En juillet dernier, deux films du réalisateur italien Alberto Lattuada sont sortis dans les salles : Guendalina (1957) et Les Adolescentes (1960). Nous avions parlé du second (ICI). Leur publication récente en DVD-BR, chez Tamasa, nous donne l’occasion d’évoquer aujourd’hui le premier.
Guendalina, qui a 15 ans, est en villégiature à Viareggio, ville balnéaire de Toscane, avec ses parents. Elle découvre ce que nous appellerons les élans du cœur avec une certaine ingénuité – étymologiquement, son prénom renvoie à la blancheur, à la pureté. Elle éconduit d’ailleurs un garçon nommé Gianluca qui est un peu trop entreprenant à son goût. Suite au départ de celui-ci pour Livourne, elle se lie d’amitié avec Oberdan, fils d’un maître-nageur anarchiste qui a peut-être donné ce prénom à son fils en référence à Oberdan Gigli.
Si le jeune homme est d’extraction modeste et habite Viareggio, Guendalina appartient à une famille riche résidant à Milan, le grand centre italien de l’industrie et des affaires.
Outre l’âge et le tempérament de Guendalina, c’est peut-être cette différence de classe qui explique la distance pudique, mais aussi capricieuse et un peu hautaine, qu’elle entretient avec Oberdan. La mère de l’adolescente, de son côté, voit celui-ci d’un très mauvais œil.
Oberdan patiente, mais il est manifestement frustré. Un soir, il rejoint des amis pour passer un moment avec des prostituées.
Finalement, Guendalina se libère. Elle échange baisers et mots d’amour avec le garçon qu’elle a appris à connaître et dont elle admire la sincérité (1). Peut-être trouve-t-elle en lui le moyen positif de supporter la séparation de ses parents, de pallier l’absence de son père. La mère n’acceptait plus les infidélités de son mari. Celui-ci s’est installé à Londres. Tout se passe très froidement entre eux, des avocats s’occupant des procédures de divorce.
De son côté, le jeune homme trouve lui aussi – en Guendalina – quelqu’un pour combler l’absence éprouvante de son propre père, décédé quelques années auparavant.
L’imperméable d’Oberdan, qui se retrouve entre les mains de Guendalina et que le jeune homme a le plus grand mal à récupérer, symbolise l’attachement entre les deux adolescents. Les histoires ne se ressemblent pas, mais nous ne pouvons nous empêcher de nous souvenir qu’Alberto Lattuada a adapté en 1952 Le Manteau de Nicolas Gogol.
Au moment où Guendalina et Oberdan se déclarent ouvertement leur flamme, un coup d’épée est porté à la jeune fille. Elle est fauchée dans son élan. Les parents ont finalement décidé de rester ensemble. La mère va donc s’installer à Londres avec sa fille. Celle-ci ne peut échapper à sa condition et aux diktats de ses géniteurs. Le conte est d’autant plus cruel que le père n’a manifestement aucune intention de calmer ses ardeurs de coureur de jupons. L’hypocrisie des adultes s’oppose à la candeur et à la bonté des tourtereaux, les écrase.
On peut imaginer que Francesca, la protagoniste des Adolescentes qui est âgée de 17 ans, est une Guendalina qui a grandi, mûri, qui vit encore des désillusions, mais qui est davantage maîtresse de sa vie, de son destin. Les deux films sont complémentaires.
Les hommes que les deux jouvencelles fréquentent sont d’ailleurs architectes. Alberto Lattuada a lui-même fait des études d’architecture et est sorti diplômé de la Faculté de Milan.
Le cinéaste est l’observateur délicat et l’accoucheur attentionné de ses héroïnes dont il décrit l’épanouissement affectif, sensuel et libidinal, le parcours personnel prometteur, mais douloureux, dans l’Italie des années cinquante et soixante.
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Note :
1) Guendalina finit par entendre Oberdan. Elle est un peu comme Nini, la toute jeune nièce du jeune homme, qui a des problèmes auditifs. Nini va pouvoir être soignée grâce à un petit appareil médical que le frère vient chercher à Pise et qui est, à ce moment-là, ce n’est pas un hasard, accompagné par l’héroïne. L’épisode de Pise marque un tournant dans les relations entre Oberdan et Guendalina.
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Le bonus :
Le film est accompagné par un bonus dans lequel Jean-François Rauger, critique de cinéma et directeur de la programmation à la Cinémathèque Française, présente Alberto Lattuada, Valerio Zurlini, le cinéaste qui a écrit le scénario du film, Jacqueline Sassard, l’actrice qui incarne Guendalina. Et, bien sûr, le personnage lui-même, à propos duquel il a des mots justes et beaux. Il explique notamment que la protagoniste assiste à la « décomposition douce » de la cellule familiale en un film sur le « désenchantement ». Que Lattuada représente à travers elle la « dimension érotique de l’innocence ». Il souligne avec raison la « beauté [filmiquement] sensuelle » des paysages – la Perle de la Tyrrhénienne et Pise.
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