détestent la mère, qu’ils ne doutent pas un instant de la souffrance de John et peut-être qu’ils soient soulagés que l’horreur prenne fin.

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