Interview de Mariano Baino, réalisateur de Dark Waters [ archive 2012]


 

Cela fait un moment que nous voulions interviewer Mariano Baïno, d’abord parce que nous considérons Dark Waters comme l’une des plus beaux films fantastiques des années 90, ainsi que l’une des plus belles adaptations non officielles de Lovecraft, à avoir su capter cet indicible et cette peur palpable chère à l’auteur de Démons et Merveilles, et ensuite parce que nous nous demandions bien pourquoi ce cinéaste si prometteur n’avait pas pu réaliser un second long métrage depuis 1993. Mariano Baïno nous annonçant la mise en chantier, enfin, d’un nouveau projet (enthousiasmant) Astrid’s Saints en collaboration avec Coralina Cataldi-Tissoni, l’un des actrices fétiches d’Argento, c’était l’occasion rêver pour nous de nous entretenir avec lui…

Que s’est-il passé entre Dark Waters et aujourd’hui ?

La promotion et les tentatives de ventes internationales pour Dark Waters ont pris beaucoup de mon temps et de mon énergie après la fin du tournage. Alors, j’ai acquis les droits de l’un de mes livres préférés, Rituel de chair de Graham Masterton, et j’ai passé beaucoup de temps à le développer dans le but d’en faire un film. Le projet a plusieurs fois été juste sur le point de démarrer et puis il a fallu tout stopper pour une raison ou une autre. Tout le monde aimait le script et des producteurs ont commencé à m’engager pour écrire d’autres projets en cours de développement. Recevoir des commandes de scénario m’a vraiment permis de faire un grand bond en avant au niveau de l’écriture.
Comme c’est le cas pour beaucoup de scénaristes, il est tout à fait possible d’avoir une sorte de carrière même si aucun des projets sur lesquels on travaille ne soit adapté en film. En tant que « scénariste sur commande », j’ai écrit quinze films pour des producteurs allemands, anglais et américains et l’un d’eux a enfin vu le jour en 2010 ! J’ai œuvré dans beaucoup de genres différents et j’ai été engagé pour plusieurs adaptations, y compris Hell’s Kitchen, le thriller urbain de Chris Niles, The Vij, le classique de Gogol et aussi le thriller noir français Le petit bleu de la côte Ouest (Three to kill dans sa traduction anglophone) de Jean-Patrick Manchette.
J’ai aussi écrit, produit et réalisé Never Ever After, un court métrage dont je suis très fier et qui figure dans les suppléments de l’édition double No Shame de Dark Waters. Puis j’en ai eu assez d’écrire pour les autres et eu envie de retourner derrière la caméra. J’ai tourné plusieurs clips en Angleterre et développé plusieurs projets encore en attente.
J’ai également fait plusieurs expos individuelles de mes dessins « surréalistes » employant diverses techniques et faits sur du papier brûlé, un procédé que j’avais créé dans l’adolescence. J’ai même créé quelques pochettes de CDs en Angleterre aussi.
Le projet Rituel de chair, y croyez-vous encore ?
J’essaie depuis de nombreuses années de développer ce bouquin génial de Graham Masterton et j’y crois toujours, absolument !
Vous n’êtes pas seulement cinéaste, vous êtes également plasticien, pouvez-vous nous en parler ?
J’ai toujours aimé dessiner, c’est une chose que je fais depuis l’enfance. Quand j’étais encore à l’école primaire, j’ai créé plusieurs petites bandes dessinées avec Tarzan et j’ai aussi créé de petits « encyclopédies animales » et je les vendais pour quelques centimes à mes camarades de classe. Puis je suis passé aux monstres et je n’ai jamais cessé !
Je n’ai plus assez de temps pour dessiner ce qui est dommage. Je n’aurai jamais assez d’une seule vie pour faire tout ce que je veux.
Il est aussi très utile de savoir manier le crayon pour créer des storyboards et autres dessins préparatoires pour mes projets en développement.
