Festival du film slovène: le cinéma de Slovénie se révèle.
Du 29 septembre au 2 octobre se tiendra le premier festival du film slovène au cinéma les 7 Parnassiens, à Paris. L’acteur Stanislas Merhar, dont le père est slovène, sera le parrain de cette première édition.
C’est peu dire qu’un tel festival met en avant les nombreuses qualités d’un cinéma que nous connaissons encore trop peu. 4 courts métrages et 4 longs, ainsi qu’un film du patrimoine, composent une sélection d’une grande richesse. Ne doutons pas que les nombreux invités du festival sauront aiguiser plus encore notre envie de mieux connaître une production cinématographique qui se révèle foisonnante et revigorante.
Les quatre courts métrages, tous réalisés par des femmes, ont une coloration résolument féministe. Les deux films d’animation, Steakhouse (Spela Cadez) et La vie sexuelle de ma grand-mère ( Urska Djukic), sont des brûlots aussi corrosifs que réjouissants contre l’oppression masculine. Dans le premier, une femme trouve un moyen radical de clouer le bec à un mari tyrannique; dans le second, composé à partir de témoignages de femmes sur leur vie d’épouses dans la première moitié du vingtième siècle, la violence du patriarcat trouve son expression dans un graphisme à la fois cru et enfantin. L’apitoiement n’est pas de mise; il cède la place à une joyeuse et cruelle sororité. C’est aussi le cas dans Soeurs ( Kukla), qui met en scène un trio de filles aux prises avec un monde banlieusard dominé par le machisme et l’ennui. Otava ( Lana Bregar) nous transporte dans un monde plus bucolique. Nimbé d’une magnifique lumière qui évoque parfois les tableaux flamands, le film suit une toute jeune fille que la réalité de la campagne ramène progressivement à la vie, sous l’oeil de sa grand-mère. Ainsi sont représentées toutes les générations de femmes dans ces quatre petits joyaux où le discours n’écrase jamais des choix esthétiques forts.
Même constat avec Salope, terme péjoratif pour une femme, premier long métrage de Tijana Zinajic, qui commence comme un manifeste féministe sous ecstasy mais s’épure pour glisser vers une jolie comédie d’amour et d’amitié, sans jamais perdre de sa verve. Tout en peignant avec une rage punk le quotidien d’une jeunesse un peu déboussolée, la réalisatrice parvient à faire sourdre une grande tendresse à l’égard de ses personnages.
S’il faut chercher un point commun à tous les longs métrages présentés, aussi différents soient-ils dans leur énergie et leur esthétique, on peut le trouver dans le tact avec lequel ils révèlent les blessures du quotidien contemporain.
Le délicat Sanremo de Miroslav Mandic évoque quelques jours dans la vie d’un vieil homme dont la mémoire se délite. Son quotidien dans une maison de retraite, évoqué sans aucun misérabilisme, est rythmé par des rencontres, des échappées dans la nature, le retour sporadique de souvenirs douloureux.
L’Orchestre, de Mateuz Luzar et L’Inventaire, de Darko Sinko, ont particulièrement retenu notre attention.
Le premier raconte la visite d’un orchestre d’harmonie dans une petite ville d’Autriche. Chaque séquence vient se nicher dans le contre-champ ou les ellipses de la précédente: le récit, tout entier contenu en une nuit assez imbibée ( unité de temps nocturne soulignée par un noir et blanc soyeux), s’attache tantôt aux chauffeurs de bus, tantôt aux hommes, tantôt aux adolescents, tantôt aux femmes restées seules à la maison, tantôt à deux musiciens hébergés dans une famille autrichienne conservatrice. Chaque fois, quelque chose est cassé, image d’une révolte qui ne sait pas exactement contre quoi s’appliquer. Cette composition chorale n’a rien de mécanique; elle passe de façon très fluide d’un groupe à un autre. Ce faisant, elle permet d’évoquer sans avoir l’air d’y toucher les problèmes d’une société qui ressemble à beaucoup d’autres : précarité, xénophobie, petits arrangements avec la morale. Aucune des perspectives narratives ainsi tissées ne mène à une résolution claire: c’est aussi tout l’art de ce film au beau final que de savoir ménager des suspensions.
Dans L’Inventaire, Boris Robic mène une vie dont la tranquillité suburbaine se voit mise à mal par une agression: un jour qu’il est à son bureau, deux balles traversent sa fenêtre. Le policier chargé de l’enquête lui demande de faire la liste des personnes qui pourraient vouloir lui nuire. Voilà qui ébranle la confiance de cet homme sans histoires. Le film creuse dès lors un sillon presque fantastique, laissant libre cours à la paranoïa grandissante de son protagoniste. De petites défiances, des vérités tues, une intranquillité existentielle se révèlent. Les éclats de balles laissés dans la fenêtre ont ouvert une brèche: une inquiétante étrangeté vient pénétrer un quotidien de plus en plus menaçant.
L’ensemble de ces films livre un bel aperçu d’une scène artistique vibrante. Il permet aussi sans doute de se défaire d’un certain nombre de clichés qui entourent les films des pays de l’est, dont on pense à tort qu’ils labourent inlassablement les terres arides du réalisme social. On saura gré au festival de nous éclairer, de nous divertir et de nous enthousiasmer. Grâce à lui, il est vrai que le cinéma slovène se révèle.
Festival du film slovène: le cinéma de Slovénie se révèle.
Du 29 septembre au 2 octobre, au cinéma Les 7 Parnassiens, 98, boulevard du Montparnasse.
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