Programme courts – « Wolfy et les loups en délire ! »

« Qui a peur du grand méchant loup ? » chantaient porcinement les petits cochons du conte.
Tous les enfants, voudrait-on répondre, qui passent vers un âge douloureux au creux de ces peurs séculaires (qui ravirent Freud à son époque), qu’ils soient campagnards ou citadins.

On ne peut alors qu’applaudir des deux mains quand un programme jeunesse vient s’attaquer à cette tranche d’âge si étrange de 2-3 ans, où on est plus tout à fait un bébé, mais pas encore un « grand », qui plus est quand ledit programme vient s’amuser, avec poésie, à attaquer cette peur de loup.

Bienvenue donc chez « Wolfy ! et les loups en délire » (étrange titre complètement raté), succession de six courts-métrages pour touts-petits, et déjà en salles pour notre plus grand plaisir.

Si on démarre en douceur, poésie et papier découpé, avec un étrange loup boule (« Le loup boule », réalisé et écrit par Marion Jamault) qui, c’est ballot, n’a pas de dents et donc bien la dalle et trouvera dans sa bizarre physionomie le moyen de se sustenter avec humour, et si on continue l’introduction avec un plutôt sympathique mais très dispensable et assez laid « Je suis un loup », anecdotique variation sur les contes et attendus qui voit un jeune loup gavé des clichés imaginer sa propre histoire jusqu’à une farandole -qu’un rythme catatonique vient toutefois gâcher-, on rentre en fait dans le vif du sujet avec la série des quatre Wolfy, courts norvégiens réalisés par Natalia Malykina autour de ses propres poèmes des quatre saisons.

Immédiatement saisis par le plaisir auditif d’une narration en vers (et traduite à merveille par la traduction française, il faut le souligner), on plonge avec délice, petits comme grands, dans une poésie bucolique et douce, mélange de naïf crayons de couleurs et de 3D, qui voit tour à tour le jeune loup gris affronter un étrange objet (qui se révélera être un livre, le seul à même d’imaginer le printemps au cœur de l’hiver dans le bien nommé « un songe en hiver »), chevaucher les glaces qui s’écoulent à la fonte des neige (« Le navire de glace au printemps », peut-être le plus mou des quatre), recevoir le plus disparate et beau gâteau d’anniversaire (« Fête d’une nuit d’été », le plus joli de tous) ou rêver à voler avec les oiseaux qui quittent la forêt vers le sud (« Vol d’automne »).

Et si, dans Fête d’une nuit d’été, les amis de Wolfy prélèvent un panier plein d’étoiles qu’ils redisposent dans le ciel, on ne trouverait meilleure métaphore à cette touchante bien que boiteuse balade : odes à l’environnement et aux traditions, au temps qui passe et à l’entraide, bercés autant par un récit tout aussi pastoral que musical (chacun des courts possède un moment de musique traditionnelle), assumant avec brio son travail sur le verbe et la métaphore à un âge où on aurait tendance à mépriser les capacités des touts-petits, le programme parvient à l’essentiel. Celui de faire rêver et de célébrer l’imaginaire.

Et dans ses réussites comme ses limites (une animation parfois chancelante voire moche, un rythme un peu batard qui parfois fait décrocher les plus jeunes et une narration qui impose de ne pas développer les personnages), Wolfy nous transporte, le temps de moins d’une heure, à la manière de ces livres un peu datés mais percés de souvenirs, dans une pureté loin du tumulte du monde, et apprend aux petits à chérir ce qui sera, au fond les plus grands enjeux des générations à venir. La nature, l’imaginaire et l’amitié : on a vu pire pilier pour une première expérience de cinéma.

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A propos de Jean-Nicolas Schoeser

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