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Pour son film, Valerio Zurlini a trouvé une perle solaire en la personne de Claudia Cardinale.

Celle-ci incarne Aida, jeune femme venant manifestement d’un milieu modeste, ayant des aspirations artistiques, mais peinant à réussir professionnellement. Aida est d’une grande beauté, elle ébahit les hommes qu’elle croise, mais ceux-ci la bringuebalent à leur guise, la manipulent, la rudoient.
Aida manque de culture, a quelque chose de fondamentalement naïf. Sa condition, sa situation l’obligent à passer par les fourches caudines du pouvoir masculin. Elle se rebelle pourtant ; elle est rétive, farouche. Elle a le sens de la dignité. Mais elle ne peut s’empêcher de profiter de ses atouts, d’être attirée par ce qui étincèle.
Le personnage est complexe, contradictoire ; son parcours est sinueux, il a quelque chose d’un cercle vicieux.

Claudia Cardinale glisse avec une agilité déconcertante des larges sourires aux moues enfantines, joue à merveille de ses charmes à la fois candides et vénéneux qui collent si bien à ceux de son personnage. Elle a le dynamisme de la jeunesse fébrile. Dans La Fille à la valise, son côté BB méridionale se ressent fortement.

© Les Films du Camélia

Aida fait la connaissance de Lorenzo, chargé par son frère Marcello d’éconduire la jeune femme dont il a abusé ; à qui il a promis monts et merveilles, qu’il a abandonnée lâchement, mais qui veut retrouver sa trace.
Lorenzo est émerveillé par Aida, il en tombe amoureux. Aida l’accepte comme ami et essaie d’obtenir de lui l’argent dont elle a besoin pour continuer ses recherches et donc vivre quelque temps dans un hôtel. Elle a effectivement échoué à Parme avec sa valise, Marcello l’ayant emmenée dans sa voiture depuis Riccione, ville de la côte Adriatique – ce bagage est le symbole métonymique de l’instabilité existentielle de l’héroïne. Lorenzo et Marcello sont fils d’une famille extrêmement riche, ils vivent dans une villa aux allures de château. Ils sont orphelins de mère et la tante qui gère la luxueuse demeure est une femme autoritaire, froide.
Mais Aida, elle, ne semble pas éprise de Lorenzo, ou ne veut pas répondre à ses coups de cœur. On le comprend assez vite même si ce n’est pas d’emblée explicitement dit : Lorenzo est encore adolescent, il a 16 ans. Le film raconte peut-être son premier grand émoi et permet de comprendre les raisons de la distance entretenue par Aida, qui, elle, a dépassé les vingt ans.

Finalement, les deux protagonistes vont se rapprocher, Aida se rendant compte que Lorenzo est le seul représentant de la gent masculine qu’elle connaît qui est sincère, encore pur. On notera à ce propos que les vêtements portés par le jeune homme brillent par leur blancheur. À un moment du film, une bagarre éclate en l’adolescent et un homme qui cherche à profiter d’Aida. La tête un peu sournoise de celui-ci se marie bien avec son pull noir.

Y a-t-il union charnelle entre Lorenzo et Aida en cet espace symbolique qu’est une plage donnant sur l’Adriatique où ils se retrouvent vers la fin du récit – la jeune femme jouant un double rôle : celui d’une mère et d’une initiatrice aux choses de l’amour ? On ne le saura pas. Mais ce qui est sûr c’est que le rapprochement sera sans lendemain. Les chemins des deux personnages se séparent.

En quittant Aida, Lorenzo lui remet une enveloppe. Le contenu de celle-ci traduit à la fois la distance incommensurable qui sépare les deux protagonistes du fait de la classe sociale à laquelle chacun appartient, et montre que, finalement, Aida n’est jamais et par personne traitée comme autre chose qu’une femme rétribuée pour ses services.

© Les Films du Camélia

Valerio Zurlini signe un film plein de délicatesse, pudique, qui radiographie avec justesse l’Italie des années cinquante-soixante – on notera la bande-son très riche, en partie composée de chansons d’époque (1) – tout en en dénonçant les travers avec amertume.
Il arrive à tirer le meilleur non seulement de Claudia Cardinale, mais aussi de Jacques Perrin qui incarne Lorenzo. Un garçon au visage fade mais dont les regards valent tous les discours.
La Fille à la valise fait partie d’une « trilogie » dite de l’ « Adriatique », traversée par la thématique de la « lancinante (…) mort de la jeunesse » – la formule est de Christian Viviani (2). Les deux autres films la composant sont Été violent (1959) et Journal intime (1962). Il peut aussi très bien être associé avec les œuvres d’Antonio Pietrangeli mettant en scène des demoiselles malmenées comme Je la connaissais bien (1965) et ceux d’Alberto Lattuada comme Guendalina (1957). Guendalina a d’ailleurs été co-scénarisé par Valerio Zurlini et celui-ci espérait pouvoir le réaliser, ce que les producteurs n’ont pas souhaité.

Notes :

1) Valerio Zurlini fait entendre aussi un extrait d’Aida, l’opéra de Giuseppe Verdi. Et il utilise comme leitmotiv entêtant une musique pour clavecin du célèbre compositeur Mario Nascimbene (1913-2002).
2) Dictionnaire du cinéma italien, Encyclopædia Universalis, France, 2019.

© Les Films du Camélia

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