Les aventures rocambolesques des hommes musclés en jupette sont le parent pauvre de l’édition physique depuis le passage au Blu-ray. Car hormis le plutôt classieux Ulysse de Mario Camerini avec Kirk Douglas et Messaline de Vittorio Cottafavi, sortis respectivement chez Canal + Vidéo et Rimini, seul les courageux Artus continuent à exhumer des péplums italiens, genre qui n’intéresse plus vraiment personne mais qui continue de fasciner une poignée de cinéphiles déviants et/ou nostalgiques. Et soyons honnêtes ce n’est pas la sortie de Gladiator 2 qui va aiguiser la curiosité d’un public abreuvé d’images de synthèses et de carnages filmés au ralenti sur la musique de Hans Zimmer. Persée l’invisible appartient à la catégorie des péplums nourris de vieilles légendes et d’incursions surnaturelles, prenant des libertés fantaisistes avec la réalité historique, et encore c’est un euphémisme. Les auteurs se moquent royalement d’une potentielle crédibilité, puisant des personnages et des créatures issus d’une mythologie existante pour offrir un divertissement coloré et innocent, qui en son temps, attirait le public dans les salles, très friand de ce type de spectacle.
La dimension fauchée de ce film réalisé en 1963, à l’apogée du genre avant d’être supplanté l’année suivante par le western, et les années passées n’entachent par le plaisir de déguster ce que les plus indulgents considèrent comme une bisserie naïve au charme suranné, jamais ennuyeuse grâce à ses nombreuses péripéties et à son rythme dynamique. A l’heure des récits complexes promus par les séries du type Rome ou Game of Thrones, pour rester sur des univers similaires, il est presque rafraichissant de suivre une histoire au scénario aussi simpliste et surtout littéral, ne laissant jamais planer le moindre mystère ni suspense, comme si ces éléments, nécessaires pour créer des climax tendus, n’avaient aucune nécessité. Tous les enjeux sont exposés en deux minutes par un personnage qui prend bien soin de tout nous expliquer, facilité d’écriture qui prête à sourire.
Dans la Grèce antique, celle de Hercule et Ulysse aux abonnés absents, certainement en train d’effectuer quelques missions besogneuses, la cité d’Argos est victime d’un Coup d’État organisé par le très vilain Acrisios, assisté de son complice Galenore, tout aussi cruel, tous deux reconnaissables par leur regard sadique et le fait qu’ils portent une moustache noire et un collier de barbe, signes distinctifs des fourbes dans les productions de l’époque. Le jeune et beau Persée est l’héritier du trône bien qu’il l’ignore. Sa vraie mère demeure la femme d’Acrisios, mariée de force après la mort de son époux, père de Persée. Bon ça à l’air compliqué énoncé comme ça mais c’est très simple. Ensuite, voilà, Persée tombe amoureux de la princesse andromède fille du roi d’Argos, va affronter les méchants, et entre temps, clou du spectacle combattre un dragon bizarre et Méduse, la gorgone qui ressemble à … pas grand-chose. On dirait un Dalek noir sorti d’une série japonaise type Spectreman à tête de poulpe en caoutchouc avec des serpents sur la tête qui s’agite mollement. Cette monstruosité douteuse mais jubilatoire à admirer pour son côté cheap est commise par Carlo Rambaldi, le futur créateur d’E.T et des effets spéciaux de Possession ou encore le King Kong de John Guillermin. Cette chose qui transforme quiconque croise son regard en hommes de pierre ne peut concurrencer le très jolie – sans cynisme – dragon rampant qui sort de l’eau et ne crache pas la moindre flamme (sauf dans la version espagnole où des effets colorés totalement ringards sont rajoutés en surimpression). Sans ces deux créatures mythologiques, le film ne serait pas ce qu’il est, soit un savoureux péplum désuet à l’imagination débordante, mis en scène avec soin par un des meilleurs artisans du bis italien, Alberto De Martino, qui possède une jolie carrière avec quelques films forts réussis comme L’Antéchrist, Holocaust 2000 ou encore les très bons poliziotescos, Le Conseiller et Spécial Magnum. La beauté des paysages servie par une photographie éclatante parvient à masquer la pauvreté de certains décors et le manque de figurants de cette petite production qui se situe dans la bonne moyenne du genre, certes inférieur aux classiques de Ricardo Freda, Antonio Margheriti ou Vittorio Cottafavi mais au-dessus de certaines bandes fauchées qui brillent par leur absence d’excentricité.
Tout en biceps et blondeur éclatante, Richard Harrison s’en sort plutôt bien dans le rôle de Persée, aussi inexpressif quand il doit jouer la comédie que très à l’aise lorsqu’il doit sauter, bondir, monter à cheval, manier les arcs et se farcir les antagonistes. Ana Ranalli est très jolie et joue mieux que son partenaire. Si vous êtes friand d’un certain cinéma de quartier à l’ancienne, confectionné sans prétention ni second degré, alors Percée l’invincible est pour vous, si vous le visionnez avec le regard amusé d’un adulte ayant gardé un pied dans l’enfance, petit pas de côté essentiel à notre époque. Présenté dans son montage italien (préférable) et espagnol, le combo Blu-Ray/DVD est accompagné d’un bonus passionné de Curd Ridel et d’un livret instructif de 32 pages du spécialiste des péplums Michel Eloy intitulé « Persée, Méduse et Andromède ».
Sortie Blu-Ray/DVD chez Artus
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