Depuis l’origine, La Sélection Annuelle du groupe Ouest permet d’accompagner chaque année huit projets de long-métrage. Les lauréats bénéficient d’un accompagnement en écriture sur neuf mois , dont quatre sessions collectives de travail en résidence en Finistère. Le métier d’auteur est d’une difficulté que peu de gens soupçonnent et souvent le point le plus long et douloureux dans la fabrication d’un film. Or les véritables créateurs d’imaginaire, ce sont eux. Ce travail au plus près des auteurs vise à renforcer dans ses fondamentaux un cinéma indépendant européen en recherche de nouveaux publics. C’est au travers de la phase redoutée de l’écriture que se définit la stratégie intime avec laquelle l’auteur s’adresse à cet autre qu’est le spectateur. C’est donc là que se niche souvent l’essentiel, que ni le tournage ni le montage ne parviendront à recréer.
Voici les huit auteurs et projets lauréats de la Sélection Annuelle 2024 !
Alexander Abaturov BRUME
Xavier Demoulin LA FILLE DES BOIS
Violette Garcia À PART FAIRE DES GRILLADES IL NE SE PASSAIT RIEN
Zeno Graton COMMUNE
Coralie Lavergne À BORD LA VIE
Julien Meynet TOREM
Angela Ottobah BÉBÉ D’OR
François Vacarisas LIFE IS GOOD
Cette Sélection annuelle a notamment accompagné l’écriture du merveilleux Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand. Le cinéaste nous offre un retour d’expérience.
Pourquoi avoir rejoint cette résidence d’écriture ?
En réalité, c’est ma productrice qui m’en a parlé car je ne savais pas du tout ce qu’était le groupe Ouest. Evidemment, au moment de répondre à l’appel à projets , je me suis renseigné et j’ai tout de suite été très intéressé par le côté collaboratif , par l’idée d’être accompagné par des « mentors ».
Dès le départ, la proposition d’être encadré par des scénaristes-consultants de niveau européen vous a stimulé ?
L’ idée d’être accompagné dans l’écriture, je trouvais ça super et puis oui c’est très concurrentiel, c’est difficile donc ça a été vraiment une chance pour moi.
Comment s’est déroulée l’intégration au groupe Ouest ?
Le discours d’entrée d’Antoine ( Antoine Le Bos, le directeur) , c’était déjà un choc. J’ai toujours été un « cancre », tout ce qui était scolaire m’a toujours ennuyé. Je suis un autodidacte, je n’ai pas fait d’école de cinéma. Or là immédiatement j’ai été séduit et enthousiaste par le rapport à la narration tel qu’il était approché…j’ai ressenti une véritable excitation intellectuelle.
Le dispositif comprend un suivi d’écriture et de développement par des binômes de scénaristes-consultants permettant un échange de points de vue mais aussi un « coaching » Est-ce quelque chose qui vous a aidé ? .
Mes deux «mentors » étaient Marcel Beaulieu , un scénariste québécois et Nicolàs Buenaventura, un réalisateur et conteur colombien. Leur méthode fonctionnait merveilleusement bien sur moi.
Il y a quelque de très beau qu’ils m’avaient dit : « ce que vous allez apprendre là , c’est à vie » et en effet tout ce qui s’est passé , c’est quelque chose en profondeur. D’ailleurs ce que j’ai appris dans le rapport au récit, je m’en sers encore aujourd’hui.
La Sélection Annuelle du groupe Ouest, c’est aussi l’occasion d’échanges entre les huit auteurs de la résidence ?
C’est une méthode où on réfléchit beaucoup aux autres et avec les autres. Il y avait notamment avec moi Romain Compingt et Léa Triboulet. Des lauréats très différents par leur parcours mais une vraie symbiose s’est créée. D’ailleurs j’ai noué des liens forts et amicaux avec le groupe , on s’appelle et même avec certains on se revoit depuis très régulièrement.
À quoi ressemblent les journées passées au sein de cette résidence ?
Il y a d’abord le travail collectif : les auteurs donnent leurs sensations sur le récit de chacun.
