Connaissez-vous l’axototl ? A moins d’être familier avec les animaux marins, il est probable que beaucoup de gens se laissent avoir par l’apparition de cet être vivant visqueux dans ce drôle de film, pensant qu’il s’agit d’un petit monstre en images de synthèse. Que nenni! il existe. L’axototl se présente comme une sorte de salamandre néotentique, c’est à dire qui reste à vie à l’état larvaire. Fait le plus étrange, il est capable de se régénérer constamment.
La présence de l’axototl dans Poissonsexe n’a rien du gadget, elle est au contraire la raison d’être du film, prolongement psychique du personnage principal, laissant au spectateur le soin d’interpréter à sa guise sa fonction symbolique et métaphorique. Il est clair que l’amphibien fait écho avec la solitude de Daniel, physicien obstiné, travaillant dans un labo dirigé de main de fer par une scientifique ayant perdu un peu de son humanité dans une société où les animaux ont quasiment disparu. Daniel tente, alors que Miranda, l’ultime baleine en vie capte l’attention du monde entier, de redonner au poisson le désir de copuler. Célibataire endurci et dépressif, il est hanté par la paternité et compte bien résoudre le problème en s’inscrivant sur un site de rencontres. Mais les coïncidences sont parfois heureuses : le jour où il sauve l’étrange poisson à pattes, l’axototl donc, sa vie bascule. Il découvre l’amour là où il ne l’attendait pas.
Troisième long métrage d’Olivier Babinet, après Robert Mitchum est mort et Swagger ,documentaire réussi qui connu un vrai succès d’estime à sa sortie en 2016, Poissonssexe s’inscrit dans une veine assumée de la rom-com contemporaine. Les codes de la comédie sentimentale hollywoodienne sont intelligemment réactivés à l’intérieur d’une dystopie décalée et nonchalante, prenant appui sur des thèses très crédibles. La dimension fantaisiste soutient néanmoins une fable écologique qui, même dans le registre de l’anticipation, s’inspire de recherches scientifiques réalistes. A l’intérieur de cette adroite combinaison entre la description d’un futur proche inquiétant et le portrait d’un homme à la recherche de l’amour, Olivier Babinet en profite pour multiplier les saynètes loufoques, les éléments étranges, les dialogues absurdes entre les personnages. La mise en scène, épurée et sophistiquée, rappelant parfois le travail d’un Alex Van Warmerdam, est soutenue par de jolis éclairages aux couleurs chaudes et une musique entêtante mêlant electronica et folk, signée Jean-Benoît Dunckel de Air. L’alternance entre les magnifiques paysages et les intérieurs rétro-futuristes apporte un souffle réel à cette oeuvre au romantisme un peu suranné. La crainte d’assister à un exercice de style arty à l’étrangeté fabriquée est vite balayée par la littéralité du dispositif, la simplicité des enjeux ne perdant jamais de vue le sujet central : la naissance de l’amour symbolisée ici par l’apparition inespérée d’un poisson, unique prototype au monde.
Poissonsexe est un petit film qui fait du bien, modeste et original, totalement habité par l’interprétation touchante de Gustave Kerven, qui trouve son plus beau rôle depuis Dans la cour de Pierre Salvadori. Face à lui, India Hair confirme la sensibilité de son jeu à l’excentricité maîtrisée. Ils forment un couple émouvant et parfois burlesque, suscitant une identification immédiate.
Une jolie réussite.
(FRA/BEL-2019) de Olivier Rabinet avec Gustave Kerven, India Hair, Ellen Dorrit Petersen
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