Entre fable et didactisme, Ari Folman peine à prendre une direction bien claire avec The Congress, un film follement ambitieux mais qui se vit au final plus comme un grand amas d’intentions.
Au moins peut-on louer au réalisateur la volonté de porter sur d’autres frontières son rapport entre animation et « images photographiques », après un Valse avec Baschir qui transcendait documentaire et fiction, tout en assumant justement le didactisme du traitement et de sa montée en puissance émotionnelle. The Congress suit une route bien moins bornée dans son parcours global, ce qui donne des moments d’inconnus et d’émotions non négligeables, mais aussi de franches lourdeurs tant le cinéaste reste soucieux de tenir un propos assénant.
Dans sa vision à la fois colorée et crépusculaire du cinéma contemporain et futur, Folman renvoie surtout ici à l’exercice récent d’Holy Motors de Carax, dont il est un cousin très proche avec son actrice totale et au service du désir multiforme des autres, ainsi que dans sa vision des nouvelles technologies comme la performance capture, et par là, une certaine peur de l’immatériel. Un propos discutable sur certain points et excessivement mélancolique peut-être, mais au-delà ce qui fait que ça marche moins ici, c’est évidemment toute cette dimension démonstrative et donneuse de leçon qui se substitue souvent à la poésie. La première partie « live » a ses bons côtés : l’étrangeté de l’habitation de Robin Wright située près d’un aéroport, ce rapport mère-fils en embryon et cette grande séquence de scannage où le cinéaste offre à Harvey Keitel un puissant monologue (qui est pour ce grand acteur l’occasion de nous offrir à nouveau un moment de bravoure intense). Mais il faut aussi subir un traitement de studio Hollywoodien plus caricatural que celui de Qui veut la peau de Roger Rabbit et un Danny Huston en roue libre… Que l’on songe à l’hollywood surréel et déjà cauchemardesque dans son rapport à l’acteur d’un Robert Mulligan dans Inside Daisy Clover, et on se rendra compte finalement à quel point Folman ranime ici de vieilles lunes avec un talent modéré.
La seconde partie et sa plongée dans l’animation est la plus débridée et la plus libre, encore que là encore, on ne sait pas si cela tient d’une difficulté pour le cinéaste à cadrer son sujet au-delà d’une grosse colère. De fait, le traitement mi second live / mi Merrie Melodies années 30 du graphisme a ses atouts et ses limites… Tout d’abord il est immédiatement oppressant, très explicite d’un certain épuisement de l’imaginaire en mettant en rapport cette esthétique surannée avec des thématiques cyber-punk très poussée. Le plus convaincant est sans doute le traitement de l’héroïne, sa désincarnation et toute les expérimentations sur le ressenti de son âge, ce passage du temps émouvant. Mais le carnaval en lui-même est souvent bien rigide et unilatéral, qu’on compare à ce qu’un Satoshi Kon à pu effectuer dans Paprika. La mise en scène souffre aussi de quelques gimmicks vite lassant, comme ces nombreux travellings de couloirs ou de foules fendues qu’on connaît déjà au réalisateur, et ces autres tentatives formelles comme ces vue subjectives finales, un peu grossière… Surtout de nombreux passages « pastiches » comme les extraits de films de la néo-Robin ou le show du PDG des pilules, en forme de néo-Steve Jobs, rappelle régulièrement la lourdeur symbolique, le propos de plomb… Le spectateur préfèrera peut-être s’accrocher à un autre symbolisme pas forcément plus léger, celui d’une relation mère-fils passionnelle qui va ici assez loin. Il faut bien avouer qu’on reste curieusement sous-tension de l’émotion tout du long, malgré tous ces agacements, sans doute aussi grâce aux perfusions musicales permanentes de l’excellent Max Richter.
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Les suppléments ne sont pas si nombreux mais intéressants, en particulier le commentaire audio de Folman, ainsi que quelques scènes commentées par le réalisateur. Rien à dire sur le transfert.
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