Bonne nouvelle pour ceux qui seraient passés à côté du 3ème film d’Asia Argento ou auraient très envie de le revoir : L’Incomprise sort ce mardi 14/04 en DVD. L’héroïne éponyme, Aria, a 9 ans. Elle cherche en vain l’amour de ses parents, monstres charismatiques et fascinants : Yvonne, un peu pianiste, beaucoup diva nymphomane et Guido, acteur narcissique et superstitieux à l’extrême.
Après une séparation plus qu’houleuse, chacun préfère à Aria, fruit de leur amour- montage russe, l’enfant issu d’une union précédente : Donatina qu’Yvonne a eu avec « l’ex-drogué » dixit Guido ; sa fille Lucrezia, née d’une relation préalable. Tiraillée entre deux foyers hystériques et instables où tout le monde trouve sa place sauf elle, la fillette se tourne vers sa meilleure amie et un chat des rues.
Las ! la fillette va se détourner d’elle et son père chassera Aria et le félin : un chat noir dans une maison amenant le malheur.
Aria nous entraine dans son kaléidoscope où les larmes se muent en paillettes et vice-versa. 106 minutes qui passent à une vitesse grand V tant le rythme tonique nous embarque, comme la piste de danse d’une discothèque au DJ irrésistible. Plus que la B.O fortement soignée et réussie ( Asia a co-écrit la plupart des morceaux et on entend avec joie ESG et d’autres pépites enfouies des 80s..), la contagion vient de la faculté salvatrice à mettre en scène ce récit d’espoirs trop souvent déçus et de souffrance, avec un tonus et des trouvailles inédites.
Ce qui frappe le plus dans le film de la belle Asia, c’est sa façon inédite de traiter de la résilience. Nous sommes totalement dans le monde de la jeune Aria incarnée corps et âme par l’épatante Giulia Salerno. Sans pathos, sans minimisation, non plus. L’émotion surgit toujours finement, le plaisir est là, sans arrêt. La flamboyante réalisatrice injecte un charme fou et parfois extrême au film. Telle Yvonne, l’autoproclamée sorcière qui pratique la magie rouge, Asia sait trouver l’alchimie du récit de l’intérieur, entre candeur et cruauté, merveilleux et sordide. Les faits, les gens sont appréhendés par le prisme merveilleusement déformant de l’enfance. Qui plus est, le regard intelligent d’Aria. Sans jamais tomber dans l’anecdotique, le mièvre.
Celui ou celle qui a eu une enfance difficile, marginale, sera infiniment reconnaissant à la réalisatrice italienne de le traduire de façon si juste, tellement personnelle qu’elle en devient universelle . Ceux qui ont eu une enfance plus préservée, ne pourront qu’être touchés également, tant c’est avant tout un film de cinéaste, car de totale transformation de la Réalité. A l’image de la superbe scène de la lecture du poème où la lumière vire divine quand Guido, le père adulé, honore sa fille de sa présence- provisoire.
La réalité est dure, qu’à cela ne tiennent : les errances nocturnes de la fillette, les délires parentaux sont transfigurés.
« On sera libres, on partira en croisière » est le mantra d’Yvonne, superbe sorcière diva que Charlotte Gainsbourg incarne avec un plaisir transmissible.
Asia Argento a une audace rare, sachant flirter délicieusement avec les codes du bon et du mauvais gout, alternant subtilités et outrance. A l’image de la géniale scène où Aria, son ainée Donatina et Ricky, le jeune amant punk de leur mère, redécorent le somptueux appartement façon destroy. Un moment de défoulement aussi fort pour les personnages que les spectateurs. La réalisatrice nous libère, donnant un grand coup dans la fourmilière parfois ronflante du cinéma d’auteur.
Aria/Asia nous prend avec hauteur.
Comme dit la fillette « Il y a mille façons de pleurer. Moi, je pleure avec dédain ».
Comme tout grand film, L’Incomprise ne se raconte pas ; il se voit.
DVD édité par Orange Studio
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hormoz
critique juste pour film qui trouve toujours le ton juste