Puis il y a le travail individuel avec les deux mentors . Mais ce travail avec eux se fait en marchant, en déambulant sur la plage.Comme ils me le disaient : « la table est l’ennemi du scénariste » !Il y a aussi un temps de travail solitaire , qui la plupart du temps, se fait à l’Hôtel de la mer , au Café du port ou dans les chambres . Mais le travail se fait tout autant au cours de balades ,de discussions et même autour d’un bon repas préparé par les habitants. Tout fait fonctionner le récit.
Le lieu aussi de cette résidence a t-il été important ? La résidence est ancrée en Côte des Légendes, à Plounéour- Brignogan-Plages, en Bretagne. C’est au bord de la mer mais aussi au très très isolé !?
Absolument. Moi qui aime la connexion avec la nature, c’était vraiment génial. Le corps est en mouvement, le fait de pouvoir marcher en bord de mer, d’être au soleil , il faisait très beau, d’avoir un horizon ouvert…C’est un cadre magnifique où le cerveau est tout au récit , tout est là pour que le cerveau turbine. Une véritable disponibilité est créée, par ce cadre, mais aussi par le fait qu’on mange bien , tout est intelligemment monté. D’ailleurs pour mon second long-métrage, j’ai entamé l’écriture sur ces terres.
Vous partagez tout ensemble ?
Les auteurs sont répartis dans deux ou trois maisons . Et à chaque session- il y a quatre sessions d’une semaine en avril juin octobre et décembre – on fait des bonds de géant par rapport à l’avancée du récit ! Le fruit des discussions souvent fait l’objet de notes. Je ne pensais pas être scotché par cette structure et je la recommande vraiment. J’avais jusque là toujours écrit seul mais depuis je suis un fervent défenseur des résidences d’écriture. J’y participerais à nouveau dès que je peux !
Là je travaille avec un co-scénariste sur mon second long-métrage mais fort de ce que j’ai appris avec le Groupe Ouest.
Est-ce que le projet de récit initial sur lequel justement vous avez été sélectionné a beaucoup évolué au terme de cette résidence d’écriture ?
Le cœur du récit est resté complètement le même mais a beaucoup évolué par la caractérisation des personnages. La structure progressivement s’est mieux construite. J’ai trouvé toute l’histoire là-bas. Je suis arrivé avec un projet embryonnaire et je suis le premier à avoir tourné le film, trois ans après. Entre chaque session , il y a des temps de digestion, de skype avec les mentors et de réécriture. Puis il y a aussi le « raconte moi ».
Qu’est-ce que le « Raconte moi » ?
On nous demande de pitcher le récit à l’oral. Ça active autre chose que l’écrit car à l’oral, on ne peut pas mentir. L’oral, c’est quelque chose de cru, de direct, qui permet d’identifier des failles ou de voir aussi ce qui marche. Se confronter à l’oralité c’est très dur mais hyper intéressant. Mon récit n’avait pas la puissance qu’il avait à l’oral. C’est très complémentaire. Raconter son récit, c’est comme un croquis. J’aime bien la phrase, « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement , et les mots pour le dire arrive aisément ».
On raconte en moins de cinq minutes le plus souvent en l’enregistrant aussi en vidéo le récit que nous tentons de construire. Par le fait de se filmer, on est obligé de faire face : on est à l’intérieur du récit. Ça a lieu une fois par semaine, comme un bilan d’entrée et de sortie. On regarde toujours tous ensemble. En cinq minutes , on voit l’évolution d’un projet et c’est aussi très émouvant.
À travers ces échanges et cet accompagnement, quelle approche du scénario avez-vous aujourd’hui ?
Au terme de la résidence, j’avais mon traitement et mon séquencier.
Mon rapport au scénario a changé. J’ai appris à travailler sur qu’est-ce que raconte un film ? Quelle est sa logique interne ? Quelle est la trajectoire émotionnelle ? Travailler les enjeux émotionnels, les frottements me paraît essentiel. Caractériser les personnages, les construire. En revanche les dialogues ont été écrits après, en solitaire. Je trouve que c’est mieux de retarder les dialogues pour sortir justement de ma zone de confort car avant je les écrivais en même temps. Pendant la construction du récit au cours de la résidence je n’avais aucune idée d’acteurs. Chien de la casse est un film très tenu sur le langage donc ça n’aurait pas marché en pensant à des acteurs sur le plateau.
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