J’ai eu de belles opportunités pour exposer mes œuvres en Europe et aux Etats-Unis et j’adore pouvoir m’exprimer sans avoir recours à une grande somme d’argent et une grosse machine de production derrière. Je peux juste m’assoir avec un crayon et une feuille de papier et ensuite, ressentir la satisfaction d’avoir créé une œuvre artistique sans avoir à attendre un financement ou affronter tous les autres obstacles en rapport avec un tournage.
Quelles sont vos influences, vos maitres en art, cinéma et autre ?
Je pense vraiment que la beauté est dans l’œil de celui qui regarde et aussi que les spectateurs apportent leurs propres influences quand ils découvrent vos œuvres.
Je suis quelqu’un de très visuel et même si la majeure partie de mon travail consiste à créer des images, j’ai toujours été plus influencé par la littérature que par le cinéma ou la peinture.
Je suis un lecteur passionné et j’ai toujours aimé visualiser les écrits dans ma tête. Je me souviens encore avoir rêvé mes lectures de L’Iliade ou L’Odyssée d’Homère et en avoir imaginé toutes les scènes quand je les ai découverts à l’école.
Comment voyez-vous le cinéma fantastique aujourd’hui ? C’est dur d’aimer le genre et de vouloir en faire ?
Il n’est jamais difficile d’être passionné à propos d’une chose qu’on aime au fond de soi.
L’ambiance de Dark Waters était surréaliste, cauchemardesque et lovecraftien. Est-ce qu’avec Astrid’s Saints il y aura cette sensation d’irréel de passage de l’autre côté du miroir ?
Astrid’s Saints sera sûrement très riche en ambiance et comportera aussi des éléments surréalistes. Nous ne pouvons pas trop en parler pour l’instant car nous ne voulons pas gâcher les surprises. Il suffit de dire que les fans de Dark Waters ne seront aucunement déçus !
Le scénario estil déjà écrit ?
Oui. Coralina Cataldi-Tassoni et moi avons fini le scénario et nous en serons également les producteurs afin de préserver la pureté de notre vision. C’est la raison pour laquelle nous avons lancé une souscription internet avec Kickstarter.
Le score pour Dark Waters est superbe ! Avez-vous déjà des idées pour la musique d’Astrid’s Saints ?
Merci pour le compliment. Il y a plusieurs choses que j’avais testées avec Dark Waters et aussi sur mon court Never Ever After et que j’aimerais réessayer avec Astrid’s Saints. Je crois fermement au pouvoir presque subliminal de certains sons pour souligner un score plus orchestral.
Allez-vous tourner en numérique ou à l’ancienne ?
Si vous m’aviez posé la question il y a un an, j’aurais répondu très différemment. Je crois aujourd’hui que les technologies ont atteint un niveau où je suis sûr de pouvoir obtenir tout ce que je cherche via le numérique. J’ai déjà travaillé en HD plusieurs fois et je sais désormais que je pourrais préserver mon style et obtenir un résultat très riche avec ce format.
Parlez- nous de votre collaboration avec Coralina Cataldi-Tassoni. Il semblerait qu’elle soit devenue votre muse ?
Coralina est certainement ma muse et en même temps, ce serait réducteur. Elle est tellement plus que cela ! Le script d’Astrid’s Saints est notre deuxième collaboration et nous formons un duo magique ! Lorsque nous écrivons, nous sommes si fusionnels que l’on pourrait aisément dire que nous ne formons plus qu’une seule entité créative.

Astrid’s Saints ressemblerait à un poème dédié à Coralina Cataldi-Tassoni…
Coralina mérite beaucoup plus qu’un simple poème. Même un poème épique ne suffirait pas. Je considère Astrid’s Saints comme un cadeau que Coralina m’a offert. Sans elle, ce projet n’existerait pas et n’aurait même jamais pu exister. Nous avons écrit le script en tandem, côte à côte, du premier mot jusqu’au dernier alors je suppose que c’est un poème que nous avons dédié l’un à l’autre.

Un grand merci à Mariano Baino & Coralina Cataldi-Tissoni

 

Version anglaise ici

 

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