Mercredi 27 mars, le cinéma Pathé Bellecour à Lyon inaugurait une salle de cinéma d’un nouveau genre, équipée d’un écran Onyx LED Cinéma, la deuxième en France après celle inaugurée en février dernier au Pathé Baugrenelle. Technologie émissive développée par le géant Coréen Samsung, qui nourri de ses expériences dans le domaine de l’affichage et de téléviseurs, propose le premier écran LED pensé pour le cinéma. Il n’est plus question de projection mais de diffusion, plus de toile non plus désormais, l’écran se composant de 96 dalles LED (elles-mêmes composées de 24 modules chacune) assemblées les unes aux autres (sur lesquelles l’image est directement diffusée), comme plusieurs petits écrans rassemblés pour n’en faire qu’un grand, en l’occurrence d’une base de 10,3 mètres pour ces deux premières salles françaises. Compatible avec une autre technologie émergente, la HDR (High Dynamic Range, imagerie à grande gamme dynamique en français) jusqu’à présent très connue des photographes et peu à peu proposées sur les téléviseurs, elle permet d’optimiser de manière spectaculaire la luminosité à l’intérieur d’une image. Cela tombe bien, parmi les promesses de l’Onyx LED Cinéma il y celles d’un réalisme très poussé dans l’image, résultant de la combinaison entre un noir dit « absolu » et une luminosité pouvant atteindre un pic de 500 cd/m2 (candela par mètre carré).
Jeudi 28 mars, nous étions cordialement invité à une matinée de présentation au Pathé Bellecour, qui seulement quelques mois après l’ouverture de sa salle 4DX, s’équipe d’une nouvelle technologie de pointe. Quelques explications et éclaircissements sur nature du procédé, sa conception et sa mise en place au sein des circuits Pathé, les travaux de rénovation au Pathé Bellecour, avant que ne commencent les vidéos de démonstration. Tout d’abord un spot mettant en exergue la pureté, la qualité du fameux noir dépeint comme absolu – disons-le sans c’est effectivement impressionnant à voir – suivie de deux bandes-annonces en SDR, en guise de premier échantillon quant à l’upgradation que permet l’écran sur des films qui n’ont pas été optimisés ou pensés pour. Surprise, avec deux bandes-annonces de films que l’on ne s’attendait pas à voir dans cette salle (si l’un et l’autre devaient à l’avenir être programmés, on ne manquerait pas de saluer l’audace), à savoir Samsara de Pan Nalin et Winter Sleep, monument cinématographique instantané signé Nuri Bilge Ceylan, auréolé d’une palme d’or à Cannes en 2014. Deux œuvres aux images amples et d’une beauté à couper le souffle, qui semblaient au moins le temps de ces bandes-annonces bénéficier des apports qui venaient de nous êtres vantés : couleurs éclatantes pour Samsara, profondeur de champ presque accrue par la netteté de l’image pour Winter Sleep.
Une telle précision d’image couplée à une luminosité « intense » constitue aussi une opportunité de relancer une technologie qui a perdu en attrait auprès du grand public depuis quelques années : la 3D. La deuxième partie de la présentation allait dans ce sens avec un teaser de Toy Story 4 suivi de la projection du Dumbo de Tim Burton, fraichement sorti la veille. Digressons légèrement, pour dire quelques mots de ce 19ème long-métrage de l’auteur d’Edward aux mains d’argent, qui s’avère être une très bonne surprise et le plus beau film de son auteur depuis près de 20 ans. On a aimé, on a même adoré Tim Burton, avant de progressivement se détourner de son cinéma à mesure que celui-ci devenait artificiel, redondant et en venait à flirter avec sa propre caricature (Alice au pays des Merveilles marquant à ce jeu-là un point de non retour). Sans certitudes, on avait constaté un regain de forme depuis deux films, d’abord Big Eyes (2015) qui marquait une rupture, en délaissant des gimmicks visuels devenus aussi vains qu’indigestes (quitte à sembler terne et impersonnel dans la mise en scène) en renouvelant son casting (Johnny Depp et Helena Bonham Carter ont été usés jusqu’à la moelle) mais surtout en brossant en toile de fond une auto-analyse lucide du cinéaste, puis Miss Peregrine et les Enfants particuliers, qui se démarquait notamment par l’exploration de nouveaux horizons esthétiques, indiquant une mue en cours. Dans une vague peu captivante de remakes live des classiques Disney (à l’exception notable du très beau Peter et Elliot le dragon de David Lowery), qu’il lui-même impulsé avec le médiocre Alice au pays des Merveilles (paradoxalement il s’agit de très loin du plus gros succès de sa carrière), Tim Burton tire plus qu’habilement son épingle du jeu. Classique au sens noble du terme dans sa forme, jouissant de qualités de storytelling difficilement contestables, son Dumbo se révèle pourtant être une œuvre des plus intimistes, dont la force consiste à se réapproprier avec vigueur un récit bien connu sans jamais le dénaturer ou le vider de sa substance. D’un côté le cinéaste accepte quelques concessions en reprenant les chansons du film original, de l’autre il se livre à une charge féroce contre les mastodontes du divertissement à grand spectacle dont Disney serait l’étendard, doublé d’un autoportrait lucide en creux, celui d’un artiste s’étant égaré en cours de route, vendu, tentant tant bien que mal de retrouver son regard d’enfant. Mais même sans ces sous-textes passionnants, on retrouve des instants de grâce et de poésie (difficile de ne pas être ému lors des séquences de vols par exemple) que l’on croyait perdus, disparus pour de bon. Ajoutons à cela que l’ensemble est porté par un casting réjouissant où l’on croise un Colin Farrell superbe de sobriété (acteur redevenu très intéressant depuis son passage chez Yorgos Lanthimos), une Eva Green iconisée, comme un poisson dans l’eau dans l’univers Burtonien et le retour salvateur de deux figures emblématiques de sa première partie de carrière, Michael Keaton et Danny DeVito. Tim Burton est de retour et ça fait un immense plaisir !
