Christophe Deroo – « Nemesis » [Sam was Here] (Sortie DVD)

Pour un jeune cinéaste français, se lancer dans un film de genre aujourd’hui constitue une preuve de courage et d’inconscience compte-tenu de conditions de production aujourd’hui. Malheureusement au vu de la plupart des résultats, le plus souvent, même si l’on aimerait défendre les intentions du projet, il est très difficile de rester indulgent. Tourné intégralement aux Etats Unis, le premier long métrage de Christophe Deroo, Sam was Here  (retitré Nemesis pour la sortie DVD) apparaît donc plutôt comme une bonne surprise. Le film est nettement sous l’influence de ses modèles, comme en témoigne d’emblée une musique et une gestion de l’espace très carpenterienne. Le long générique de début qui alterne début de l’intrigue et défilé des crédits du film rappelle l’ouverture de Prince Of Darkness, avec ce même sens de la durée – jusqu’à son thème au synthé, très inspiré par celui de Howarth / Carpenter. Le reste sera de la même trempe : musique électro et espaces vides – maisons, motels, rues – lignes horizontales anxiogènes.

C’est une des belles réussites de Sam Was Here que ce désir de suspension du temps, de faire monter l’angoisse par l’absence, par le sentiment de menace du lieu dénudé, abandonné, disséminant l’étrangeté par détails infimes. Sam arrive donc comme démarcheur dans une ville où personne ne lui ouvre, tandis que la radio semble n’avoir qu’une seule station et ne passer qu’une seule émission, celle d’un certain Eddy qui invite tous les auditeurs à dire ce qu’ils ont sur le cœur. C’est là que Sam apprend qu’un tueur en série sévit depuis quelques temps. D’abord invisibles, les habitants vont rapidement se montrer, et faire de Sam le bouc émissaire de leur fureur. Le scénario tient sur une page, et Sam Was Not Here a tendance à faire un peu de remplissage, à faire durer les plans (un moyen métrage aurait sans doute été plus efficace) ce qui partage le film entre son malaise croissant et ses baisses de rythme.

Le décor désert, de cet Amérique fantôme rappelle certains épisodes de la Twilight Zone, tout comme cette propension à faire monter l’interrogation. Dans quel univers Sam a-t-il atterri, quels sont les motivations de ces habitants ? Et si Sam… ? Toutes les hypothèses traversent notre esprit et la plus belle idée de ce film à la fois singulier et (encore un peu trop) sous l’emprise de ses modèles est de se refuser à sombrer dans une révélation finale qui atténuerait le caractère énigmatique de l’ensemble. On pourra rester sur notre faim, et accuser Christophe Deroo ne s’être pas foulé pour trouver une explication. Mais c’est pourtant ce parti-pris même qui donne à Sam était là son parfum atypique et l’envie de suivre d’assez près l’avenir de son réalisateur.

DVD et Blu-Ray sorti chez Condor Entertainment

© Tous droits réservés. Culturopoing.com est un site intégralement bénévole (Association de loi 1901) et respecte les droits d’auteur, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos visibles sur le site ne sont là qu’à titre illustratif, non dans un but d’exploitation commerciale et ne sont pas la propriété de Culturopoing. Néanmoins, si une photographie avait malgré tout échappé à notre contrôle, elle sera de fait enlevée immédiatement. Nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur – anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe.
Merci de contacter Bruno Piszczorowicz (lebornu@hotmail.com) ou Olivier Rossignot (culturopoingcinema@gmail.com).

A propos de Olivier ROSSIGNOT

1 comments

  1. CALDERERO Damien

    Je viens de voir le film grâce à votre chronique qui a attisé ma curiosité. J’en avais déjà entendu parler via Allo ciné. C’est vrai que l’influence de Carpenter est manifeste, mais c’est plutôt courageux de l’affirmer et de la mettre en avant, d’autant plus que ce jeune réalisateur s’en sort haut la main ! Au delà des nombreuses qualités du film (cadre, lumière, rigueur de la mise en scène, etc.), ce que je trouve le plus émouvant dans la filiation avec Carpenter, c’est l’économie grâce à laquelle le film a pu se faire. Le fait qu’un film de cette qualité soit possible avec aussi peu de moyens techniques et financiers, c’est quand même rassurant.
    Bon, le revers de la médaille, c’est qu’il nous fait prendre conscience à quel point le cinéma de Carpenter nous manque…Merci pour votre chronique et bonne continuation.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.