Le nouveau film de Costa-Gavras, Adults in the Room, en salles le 6 novembre 2019, est l’adaptation du livre de Yánis Varoufákis Conversations entre adultes – Dans les coulisses secrètes de l’Europe. Après sept ans de crise, un espoir renaît en janvier 2015 pour le peuple grec au lendemain des élections législatives, avec la nomination d‘Aléxis Tsípras comme Premier ministre. Yánis Varoufákis est alors nommé ministre des Finances, qui va mener un bras de fer avec l’Europe pour sortir son pays de la crise. Le film, et donc le livre, revient sur la découverte et les désenchantements au sein de l’Eurogroupe, – et autour -, pour Yánis Varoufákis le temps de son mandat.
« De l’innocence et de la culpabilité. Il en sera question dans tous les films de Costa-Gavras. Du doute à l’affirmation. De la raison d’État au bon sens populaire. De la justice et de l’injustice. » écrivait Franck Lubet, programmateur de la Cinémathèque de Toulouse, dans l’édito de la rétrospective que celle-ci lui consacrait en 2018, et Adults in the Room ne fait pas exception.
Cinquante ans tout pile après la sortie de Z, adaptation du roman de Vassílis Vassilikós, sur l’enquête de l’assassinat de Grigóris Lambrákis, qui conduira indirectement au coup d’état de 1967, j’ai eu la chance de discuter avec Costa-Gavras et Michèle Ray-Gavras, productrice de ses films, lors d’une conférence de presse organisée pour l’avant-première de son film à Toulouse. Si ce n’est pas Costa-Gavras qui me répond, mais sa productrice, la raison vous paraîtra évidente à la lecture de la réponse.
Votre film Adults in the Room a-t-il été plus dur à monter que vos précédents ?
Costa-Gavras et Michèle Ray-Gavras en chœur : Très dur, très très dur !
Michèle Ray-Gavras : Pourquoi ? Soit on tournait tout le film en anglais, c’est-à-dire les rôles de Yánis et Aléxis avec des stars anglo-saxonnes, et à ce moment-là, cela aurait été assez facile. Mais Costa disait, avec raison « je ne peux pas faire tourner deux personnages grecs, Yánis et Aléxis, quand ils sont en Grèce, entre eux, en anglais : c’est impossible » Ou il aurait fallu un autre metteur en scène, américain, mais Costa, lui, ne pouvait pas.
Le fait déjà de ne pas tourner en français, on perd beaucoup de subventions et d’avantages du côté français. Par exemple, le fond de soutien n’est pas revalorisé, le crédit d’impôts qui est de 30% passe à 20%. Il y a beaucoup de choses de cet ordre.
Ensuite, il me semblait évidemment qu’on pouvait faire une coproduction avec les trois pays concernés : la France, la Grèce et l’Allemagne. Tous les Allemands,- les petits, les moyens et les gros -, ont dit non : les petits et les moyens parce qu’il leur fallait demander des aides qu’ils n’auraient pas eues, et les gros m’ont dit « envoyez-nous tout ce que vous voulez de Costa-Gavras, mais pas ça : les Grecs doivent payer ! ». Ça a donc été très difficile.
Costa a fait de cette histoire un thriller, un film où on avance, où on voit. Mais sur scénario, c’était quoi ? Des dialogues, des dialogues économiques. C’était le même problème qu’avait eu Z à l’époque : le film avait été refusé parce qu’il était bavard. C’était très difficile et je ne trouvais pas de distributeurs. C’est finalement Wild Bunch qui est venu. Son directeur, Jérôme Rougier était intéressé, car il avait lu le livre de Yánis. Il m’a appelée sachant que Costa travaillait dessus. Mais chaque semaine durant le tournage, je ne savais pas si je continuais la semaine suivante. Évidemment, je ne le disais pas à Costa. [Costa-Gavras, assis à côté d’elle, opine de la tête.]
Michèle Ray-Gavras : Nous avons donc eu des problèmes financiers et des problèmes d’organisation de tournage. Il n’y a pas beaucoup de films qui se tournent en Grèce, donc tous nos acteurs, pour survivre, sont au théâtre. Ils n’étaient libres pour tourner avec nous en dehors d’Athènes que les lundis et les mardis, et la semaine de Pâques, car tous les théâtres sont fermés durant Pâques. Il fallait donc que nos acteurs partent quand même du tournage.
[…] Pour notre acteur principal, Costa avait choisi quelqu’un d’autre, mais qui avait un problème pour parler anglais. Nous lui avons donné un coach tout le mois de décembre, mais il n’est pas arrivé à s’en sortir et finalement, il a déclaré forfait. On a trouvé Christos Loulis pour interpréter Yánis un mois avant le tournage, et je ne voulais pas le repousser pour essayer d’aller à Venise, de San Sebastián. Pour financer un film, il faut une ouverture avec un festival. Après, le prochain festival était celui de Berlin où je me disais « là on va se faire…. » (rires de Costa et Michèle).
Il y avait donc une sorte de stop-date à la fois financier, avec les acteurs… Par exemple, on a eu le soutien de la Région PACA, car on a 220 effets spéciaux qui ne se voient absolument pas, du fait qu’on ne tournait pas dans les vraies villes. Nous sommes allés à Riga, Berlin, Francfort, mais juste un jour, les lundis et les mardis, pour tourner les extérieurs. Après, les intérieurs étaient à Athènes. Nous avons eu le soutien de PACA en mai, d’aide aux cinémas du monde en juin. Donc, en attendant, il fallait se dire « on va l’avoir, on va l’avoir ».
Merci au cinéma American Cosmograph et à Wild Bunch d’avoir permis cette rencontre.
Dossier de presse du film Adults in the Room à lire ici.
Lire la chronique d’Emmanuel Le Gagne sur le film Adults in the Room est ici.
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Le dossier « Le cinéma en question » est composé de :
– L’édito, par Carine Trenteun et Olivier Rossignot
– L’entretien avec Guillaume Morel (distribution), Emmanuel Vernières (relations presse) et Damien Truchot (exploitation), par Carine Trenteun et Olivier Rossignot
– L’entretien avec Vincent Paul-Boncour, directeur et co-fondateur de Carlotta Films : les ayants droit, par Pierre-Julien Marest
– L’entretien avec Franck Finance-Madureira, président-fondateur de la Queer Palm du Festival de Cannes : le cinéma LGBT+, par Carine Trenteun
et de la partie “Voyez-vous une évolution de votre métier ?”
– La réponse de Christophe Honoré, par Carine Trenteun
– La réponse d’Álex de la Iglesia et Jorge Guerricaechevarría, par Carine Trenteun
– La réponse de Claire Simon, par Carine Trenteun
– La réponse de Costa-Gavras et Michèle Ray-Gavras par Carine Trenteun
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