Méconnue et pourtant essentielle, la trilogie Bill Douglas fait partie des grandes œuvres cinématographiques anglaises de la période qui va des années 60 à 80, et trouve une place, légitime, entre le cinéma engagé d’Alan Clarke ou de Ken Loach, et le Free Cinéma, alors florissant, d’une poignée d’individus aussi divers que Lindsay Anderson, Karel Reisz ou John Schlesinger. Pour autant, cette trilogie, réalisation quasi-unique du cinéaste, reste une œuvre singulière qui ne saurait être réduite ni à l’une ni à l’autre des étiquettes. Le cinéma de Bill Douglas se situe dans une sorte de hors temps poétique, réminiscent et douloureux, et se découpe en tableaux, telles les vignettes fascinantes d’un vieil film expressionniste muet. Comme le titre de chaque métrage l’indique sans détour, il s’agit d’un récit à la première personne. Bill Douglas y évoque sa propre enfance, vécue dans des conditions de grande pauvreté et de carence affective.
Si la trilogie commence par une série d’épisodes d’une grande noirceur, elle est aussi une formidable ode à la vie et à la force de volonté. Dès le deuxième épisode My Ain Folk, ce sont deux éclaircies presque irréelles qui vont revitaliser les personnages : l’irruption d’un bout de film en couleur et ses reflets sur le visage émerveillé des enfants, un noël à l’orphelinat avec le tintamarre des harmonicas offerts aux enfants. Ombrageux et solitaire, Jamie s’éclipse du concert collectif pour emboutir maladroitement, à la force d’un clou et d’un talon de chaussure, son prénom sur le capot de l’instrument. Les trois films regorgent de ces scénettes éloquentes, lumineuses et mélancoliques, qui nous aident à ressentir les états émotionnels et transitoires du garçon. La syntaxe cinématographique, très épurée, privilégie les champs et les contrechamps, les effets de cadre, d’espace et de montage. Jamie, scruté par la caméra, est toujours pris entre deux aspirations contradictoires, s’échapper du cadre ou l’occuper, pour en finir avec ce sentiment d’être étranger au monde. C’est avec les moyens très visuels du cinéma que Bill Douglas se raconte, montrant plus qu’il ne dit : succession de situations, de portraits, infinie délicatesse d’observation. Le long des trois films, c’est la sensibilité de Jamie qui se réveille, avec pour point culminant, les surexpositions finales lors du service militaire en Egypte.
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