Ce mardi 6 décembre 2016, les amateurs de frissons et d’horreur n’ont pas hésité à venir se glacer les sangs sur le trottoir des Grands Boulevards, devant le Max Linder. Une certaine effervescence anime alors le hall du cinéma parisien : pendant que la file d’attente s’allonge dehors, des spectateurs taillent le bout de gras, se procurent d’anciens numéros de Mad Movies alors que d’autres se précipitent dans la salle pour avoir les meilleures places.

Pour sa sixième édition, le Paris International Fantastic Film Festival voit les choses en grand, avec trois événements marquants qu’a tenu à saluer Gérard Cohen, le directeur de publication du célèbre magazine spécialisé dans le cinéma fantastique : « Le Max Linder est pour nous la salle rêvée, la salle techniquement parfaite. Elle est aussi la salle mythique pour les amateurs de cinéma. » La salle pleine, impatiente, semble ne pas le contredire. « En tant que parisien et cinéphile, c’était mon rêve de faire le festival au Max Linder depuis le début », surenchérit Cyril Despontin, programmateur et coordonateur général du PIFFF.

« Le deuxième événement peut paraître anecdotique », continue Gérard Cohen en précisant ouvrir le festival à de plus jeunes spectateurs avec une séance ouverte aux scolaires. « C’est très important pour nous car il faut regarder du côté de la jeunesse. Cette séance permet de comprendre que les jeunes aussi sont très intéressés par le cinéma fantastique, qui est un cinéma de contestation, un cinéma de transgression et de subversion, parfois. C’est surtout un cinéma très créatif. Ce que l’on pouvait offrir de mieux à notre belle jeunesse est ce contact avec le fantastique. » La fiancée de Frankenstein, de James Whale, marque ainsi cette belle initiative qui permet de faire découvrir à un public qui ne ferait pas forcément la démarche un pan un peu oublié du cinéma fantastique.

Cette année, le PIFFF aurait eu quelques difficultés à se monter si les organisateurs n’avaient fait appel à un financement participatif, les subventions en direction de la culture baissant toujours un peu plus chaque année. Après avoir salué cette initiative et remercié les contributeurs, Gérard Cohen a tenu à rappeler qu’un festival ne peut exister sans la participation de certaines institutions. « Je fais un petit clin d’œil à nos amis de la Mairie qui ne nous ont pas entendu jusqu’à présent », insiste-t-il. « Nous allons continuer à demander des subventions, n’espérez pas que nous allons nous arrêter. Nous avons besoin de la mairie de Paris et de la région Ile de France pour aller beaucoup plus loin, pour populariser ce festival. »

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A son tour, Fausto Fasulo, rédacteur en chef de Mad Movies et programmateur du festival, passe à l’essentiel en présentant les films sélectionnés pour cette ouverture. Surprise ! The Autopsy of Jane Doe, projeté pour la première fois en France, est précédé d’un court-métrage espagnol datant de 2015 et signé Ángel Gómez, Behind. L’histoire de cette jeune femme qui refuse de céder sa fille à son ex-compagnon a de forts relents de déjà vu avec sa mise en scène téléphonée. Le film s’avère soigné, mais le réalisateur, en voulant privilégier l’efficacité, fait une utilisation envahissante d’une musique stridente pour créer l’effroi.

La soirée spiritisme et grosses ficelles continue avec le pourtant prometteur, sur le papier, film de André Øvredal. Suite au succès de cette première œuvre, André Øvredal se voit proposer de nombreux projets similaires par des producteurs états-uniens, qu’il refuse obstinément, ne voulant pas être cantonné dans un genre. « Un jour, alors qu’il sort de The Conjuring, il se dit que c’est ce qu’il a envie de faire, un film d’horreur assez simple, sans avoir besoin d’un très gros budget », explique Fausto Fasulo. « Après avoir contacté son agent, il reçoit des scénarios dont celui-ci, qu’il dit avoir lu en 45min, qu’il a littéralement dévoré. Il s’est dit que cela serait idéalement son prochain film. » Pour son troisième long-métrage, le réalisateur norvégien du sympathique, mais oubliable Troll Hunter, a recours à une réalisation plus classique, dans un beau format scope.

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Médecin légiste veuf et vieillisant, Tommy Tilden travaille avec son fils, Austin. Un soir, le shérif leur amène le corps d’une jeune femme non identifiée trouvée sur les lieux d’un triple homicide. Les deux hommes vont alors enquêter pour découvrir la cause de son décès. Au fur et à mesure que l’autopsie avance, des événements étranges se manifestent…

« Selon André Øvredal, le plus gros défi était de filmer dans un cadre confiné sans provoquer un sentiment de claustrophobie », précise Fausto Fasulo. « Pour lui, ce n’est pas le sujet du film dans lequel le corps a une importance particulière. » André Øvredal arrive à faire oublier l’aspect confiné de son décor avec sa réalisation qui s’avère dynamique et par un découpage qui évite la facilité du champ/contre-champ. Il instaure une tension en insérant à des moments clés des plans sur le corps de la mystérieuse Jane Doe, créant un climat de menace et d’oppression. Avec son directeur de la photographie, Roman Osin, le cinéaste fait le choix d’une image qui rappelle celles des films des années 70 et à quoi s’ajoute une direction artistique qui enferme le personnage principal dans un passé qu’il n’arrive pas à quitter : décoration et mobilier datés, poste de radio des années 80.

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Film sur la culpabilité et qui évoque une société encore patriarcale, The Autopsie of Jane Doe finit cependant par décevoir. Tous les ressorts narratifs sont ainsi exposés dès les premières vingt minutes, dans la tradition du scénario hollywoodien, et le film s’empêtre dans une écriture téléphonée. Au final, et malgré un traitement du genre fantastique très premier degré et la présence de quelques passages tendus, The Autopsie of Jane Doe peine à traiter sa thématique principale au profit d’effets faciles qui le font ressembler à un banal film d’horreur. « Il y  a un énorme travail sur le son », déclare alors Fausto Fasulo. Pourtant, André Øvredal fait appel à tout l’attirail du pur film hollywoodien, noyant l’âpreté du film dans une utilisation clichée de la musique. Chaque nouvel événement est ainsi surligné par quelques accords lourdement menaçants. Comme s’il ne croyait pas dans le pouvoir évocateur de l’image, André Øvredal finit par expliquer ce que l’on avait déjà compris depuis longtemps lors de longs tunnels de dialogues didactiques, achevant d’enfermer le film dans la production du tout venant hollywoodien. Impression qui se concrétise lors d’un dernier plan durant lequel il se croit obligé de faire une dernière note d’humour, comme s’il ne prenait pas le sujet pourtant progressiste et subversif de l’intrigue au sérieux.

Un faux départ qui, espérons-le, ne présage pas de la qualité du reste de la sélection du PIFFF 2016.

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