Quid de la diffusion sur l’écran Onyx LED ? Sur un film comme celui-ci, tourné en numérique et ayant énormément recours aux effets spéciaux, les apports sont assez vite palpables. Les gains de netteté et de précision dans l’image, accentuent le réalisme d’une image très souvent « fausse » et bénéficient ainsi autant à l’immersion qu’au spectacle. À n’en pas douter, on doit pouvoir vanter des vertus similaires sur Captain Marvel (et dans les semaines qui viennent Avengers Endgame), l’autre film actuellement diffusé dans cette salle, on serait curieux de voir ce que cela donne sur Le Chant du Loup d’Antonin Baudry projeté lors de l’ouverture de la salle du Pathé Baugrenelle dans une version optimisée par le chef opérateur du long-métrage Pierre Cottereau.
Ce n’est pas une nouveauté depuis la démocratisation de la 3D et le triomphe d’Avatar de James Cameron, les cinémas Pathé en général (et donc du grand Lyon) ont toujours répondu présents pour s’équiper sur le plan des nouvelles technologies, après l’IMAX, le Dolby Cinéma, la 4DX, l’Onyx LED s’inscrit dans la continuité d’une stratégie claire. L’idée étant de proposer des arguments solides pour contrer d’une part le téléchargement et désormais la SVOD, réaffirmer ainsi la suprématie de la salle obscure sur le visionnage à domicile. Si la communication autour de ce nouvel écran est sommes toute assez – volontairement – discrète pour le moment, nul doute, que l’expérience va s’imposer lentement mais surement. Son relatif faible supplément de prix (3 euros soit à peine plus qu’un supplément 3D normal et surtout moins que les suppléments IMAX ou 4DX) couplé aux films a priori porteurs – même si l’on espère à terme une diversification – qui seront projetés dans ces conditions devraient très vite la populariser.
Cependant peut-on imaginer la disparition dans les années à venir des projections « classiques » , d’un certain nombre de termes intimement liés au médium cinéma ? Doit-on même le souhaiter ? Loin de nous l’envie d’aller contre ce qui est vendu comme le progrès, mais comme lors de la transition numérique, le débat mérite d’être ouvert. Si des géants comme Michael Mann ou David Fincher, ont par leurs travaux donnés à l’image numérique ses lettres de noblesse, des cinéastes loin d’être mineurs comme Quentin Tarantino ou Christopher Nolan, tentent eux de faire survivre la pellicule. L’arrivée et la démocratisation de cet écran d’un nouveau genre pourrait raviver de plus belle le clivage pro et anti numérique, ouvrir une nouvelle transition que l’on suivra avec un mélange d’excitation et d’appréhension. Pour l’heure chacun est libre d’aller se faire sa propre opinion dans l’une des deux salles Pathé équipée !
-> Site officiel du Pathé Bellecour
© Tous droits réservés. Culturopoing.com est un site intégralement bénévole (Association de loi 1901) et respecte les droits d’auteur, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos visibles sur le site ne sont là qu’à titre illustratif, non dans un but d’exploitation commerciale et ne sont pas la propriété de Culturopoing. Néanmoins, si une photographie avait malgré tout échappé à notre contrôle, elle sera de fait enlevée immédiatement. Nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur – anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe.
Merci de contacter Bruno Piszczorowicz (lebornu@hotmail.com) ou Olivier Rossignot (culturopoingcinema@gmail.com).
© Tous droits réservés. Culturopoing.com est un site intégralement bénévole (Association de loi 1901) et respecte les droits d’auteur, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos visibles sur le site ne sont là qu’à titre illustratif, non dans un but d’exploitation commerciale et ne sont pas la propriété de Culturopoing. Néanmoins, si une photographie avait malgré tout échappé à notre contrôle, elle sera de fait enlevée immédiatement. Nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur – anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe.
Merci de contacter Bruno Piszczorowicz (lebornu@hotmail.com) ou Olivier Rossignot (culturopoingcinema@gmail.com).