Nada Riyah et Ayman El Amir-« Les filles du Nil »

En ces temps où les droits des minorités sont plus que jamais attaqués, où les talibans ne tolèrent pas la silhouette d’une femme penchée à sa fenêtre, où le sentiment de stupéfaction le dispute à celui d’impuissance, regarder  Les filles du Nil (The Brink of Dreams) peut être un bon remède à l’accablement. Ce qu’il proclame? Que les voies de résistance existent. Que l’art, loin d’être un simple divertissement, peut être le plus beau des viatiques dans un chemin de libération.

Dans ce documentaire qui ne les lâche pas d’une semelle, on suit un groupes de jeunes coptes adeptes du théâtre de rue. Au fin fond de leur village rural du sud de l’Égypte, elles exposent, avec les moyens du bord, leur colère et leur frustration d’être filles dans un univers qui ne leur réserve d’autre avenir que celui d’être épouses et mères. Il y a une fraîcheur très tonique dans ces moments où on les voit bâtir une scène de fortune pour leurs répétitions, faire des improvisations – exquise interview d’une star de la chanson à la Britney Spears-,  s’ armer du premier objet venu  pour en faire un accessoire et toute une histoire. Ce sont des enfants qui jouent, et ce spectacle, en soi, est réjouissant. Mais ce sont aussi des jeunes femmes qui demandent des subventions, postulent dans des écoles de théâtre situées dans la lointaine et inaccessible capitale, et, surtout, ont le courage de présenter leurs saynètes féministes dans la rue. Ces enfants armées de la fougue de la jeunesse et de la force de l’amitié, deviennent les héroïnes d’un véritable « théâtre de l’opprimé ». Les réactions des spectateurs, horrifiées,  amusées, admiratives ou réprobatrices, illustrent à elles seules l’intrépidité de cette bande de troubadour.e.s. Dans le même temps, les face à face avec les parents ou les futurs maris, que la caméra capte au plus près, montrent à quel point l’étau ne cesse de se resserrer sur elles. Ce qui n’empêche pas de laisser parfois affleurer de jolis moments de tendresse père-fille par exemple. Finalement, toutes ou presque sont contraintes de rentrer dans le rang. Mariages, enfants, manifestations d’emprise d’un fiancé peu conscient de sa tyrannie – puisque que toute une société la tolère- égrènent aussi le film. Pas d’optimisme béat donc, mais le portrait respectueux d’une bande de filles aux prises avec un environnement pour le moins étouffant. Le documentaire a remporté l’oeil d’or lors de la Semaine de la Critique. Lors de sa présentation à Cannes, les filles étaient là et c’est un épilogue heureux. Ce jour-là, le monde était à elles. Revenues en Egypte, elles ont été accueillies telles des stars. Il est donc bien vrai que l’art peut être vécu comme la plus belle des résistances. Et l’on se prend à rêver, grâce à ces filles du Nil -Majda Masoud, Haidi Sameh, Myriam Nassar,  Monika Youssef-, que l’art puisse sauver le monde.

Les filles du Nil,

Documentaire, 1h42

En salles le 5 mars

 

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