En Californie, au cœur des années cinquante, fuyant un époux nocif, Laura (Christina Ricci) s’installe avec son fils Cody (Santino Barnard) dans une maison isolée située près d’un lac. Très rapidement, le lieu de villégiature va prendre des allures cauchemardesques. Derrière la caméra, on retrouve Chris Siverston, expérimenté scénariste, pour son cinquième film en tant que réalisateur dont le De Palmien I Know Who Killed Me (2007). Monstrous est une œuvre trompeuse qui vaut, bien heureusement, beaucoup mieux que son titre et ses arguments marketing ne le laissent présagés. Valorisée pour sa dimension horrifique, elle décevra les seuls amateurs de sensations fortes. En effet, point n’est besoin d’être devin pour anticiper l’accumulation d’éléments surnaturels censés nous plonger dans l’effroi. D’autant plus que  Chris Sivertson accumule les références au genre pour soigneusement baliser le terrain. En guise de signes prophétiques, la radio diffuse Mister Sandman, le tube immortalisé par Halloween, La nuit des masques (John Carpenter, 1978), les images télés, devant lesquelles Laura s’endort, évoquent L’étrange créature du lac noir (Jack Arnold, 1954). Enième effet d’annonce ;  accueillante le jour, l’immense demeure prend des allures d’Amityville, la maison du Diable (Stuart Rosenberg, 1979),  lorsque le vent de la nuit projette ses ombres menaçantes. Quant à la matérialisation  de la créature maléfique, les références sont à chercher du côté de l’esthétique du cinéma d’épouvante japonais. On peut cependant légitiment douter d’une réelle recherche d’un spectaculaire horrifique, tant le réalisateur ne paraît pas vraiment croire à l’impact de ses artifices. Semblant même les expédier par moments. Ainsi, à l’instar de l’unique jump scare, les cris, les bruits, les ombres et autres effets de tension ne feront sursauter que les néophytes du genre. Cependant, alors que l’on pouvait craindre que ce laborieux cahier des charges gomme tout l’intérêt du film, une scène va venir couper court à la dérive qui s’annonçait. Ne pouvant lutter contre les angoisses qui submergent son fils, Laura contacte une église pour engager un exorciste, on lui raccroche alors brutalement au nez en guise de réponse. Bien plus qu’un joli pied de nez à une autre référence cinématographique, Siverston va, à partir de là, donner de plus en plus de poids au versant dramatique de son récit.

                                                          Copyright 2020 Monstrous Film Productions, LLC

Publicités télés pour des réfrigérateurs hyper performants, papier glacé des revues de mode, Cody continue de croire aux promesses de  l’American Way of Life. En permanence soumise à des injonctions contradictoires, telle une Desperate Housewife de Douglas Sirk, la jeune femme ne peut durablement dissimuler son mal être derrière son élégance vestimentaire et ses gouts pour les objets rutilants (propriétaire ici d’une magnifique voiture). En effet, à la moindre petite contrariété c’est tout son petit univers qui se retrouve susceptible de voler en éclats. Bien plus que sa capacité à restituer merveilleusement l’atmosphère et les chaudes couleurs de cette époque idéalisée, la superbe photographie de Senda Bonnet éveille un permanent sentiment de dualité. Dans les relations entre Cody et ses interlocuteurs, en particulier le couple qui lui loue la maison, lors de leurs échanges en champs-contrechamps,  de délicates  mais sensibles différences d’éclairage viennent suggérées la confrontation de deux univers étrangement distincts. Sur son lieu de travail et dans le jardin d’enfants, ce sentiment de séparation se retrouve amplifié par de  troublants choix de cadrage. Ni systématiques ni appuyés, ces effets ne sont jamais sursignifiants. La fluidité de la mise en scène nous amène délicatement et progressivement vers une révélation plus ou moins attendue. Mais là encore, les surprises importent peu. Les astuces du scénario passent au second plan, laissant éclore une émotion toute en nuances. Sans posséder l’ampleur de The Haunting of Hill House (2018), la série virtuose de Mike Flanagan, Monstrous nous touchera bien davantage par son humanité que par sa présupposée monstruosité.

 

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A propos de Jean-Michel PIGNOL

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