Avec 40 ans de retard, Belladonna eut l’honneur d’une sortie salles permettant ainsi aux spectateurs français de découvrir il y a deux ans ce chef-d’oeuvre culte, féministe, érotique, pop et expérimental. Troisième volet de la série de long-métrages pour adultes Animerama (anime + cinerama + drama) produite par Mushi Productions, la société du “dieu du manga” Osamu Tezuka, il en était aussi clairement le meilleur, ce qui ne minimise pas pour autant la qualité des deux autres. La curiosité était aiguisée, mais qu’en était-il des 1001 nuits et de Cleopatra, de leur manière de revisiter mythes et légendes, et quand pourrait-on enfin les voir ? Eurozoom exauce nos souhaits en sortant les deux opus dans un coffret blu-ray et dvd.
De fait, le style y est aux antipodes de la splendeur radicale que nous offrait la descente aux enfers de la femme sorcière. Avant d’offrir à Eichi Yamamoto une totale liberté sur le troisième volet, c’est Tezuka lui-même qui laisse ici libre cours à son imagination, mêlant conte, parodie et érotisme. A la fois dans la distance ironique et le désir d’ouverture vers le public plus large, le mangaka fait de nombreuses allusions à la culture asiatique et occidentale de la plus littéraire à la plus populaire. On retrouvera cet élément dans Belladonna (adaptation de La Sorcière de Michelet), mais dénué de toute tentation de pastiche. Loin du mot « tristesse » accrochée à Belladonna, nous sommes ici dans un ton d’une légèreté folle, exubérante, truculente, dans une forme de paillardise assumée que vient soutenir le graphisme très coloré, graphiquement si proche des mangas de Tezuka, à l’esthétique tant identifiable. Mille et une nuits (1969) et Cleopatra (1970) annoncent presque le Fritz the Cat (1972) de Ralph Bakshi, avec ce même sens du chaos orgiaque. L’inventivité d’Eichi Yamamoto ne reste pas absente pour autant : il tente déjà l’expérimentation formelle, en particulier dans les transitions visuelles et une folie du montage. Il les poussera à leur comble quelques années plus tard.
La liberté salvatrice de l’ensemble frappe, lorsque que dans Cleopatra l’univers du péplum s’entremêle à celui de la SF, que le conte de fées s’enhardit, que le comique le plus trivial est rejoint par le mélodrame. Cette manière de jouer avec les sens du spectateur , de le stimuler puis de l’émouvoir, puis de repasser dans la veine la plus comique constitue sans doute ce qu’il y a de meilleur et de plus singulier dans ces long-métrages, qui bien plus que de simples curiosités s’avèrent être de vraies réussites.
Cleopatra et Mille et une nuits de Eichi Yamamoto
Format : Couleur, Cinémascope Audio : Japonais (DTS-HD 2.0), Français Sous-titres : Français Format : 2.35:1 Durée : 112 minutes
DVD et Blu-Ray sortis chez Eurozoom
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