29e Etrange Festival – Curt McDowell – « Thundercrack! »

Alors que la tempête gronde au dehors, Gert Hammond, veuve éplorée et alcoolique, tenante du manoir Prarie Blossom, tente de s’arranger pour faire bonne figure devant Willene Cassidy, une jeune femme venue lui rendre visite. Ivre morte, elle redessine ses sourcils devant le miroir, se fait vomir pour évacuer ne serait-ce que quelques gouttes d’éthanol, et fait tomber dans le feu de l’action sa perruque dans la cuvette, qu’elle prend soin de réajuster sur ses cheveux emmêlés et poisseux de sueur, comme si de rien n’était. Misérable, le visage clownesque, embaumée d’une odeur pestilentielle, Gert se retrouve au cours de la soirée à devoir accueillir tout un groupe d’hommes et de femmes cherchant un refuge pour la nuit. La débauche peut commencer.

Thundercrack! se déploie tel un monument de drôlerie et de second degré, où la liberté sexuelle imprègne les murs, donnant lieu à des situations particulièrement loufoques et comiques. L’ancienne chambre de son fils est devenue une pièce à sex-toys, tapissée de dessins et de photos obscènes, comme une invitation narquoise au libertinage. Mrs Hammond cache un obscur secret : son fils, « qui n’existe plus », martèle-t-elle, est en fait maintenu captif au fond d’un placard, en proie à une terrible maladie tropicale lui ayant hypertrophié les testicules. De plus, elle conserve les résidus du cadavre de son mari dans des bocaux dissimulés dans sa cave à vin, jadis dévoré accidentellement par un essaim de sauterelles. 

Dans Thundercrack!, toutes les situations, tous les dialogues et les récits ont un double sens,  les métaphores sexuelles se déploient à l’infini, insufflant un humour particulièrement cru, mais si harmonieux dans cette spirale d’absurdité de la débauche. Si le film de Curt McDowell fait danser des images extrêmement explicites (gros plans sur tous types de pratiques sexuelles, séquences longues de fellations), il n’en devient pas tout à fait pornographique pour autant, en ce sens où la visée n’est certainement pas de provoquer une quelconque excitation sexuelle de la part du public : les scènes de sexe suscitent davantage le rire et un désarroi amusé face à tant de liberté et d’audace dans le caractère explicite au possible des images. Thundercrack! fait preuve d’une telle invention que les scènes les plus crues s’intègrent à merveille dans l’univers d’absurdité hilarante de Prairie Blossom, où le propos sous-jacent se veut d’ailleurs particulièrement queer : l’hétéronormativité n’est pour une fois plus la maîtresse des lieux, et chacun et chacune vogue à satisfaire ses désirs et ses fantasmes les plus inavouables, sans une once de jugement. Au contraire, les uns et les autres s’encouragent mutuellement, toujours dans un comique de de double-sens et métaphorique, à s’essayer à de nouvelles pratiques. La verve crue et graveleuse de Thundercrack! peut sans doute avoir quelque chose de rebutant, mais il se dégage en réalité une comédie noire et désopilante irrésistible, où les conventions de bienséance sont évincées, au profit d’une création mi-horrifique mi-vaudevillesque.

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A propos de Eléonore VIGIER

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