Une fois l’émotion toute simple de retrouver Cannes, constater que tout est à la fois similaire et différent. Moins d’accrédités, plus de masques. Le nouveau système de billetterie, quand il ne rame pas le matin, avait pour son objectif d’éviter les files d’attente, ce qui ne semble pas concluant aux premières nouvelles (en même temps, comment les éviter?). Le bon côté, c’est que les confirmations de tickets reçus par e-mail nous font du bien, nous évitent d’attendre des heures sous le soleil, et nous permettent d’organiser notre planning de manière plus apaisée. So may we start ?
ANNETTE de Leos Carax
(Compétition)
On l’aura longtemps attendu, celui-là, à tel point qu’on a fini par oublier que le cinéma de Leos Carax pouvait être aussi clivant, vu les réactions très mitigées, ce qui n’est pas une surprise finalement. Toujours cette folle ambition plastique, cette générosité enfantine, ce lyrisme déchirant qui s’autorise toutes les audaces sans jamais craindre le ridicule ou le kitsch old school. Si le génie de Leos Carax est resté intact, c’est parce qu’il croit profondément aux vertus magiques du cinéma (non, ne riez pas), capable d’exorciser ses démons intérieurs, du pur spectacle comme forme d’expression intime, tout en n’étant pas dupe sur sa propre vanité abominable et malaisante. Et même si ses excès pourront en rebuter certains, mais c’est le propre de l’opéra d’être excessif, Annette est un sublime opéra pop, flamboyant et tragique, d’une noirceur absolue, bien loin du musical joyeux et entraînant qui semblait promis dès l’intro, ce qui a pu en dérouter beaucoup. Si le film paraît aussi personnel alors qu’il est pourtant écrit par d’autres (les géniaux frères Ron et Russell Mael, alias Sparks), c’est que Carax y a sans doute trouvé des coïncidences avec sa propre vie personnelle, comme s’il y trouvait matière pour un bouleversant aveu de culpabilité. hanté par le fantôme de sa regrettée Katerine Golubeva, disparue en 2011 (le film est d’ailleurs dédié à leur fille Nastya). Enfin, Adam Driver y trouve le plus beau rôle de sa carrière, délicieusement toxique, félin et vulnérable. Et il faudrait que certains arrêtent de bitcher Marion Cotillard, ici absolument magnifique. Tellement de choses à en dire en si peu de temps, mais voilà, je suis pleinement conquis.
ROBUSTE de Constance Meyer
(Semaine de la Critique)
La rencontre XXL entre deux corps robustes (pour ne pas dire « gros », parce que c’est un gros mot) : notre Gégé national (plus vrai que nature dans un rôle très – même trop – méta d’acteur bougon et ingérable) face à la nouvelle génération incarnée par Deborah Lukumuena, très convaincante en « nounou » bodyguard chargée de veiller sur lui. Alors bien sûr, Gégé a d’abord envie qu’on lui foute la paix et il finira progressivement par s’attacher à cette lutteuse noire au caractère bien trempé qui finira par lui redonner goût à la vie et à son métier. Pas de surprise ici, le film avance sagement sur des rails balisés et programmatiques, mais ça reste assez plaisant grâce à la belle alchimie que dégage ce duo aussi improbable qu’attachant. On espère quand même des découvertes plus consistantes et audacieuses à la Semaine.
GHOST SONG de Nicolas Peduzzi
(Sélection ACID)
Cette fois, c’est Houston qui a un problème : les habitants de cette ville sont contraints de survivre face à la menace d’un ouragan cataclysmique qui pourrait bien tout dévaster. C’est le point de départ de cet envoûtant documentaire qui saisit le pouls d’une ville et parvient à capter son atmosphère étrange. Ghost Song ne se concentre que sur quelques personnages issus de différents milieux (la rappeuse OMB Bloodbath, ainsi que deux amis issus de quartiers riches) pour mieux les rassembler au montage, comme s’ils partageaient tous le même mood, entre la même fascination pour la musique et le même sentiment d’être hanté par des fantômes. Une magnifique captation poétique et singulière d’une ville américaine à la dérive.
VAL de Ting Poo et Leo Scott
(Séance spéciale)
Un documentaire en forme d’autoportrait sur Val Kilmer, qui a collectionné un stock incroyable de vidéos personnelles, donc des trésors d’archives sur sa vie privée et toute sa carrière (quasiment toute sa filmo est évoquée, mais bizarrement pas le TWIXT de Coppola). C’est un Val Kilmer assez mal en point suite à un cancer de la gorge, le privant de sa voix et donc ayant mis un terme à sa carrière, que nous découvrons, mais il semble si heureux d’avoir l’opportunité de pouvoir nous raconter sa vie intime et professionnelle en nous confiant sa vision sur son métier d’acteur. Le résultat, un peu trop long et inégal, est surtout plus touchant que vraiment passionnant, survolant un peu trop certains aspects mais il a mérite de nous éclairer sur la personnalité fantasque et attachante de Val Kilmer, de faire le point sur sa mauvaise réputation, de raconter un morceau de l’histoire d’Hollywood (la rencontre « ratée » avec Marlon Brando notamment). Bientôt sur Amazon Prime.
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