Amadeo et sa sœur Ophelia ont hérité d’un immeuble vétuste en plein cœur de Rome. Contraints de vivre ensemble, ils ne se supportent plus et ont hâte de vendre ledit immeuble à un promoteur, afin d’accéder à la richesse et à la liberté. Il leur faut, préalablement, expulser les derniers locataires, au nombre de six. Les choses se précipitent lorsqu’ils découvrent l’assassinat de leur chat.
Cette satire semble emprunter autant au Chat (Pierre Granier-Deferre, 1971), dans sa peinture d’une sorte de vieux couple haineux, encagé dans un appartement avec un félin, qu’à Fenêtre sur cour (Alfred Hitchcock, 1954), Amadeo s’adonnant avec ferveur au voyeurisme et espionnant à longueur de journée le microcosme de son immeuble, avec ses jumelles et un appareil photographique. Si le petit chien du film d’Hitchcock était éliminé car il manifestait bruyamment la découverte d’un cadavre, le chat, ici, semble le témoin silencieux de la perversion qui règne dans cet immeuble et, de manière générale, dans l’Italie de la fin des années 1970. En effet, on découvre rapidement que les six derniers occupants de l’immeuble ont tous leurs secrets ; la comtesse et son club d’échecs abrite en réalité une maison close, les musiciens de musique de chambre s’avèrent être des négociants en cocaïne, ce dont ils se défendent en répliquant : « Nous ne sommes pas des criminels, seulement des artistes ratés. »
Très vite, le film prend les allures d’un règlement de compte généralisé : tous autant qu’ils sont, membres du clergé ou de la noblesse, journalistes ou artistes, tous sont mauvais et n’aspirent qu’au profit financier, qu’importe la morale. Ils apparaissent bientôt aussi laids que la fratrie, qui pour sa part est frontalement grotesque, Amadeo passant son temps avec des bigoudis dans les cheveux afin de parfaire sa chevelure bouclée, Ophelia à harceler les occupants de lettres anonymes et à lire de mauvais romans policiers dont son frère dévore littéralement les dernières pages, afin de lui en cacher la fin. Ce qui ne l’empêche pas, forte de cette expertise criminelle, de déceler bientôt la vérité du mensonge et de concrétiser un fantasme : la culpabilité qu’elle prêtait aux occupants de l’immeuble s’avère fondée. Dans Fenêtre sur cour, Jeffrey Jeffries, terrassé par l’ennui, n’en espérait pas moins. Rien d’innocent non plus à ce qu’Ophelia aille enterrer son chat dans le parterre de fleurs au centre de la cour, puis l’en déterre – c’est exactement le mouvement d’aller-retour qu’imposait l’assassin à la dépouille de sa femme dans le film de Hitchcock. Qu’importe, dès lors, la résolution des énigmes ; ce qui compte, c’est la satisfaction donnée aux instincts voyeuristes du spectateur et, en cela, Comencini ne démérite pas. Outre les décors, riches et soignés, la joviale partition d’Ennio Morricone et, bien évidemment, les interprètes : Ugo Tognazzi, Mariangela Melato (actrice fétiche de Lina Wertmuller), Michel Galabru, ce que l’on voit, dans Qui a tué le chat ?, c’est autant Dalila Di Lazzaro, aussi prompte à se dénuder que dans Chair pour Frankenstein (Paul Morrissey et Antonio Margheriti, 1973), qu’une peinture cruelle et grotesque de l’Italie à l’heure où la voracité pécuniaire a pris le pas sous toute autre forme de rapports humains.
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