Bonne nouvelle chez Artus, on revient au western européen en combo DVD/Blu ray enrichissant sa collection de deux nouveaux titres, le méconnu Calibre 38 et le tardif California, démontrant la diversité éclatante du genre, n’en déplaise aux détracteurs pour qui les italiens peuvent à la rigueur d’honorables contrefaçons et non réaliser de grands films, privilège réservé aux seuls américains.
Calibre 32 se présente comme un film mineur, ne jouissant pas d’une réputation flatteuse, étant juste mentionné dans l’ouvrage indispensable de Jean-François Giré consacré au western européen. Et pourtant il s’agit d’une excellente surprise, prenant à revers le spectateur. Pourtant, Alfonso Brescia, en artisan-mercenaire du cinéma populaire italien, ne brille pas par une filmographie exemplaire. Mais en creusant un peu sur les 50 films réalisés en une trentaine d’années, certains titres méritent d’être vus et même réévalués, à l’instar de son giallo de machination Un joli corps qu’il faut tuer, Un fusil pour deux colts ou encore le très curieux Furie au Missouri dans lequel on retrouve l’excellent acteur allemand Peter De Lawrence. Ce dernier est également le héros de Calibre 32. Il y incarne l’élégant chasseur de prime Silver, également coureur de femme et joueur émérite de poker, engagé par des notables et banquiers d’une petite ville de l’Ouest, victimes de cambriolage régulier. Le distingué Silver, qui insiste pour qu’on l’appelle Monsieur, a pour mission de retrouver les bandits, morts ou vivants. Seul problème, personne n’a jamais vu leurs visages et plus ennuyeux encore ils ne se connaissent pas entre eux, restant toujours masqués. Cette idée astucieuse du récit n’est pas complètement novatrice puisqu’elle a déjà servi de base pour l’excellent film noir de Phil Karlson, Le Quatrième homme. Mais peu importe, l’idée est là et habilement intégré dans une histoire très bien construite, ce qui en général n’est pas le point fort des westerns italiens.
S’écartant des traditionnelles histoires de vengeance, le scénario prend des allures d’enquête policière décontractée et ludique, disséminant les indices au compte-goutte et multipliant les rebondissements, même si les plus perspicaces trouveront l’identité des coupables sans trop se creuser les méninges. Sorte de héros léonien, cynique et intelligent, la côté gentleman en bonus, Silver promène sa silhouette classe avec beaucoup de prestance. La pertinence des seconds rôles, tous bien campés, est une autre raison de ne pas bouder son plaisir devant ce western divertissant et nerveux, utilisant à merveille un décor pourtant confiné, puisqu’on ne quitte jamais la petite bourgade. Tourné en 1967, en plein âge d’or du genre, Calibre 38 s’inscrit dans une bonne moyenne grâce aussi à l’étonnante sobriété de la mise en scène au service du scénario.
Un petit saut dans le temps. On se retrouve en 1977. Le western est à l’agonie aussi bien en Europe qu’en terre Etats-Uniennes. Ne reste qu’une petite poignée de films tentant de raviver la flamme. Alors que le genre avait sombré dans la parodie au grand désespoir des fans, quelques films, trop peu nombreux hélas, vont redonner un petit espoir. Aussi excellents soient-ils, Mananja, Keoma ou 4 de l’apocalypse prennent davantage des allures de chant du cygne que l’envie de relancer la machine. Adios california se situe dans le même contexte, western « crépusculaire » où l’on se vautre dans la boue et la violence à la fin de la guerre de sécession. Deux anciens soldats sudistes, Willie Preston et California, se lient d’amitié. Mais Willie est abattu par des chasseurs de prime, sans aucune once d’équité, sur le chemin le ramenant chez lui. California décide alors d’aller chez les parents de son compère pour leur remettre la médaille gagnée par Willie au champ d’honneur. Il se lie d’amitié avec eux et tombe même amoureux de la sœur de Willie. Mais les tueurs chargés d’éliminer les anciens confédérés ne vont pas tarder à menacer sa vie… Retrouver Michele Lupo pour qui ne connait que superficiellement sa filmographie se révèlent étonnant tant Adios California est marqué par une certaine âpreté, une vision sans concession de la vie des soldats engagés ou des braves gens tentant de survivre dans un état marqué par la pauvreté. Très éloigné du rêve américain et d’une vision idyllique de l’Ouest, cette dimension sociale, mélancolique et réaliste, a rarement été abordé avec autant de justesse dans un western italien.
Si le cinéaste est connu pour certaines gaudrioles avec Bud Spencer ou encore le très sympathique Africa express, il a aussi réalisé deux excellents polars, L’homme aux nerfs d’acier et Un homme à respecter, ainsi qu’un poignée de westerns remarquables dont Arizona Colt et Méfie-toi Ben, Charlie veut ta peau, avec également Giuliano Gemma, dans lesquels il parvient à infuser une sensibilité un peu à part, un humanisme assez rare dans un genre résolument baroque et cynique. Malgré quelques références à Sam Peckinpah, lors de scènes de gunfight très bien orchestrées, la mise en scène impeccable verse dans un classicisme en accord avec le sujet et les thèmes abordés. Saupoudré de quelques ruptures de tons bienvenues et d’une romance crédible, California bénéficie aussi de la splendide photographie d’Alejandro Ulloa et la présence charismatique et très investi de Giuliano Gemma qui ne dit pas encore tout à fait adieu au western puisqu’on le retrouvera l’année suivante dans Selle d’Argent de Lucio Fulci.
Disponibles dans de superbes copies aux couleurs éclatantes, les deux films, également présentés par Curd Ridel, peu avare en anecdotes et informations diverses le plus souvent captivantes, bénéficient de copies somptueuses, d’autant plus précieuses qu’il s’agit bien d’authentiques raretés.
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