The Host est une merveille, on ne le répétera pas assez et nous n’avons pas changé d’avis depuis notre critique lors de sa sortie en salles. S’il fait date dans le film de monstre et constitue déjà un classique, c’est parce qu’il le transcende très largement en lui donnant une portée tout à fait autre, existentielle, politique et métaphysique, mélangeant de façon stupéfiante les tons et les genres, du drame le plus poignant au burlesque désopilant, sans oublier les moments de tension pure. La bête révèle à la fois les tares dissimulées de l’Etat et les qualités individuelles refoulées. Ainsi pendant que l’autorité inique et les figures de répression apparaissent au grand jour, ce sont les oubliés et les loosers qui font preuve de plus d’héroïsme. Ce danger éveille tout autant à la reconstruction d’une cellule familiale solidaire qu’au droit à la révolte, voire même à l’incitation à l’émeute. The Host est une nouvelle démonstration de la vigueur du cinéma coréen. Bong Joon-ho a d’ailleurs prouvé une nouvelle fois à quel point il était un grand cinéaste avec son segment de Tokyo, c’est dire si nous attendons avec impatience son prochain opus, Mother racontant la quête désespérée d’une mère pour trouver un tueur alors que son fils est innocemment accusé… sans compter son adaptation du Transperceneige. Quant à Song Kan-Ho, si nous pourrons le voir dans quelques semaines dans le sympathique western kimchi Le bon, la brute et le cinglé il devrait illuminer Thirst le film de vampires de Park Chan-Wook, l’un des chocs probables de 2009.
Le dvd de The Host était déjà de très bonne facture, mais la haute définition du Blu-Ray lui apporte un nouveau souffle, avec des couleurs prononcées et des contrastes proprement décoiffants. Quant à la bande son, elle possède une puissance impressionnante.
Sur plus d’1h30 de bonus pour The Host tous ne sont pas d’un égal niveau. Passons donc rapidement sur le matériel purement promotionnel comme les témoignages de l’équipe technique et artistique ou ceux des acteurs qui évoquant chacun leur tour leur personnage entre deux extraits de scènes de tournage (La Famille Park). Tournage au cœur des ténèbres et Bong Jong Hoo en action éveillent cependant l’intérêt en dévoilant quelque peu les conditions de tournage, et la mise en scène de certaines séquences, permettant ainsi de voir le cinéaste au travail.
Plus intéressants sont les autres suppléments. Dans Aux Origines de The Host, le réalisateur et les scénaristes évoquent la manière dont le projet a été pensé. Le cinéaste parle d’un « road movie » ou d’un film poursuite autour du kidnapping d’une petite fille, plus que d’un film de monstre. Il insiste sur le faire qu’il a voulu mettre en scène des gens ordinaires face à une situation extraordinaire, que tout prédispose à l’échec face au danger.
Le petit doc sur la design du monstre et l’avancée de son évolution capte également notre attention, à travers les (magnifiques) croquis de travail, passant d’un animal beaucoup plus « fini » à la Alien à une bête imparfaite et malformée. A l’arrivée, elle devient un « animal qui souffre jusqu’à en devenir hystérique », dangereux mais maladroit, pataud, pitoyable. La compagnie du Weta s’attarde ensuite sur la collaboration de l’équipe néo-zélandaise sur le désign et la création de la bête et en particulier les impressionnantes maquettes qui menèrent au mélange d’animation digitale et d’animatronics. De l’animatique au rendu final présente l’élaboration de trois scènes en cinq étapes, qui montrent comment on intègre progressivement l’image de synthèse à la prise de vue réelle, ce qui est très instructif, plus encore plus pour le béotien. Les nombreuses scènes coupées, la plupart très courtes, ne sont dans l’ensemble que des prolongations des séquences. Elles n’en demeurent pas moins souvent très belles dans leur brièveté même. Le cinéaste explique clairement la raison pour laquelle il ne les a pas conservées au montage final et évoque son désir de fuir les archétypes. Dans la tête de la bête relit quant à lui le film du point de vue du monstre, insistant sur ses motivations., sa peur panique. Cette intéressante interprétation du cinéaste l’identifie plus à une émanation de la nature, un animal sauvage avec ses règles, son mode de survie et d’adaptation (il le compare à un anaconda) qu’à une incarnation de Mal. C’est un aspect subversif et écologique sur lequel insistera Bong Joon-ho dans l’entretien très instructif organisé à l’occasion de la sortie du dvd. Il y évoque à la fois son rapport au cinéma de genre et toute la critique sociale qu’il sous tend, en citant par exemple John Carpenter. Indispensable pour comprendre toute la dimension anarchiste de The Host et qui en fait définitivement une oeuvre du côté des laisser-pour-comptes, des démunis et du peuple.
Joon-ho Bong – Corée du sud (2006)avec Kang-ho Song, Hie-bong Byeon, Park Hie-bong
Edité par TF1 vidéo
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