Il était une fois une jeune femme qui s’appelait Catherine et qui vivait dans un beau château, menant une vie paisible mais un peu ennuyeuse avec sa vieille gouvernante. Le jour où sa meilleure amie Gina vint lui rendre visite, Catherine assista à un spectacle forain donné par la troupe de bohémiens qui s’était installée sur les terres de son domaine. Subjuguée les yeux de feu du maître du jeu, Gina pousse Catherine à les inviter dans son humble demeure. Mais ce qu’elle ne sait pas (contrairement à nous) c’est que derrière cette regard hypnotique et félin se dissimule la fourberie de l’aristocrate pervers. A l’apogée de cette soirée, dans une atmosphère pleine de magie et d’ivresse, l’effrayant nain de la troupe déverse une drogue dans la coupe des jeunes femmes et… stop ! Attendez ! Je ne vais pas tout vous dévoiler … encore moins cette première scène d’un érotisme torride, soft et télévisuel où nous (re)découvrons avec émotion les seins de Sherilyn Fenn, qui en a fait fantasmer plus d’un parmi nous lorsqu’elle incarna Audrey dans Twin Peaks. D’ailleurs force est de constater sa piètre carrière alors que sa prestation chez Lynch faisant entrevoir le meilleur. Et ça n’est certes pas cette production Full Moon qui allait redorer le blason de la belle.
Meridian est le huitième film de Charles Band, qui n’est pas un novice en matière de série-b. Après Charles Band Production qui produira notamment l’excellent Tourist Trap (paru également chez Artus) en 1979, il fonde Empire pictures duquel émergera quelques pepites, dont les premiers Stuart Gordon (Re-Animator ou Dolls) constituent la quintessence. La Full Moon, qu’il crée dans les années 80 s’oriente essentiellement vers le marché de la vidéo, avec quelques sympathiques petits films comme la série des Puppet Master, avant de se limiter définitivement au direct to dvd dans les années 2000 (avec actuellement les films de De Coteau ou Ted Nicolaou). Pas de grande surprise donc, juste le plaisir nostalgique de retrouver un certain visuel cheap et agréable, caractéristique de la firme, qui berça nos samedis soirs dans les années 80-90. Meridian est donc du fantastique 4/3 à petit budget mais cherchant à soigner son esthétique avec les moyens du bord, et à raconter une histoire en puisant dans les archétypes sans se soucier de baigner dans le cliché.
Ainsi, notre pauvre Catherine se retrouve entraînée dans une sombre histoire de malédiction ancestrale, de frères jumeaux sans âge : l’un ressemble à un méchant marquis décadent et l’autre se transforme en bête lorsqu’il fait l’amour. La bête en l’homme, l’homme en la bête…faudrait-il en déduire que l’inénarrable Charles Band est un admirateur de psychanalyse des contes de fée de Bruno Bettelheim ? Rien n’est moins sûr, l’objectif de Charles étant d’attirer le spectateur dans une ambiance riche en mystère et en sensualité, matinée de ci de là de plans de chair fraîche et de petites culottes en dentelle blanche. Meridian résonne donc comme une variation sur La Belle et la bête à la mode années 80, une histoire d’amour romantique, saupoudrée d’une toute petite pincée de provocation (ouhh la bête poilue s’apprêtant à faire l’amour à la belle !) et d’un zeste de souffre sexy.
L’héroïne tombera bien évidemment amoureuse de cet pauvre être, mi-nanar, mi-garou. Bon, soyons honnêtes, Meridian n’est pas un bon film : c’est un peu la rencontre de Jean Cocteau et de Lamberto Bava ; son rythme est plutôt languissant, ses acteurs – sur-jouant la peur, la perversité ou l’amour fou – franchement mauvais, la musique de Pino Donaggio sirupeuse en diable, mais il possède un charme indéniable avec sa poésie surannée, sa naïveté du conte de fée et ses tentatives d’errance onirique. On se plait à regarder l’héroïne se promener dans ses sombres couloirs, frôler les vieux murs de son château, y rencontrer des fantômes… Et puis, il y a la beauté du splendide décor naturel de ce Jardin des monstres de Bomarzo près de Viterbe et ses sculptures baroques infernales et extravagantes. Band n’en tire évidemment pas pleinement parti comme aurait pu le faire un Mario Bava (il n’y avait qu’à voir le jardin pourrissant de Lisa et Le diable) mais ne comparons que ce qui est comparable : ce cadre envoûtant est pour beaucoup dans cette ambiance italianisante dans lequel est immergé Meridian, qui constitue l’un de ses plus évidents attraits.
La véhémence du cinéaste à créer une atmosphère avec des fumigènes et des cavernes en carton pâte qui s’ouvre sur une antre éclairée aux spots rouges prête à sourire mais demeure attendrissante. Charles Band est finalement un peu comme Jean Rollin : ses bonnes intentions sont toujours visibles, et même si on ne voit jamais les résultats, son cinéma suscite toujours une indéniable attraction, une vraie sympathie au point qu’on aime toujours à s’y plonger.
L’édition dvd est tout ce qu’il y a de correct, avec comme cerise sur le gâteau un « making of » d’époque involontairement désopilant, dans lequel une voix façon bande annonce de film d’horreur des 70s, annonce de manière dithyrambique la beauté de ce projet beau et terrifiant. Charles Band parle de ses ambitions, d’un « visuel époustouflant » avec « des effets spéciaux incroyables » au service « d’images très puissantes »
tandis que Sherylin évoque le plaisir d’enfant et l’originalité de cette histoire d’amour sulfureuse avec une héroïne qui « fait triompher sa vision, au final, et finit par trouver sa propre vérité ». Bref, un moment particulièrement drôle tant il est en décalage avec la modestie du résultat. Bref, à ne manquer sous aucun prétexte !
Les choix éditoriaux d’Artus, décalés et culottés nous épaterons toujours. Nous aimons les voir exhumer ces petites choses qui procurent déjà le plaisir de nous renvoyer en arrière, vers un temps révolu dans le fantastique. Certes, Meridian n’a pas la trempe du formidable Tourist Trap ou de l’ovni Le réducteur de têtes, mais que cet éditeur poursuive sa quête de ces jolis objets dont nous avions oublié jusqu’à l’existence ! D’autres vieux Full Moon ! Exhumez-nous les David Schmoeller. Ouvrez les Catacombs, transformez nous en Puppet Master, nous n’attendons que ça. Et puis reprenez les vieux catalogues VHS de Vestron ou de Scherzo et piochez, puisez, rappelez-nous le bon vieux temps. On en veut encore !
Meridian (Etats-Unis, 1990) de Charles Band, avec Sherilyn Fenn, Malcolm Jamieson & Charlie Spradling
Edité par Artus Films
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