À l’origine de The Cured, il y a un scénario de long-métrage, primé en 2012 et écrit par un jeune cinéaste Irlandais, David Freyne. En 2014, il réalise un court-métrage intitulé The First Wave, pensé comme son prologue, il raconte le réveil d’une jeune femme dans un lit d’hôpital, après l’apparition d’un virus agressif. Guérie par un remède miraculeux après une période de contamination que l’on découvre par flashs-backs, il devient clair que sa guérison n’est qu’une première étape… The First Wave se fait remarquer en attirant l’attention de potentiels financiers, mais aussi de la comédienne Ellen Page (premier rôle féminin et productrice du long-métrage), permettant au réalisateur de concrétiser son projet de longue haleine. Sur le terrain, déjà bien investi, du film de contamination, The Cured (et The First Wave avant lui) a le mérite de proposer un argument de départ original : Des années après que l’Europe ait été ravagée par le virus Maze, ayant transformé les humains en monstres cannibales, un antidote est enfin trouvé. 75% des contaminés sont guéris, pouvant ainsi reprendre une vie normale et retrouver leurs proches… Les souvenirs de leurs périodes de contamination subsistent, ils doivent faire face à leur propre culpabilité mais aussi à la défiance d’une partie de la société, générant discriminations et fortes tensions, la peur et la suspicion risquant de plonger de nouveau le monde dans le chaos… On suit Sean Brown (Sam Keeley), hanté par son douloureux passé de « contaminé », revenant vivre chez sa belle-sœur Abbie (Ellen Paige).

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Aux promesses générées par son idée initiale, David Freyne répond avec deux partis-pris forts. D’une part, la volonté manifeste d’ancrer le récit dans un univers réaliste dont les teintes grisâtres, les architectures délavées, dégradées et bien sûr le lieu de l’action (le Royaume-Uni), évoquent deux références de la décennie passée : 28 Jours plus tard de Danny Boyle et Les Fils de l’Homme d’Alfonso Cuaron. D’autre part, en assimilant le processus de contamination puis de guérison de son personnage principal à une forme de stress post-traumatique, amenant le film quelque part entre l’anticipation et le drame psychologique. Les souvenirs que Sean tente de refouler, d’oublier, jaillissent aléatoirement et brusquement dans son esprit – par extension à l’écran – comme d’inquiétants cauchemars sur lesquels il n’a pas la moindre prise. Il règne ainsi un climat d’insécurité, le héros étant sans cesse renvoyé à un passé dont il ne parvient pas à se défaire : dans son inconscient, le regard de sa belle-soeur, lorsqu’il écoute la radio, regarde la télévision et plus encore lorsqu’il quitte son domicile, obligé d’affronter les brimades des autorités ou le lynchage de la population. Habile inversion des rôles, le « contaminé » n’est plus la menace mais l’espèce menacée, n’est plus terrifiant mais terrifié. Les allégories politiques et sociétales potentielles découlant de ce traitement et de cette difficile réinsertion sont nombreuses : on peut voir en ces figures meurtries, des vétérans de retour d’un conflit éprouvant, largement conspués par l’opinion, ou pousser plus loin pour faire un raccord avec une actualité brûlante, en cherchant en eux la représentation de « djihadistes » déradicalisés, repentis, de retour dans leur pays natal… À tort ou à raison, le réalisateur ne tranche pas, préférant rester à hauteur humaine, se concentrant alors sur la relation délicate entre ses deux personnages principaux. Sean cherche à avancer, s’affirmer tout en courbant l’échine pour être accepté, quand Abbie est partagée entre ses valeurs humanistes et des doutes grandissants, l’envie de pardonner et son incapacité à le faire véritablement. Complexes et contradictoires, écrits dans la nuance et parfaitement incarnés par deux acteurs investis, ils sont les meilleurs alliés du réalisateur pour interroger en évitant les pièges du didactisme.

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Malheureusement, comme s’il doutait de la viabilité de son matériau sur la durée d’un long-métrage, à mi-parcours David Freyne commence à s’éparpiller maladroitement en intrigues secondaires nettement moins intéressantes aux enjeux convenus, laissant émerger au premier plan des personnages beaucoup plus caricaturaux (leader de la rébellion, général militaire brutal et intolérant). Le thriller psychologique bifurque vers le récit d’oppression et de révolte conduisant à la guère civile, l’action prend le pas sur la réflexion, comme une étape obligée qui semble ne guère intéresser le réalisateur. L’’intérêt, l’originalité de la première partie, se voit entaché par un enchaînement de séquences répétitives et rébarbatives dans la seconde, délaissant trop ses deux héros et les interrogations qu’ils portent. Le film qui ne captive alors plus que par intermittence, retombe in extremis sur ses pieds à la faveur d’un dénouement habile et convaincant, venant atténuer la relative déception. Imparfait et inabouti, The Cured emporte toutefois l’adhésion par sa capacité à se démarquer du genre tout en s’inscrivant pleinement dans ses fondamentaux, son désir d’aborder des questions universelles tout en laissant planer le spectre de problématiques beaucoup plus contemporaines.

 

 

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