Avec « Le Soleil brille pour tout le monde », Ford dresse le portrait d’une petite ville du Kentucky, saisie dans les derniers jours d’une campagne électorale. Le juge Priest, un vieil vétéran sudiste, cherche à se faire réélire mais se met en situation délicate en prenant position dans une série de conflits. « Le Soleil brille… » est une célébration amusée du vieil sud déclinant et des petites communautés humaines « d’antan », administrées avec souplesse, de proche en proche. Ford y plaide la tolérance, dénonçant tour à tour le racisme du sud rural et l’hypocrisie de la bourgeoisie provinciale. Le cynisme politicien n’est pas en reste, surtout dans le clan Yankee, avec un candidat caricaturalement opportuniste. « Le Soleil brille… » est une sorte de fresque nonchalante sous-tendue par le suspense électoral, qui se grossit d’une multitude de personnages et d’histoires entremêlées. Au fil de la dramaturgie, savante mais discrète, l’humour cède le pas à des émotions imprévisibles, plus graves et touchantes. Malgré le progressisme de Ford (finalement très avance sur son temps), on a pu critiquer le réalisateur pour son amour un peu réactionnaire du vieux sud, le paternalisme blanc qu’il montrait sous un jour flatteur ou les stéréotypes raciaux qu’il perpétuait. Néanmoins, ces points de polémique, assez secondaires, n’enlèvent rien à ce « Ford » très accompli, d’une narration riche et complexe.
Le générique s’ouvre sur un cliché pittoresque : sur un ponton, un grand noir simplet s’ébahit devant l’arrivée d’un bateau à aubes. Surpris par le son de clairon, il se précipite en catastrophe chez son maître qui l’appelle. C’est le juge Priest en bonnet et chemise de nuit qui attend son indispensable rasade matinale ; sans cette goulée d’alcool de contrebande, impossible pour lui de redémarrer son vieil cœur. Priest est un juge un peu roublard, qui brigue un nouveau mandat contre un adversaire plus jeune, l’ambitieux Horace K. Maydew. Le début du film, au seuil de la parodie, épouse un rythme désinvolte, au diapason de la petite ville et de ses habitants alanguis. Ford narre les mœurs relâchées de cette petite société d’anciens confédérés, un groupe de sympathiques chenapans adeptes de la cruche à whisky, qui apparaît comme le vestige d’une époque dépassée. Mais on l’apprendra vite, en dépit de ses défauts, Priest est un homme d’une grande intégrité, c’est surtout un pilier essentiel pour le fonctionnement de la communauté. Il gère aussi bien les affaires privées les plus délicates que les cabales répétées à l’encontre des minorités réprouvées ; tels ce jeune noir accusé à tort du viol d’une blanche, ou cette prostituée décédée, à qui l’on refuse un sermon funéraire.
Sortie le 18 juin 2014 – copie numérique
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