David Hemmings –  » Le Survivant d’un monde parallèle « 

Le Survivant d’un monde parallèle est à l’origine un roman de James Herbert bien connu des amateurs d’épouvante pour ses remarquables Rats et surtout Sanctuaire, tout récemment transposé au cinéma sous le titre (français) de La Chapelle du diable. Le livre, terrifiant et sombre, repose sur son climax pesant dévoilant progressivement une vision pessimiste de l’humanité. David Ambrose, sans doute engagé pour avoir, un an auparavant co-signé le scénario ingénieux de Nimitz retour vers l’enfer, s’est évertué à adoucir la noirceur qui régnait en maître dans le livre. Le suspense suffocant et pessimiste s’est transformé en un beau film fantastique envoûtant, une réussite du genre tant du point de vue de l’écriture rigoureuse que de la mise en scène académique et très élégante. Quelque peu oublié des amateurs de fantastique australien, Le Survivant d’un autre monde peine à appartenir à l’Ozploitaiton, titre rarement cité si on le compare à Picnic à Hanging Rock, Patrick ou Long Week End. Par un certain nombre de convergences, le film est souvent rattaché à Harlequin tourné peu de temps auparavant. Et pour cause, Simon Wincer dirigeait déjà Robert Powell, absolument extraordinaire dans le rôle de Gregory Wolf, figure christique et/ou diabolique, à la fois illusionniste, poète, philosophe, guérisseur et ange exterminateur. Face à lui, David Hemmings incarnait le politicien en voie de corruption. Le mythique comédien de Blow up et Profondo Rosso se retrouve aux commandes du Survivant d’un monde parallèle après un premier long métrage dispensable, Gigolo, avec pourtant David Bowie. Sans surprise, les deux films sont produits par Anthony I Ginnane, nabab -si l’on peut dire- important du cinéma de genre australien.

Le Survivant d'un monde parallele: Robert Powell

Copyright Riaci Investments

Une nuit, un avion s’écrase près d’une ville australienne. Tous les occupants du vol succombent au crash (par ailleurs impressionnant au regard du budget modeste), sauf l’un des pilotes, Keller, qui sort indemne de l’appareil si ce n’est quelques égratignures superficielles. Un miracle que personne n’arrive à expliquer. Amnésique, Keller suit l’enquête et tente de recomposer les morceaux afin de comprendre ce qui a bien pu arriver. S’agit-il d‘un sabotage ou d’un simple accident ? Il trouvera peut-être la réponse au contact d’une femme mystérieuse qui a pressenti le drame avant tout le monde.

La petite déception causée – comparative et finalement injuste – tient dans l’interprétation de Robert Powell, plus apathique, moins habité que dans son costume de faux Harlequin. Sa prestation est moins spectaculaire mais développe des degrés de subtilité parfaitement en phase avec la cohérence du projet.  Il parait parfois étranger à son rôle, presque ailleurs à la première vision. Ce qui a posteriori n’est pas pour déplaire, et accentue même l’étrangeté du film En effet, cette absence presque physique à l’écran, comme s’il n’était qu’une enveloppe vide affichant une même expression, contient le projet en lui-même et par extension son dénouement anticipant vaguement le cinéma d’un M. Night Shyamalan. Il est aussi au diapason de la présence de Jenny Agutter, plus belle que jamais pour sa deuxième escapade australienne après le magnifique Walkabout de Nicolas Roeg, à propos de laquelle on se demande si elle n’est pas un ange noir venu du ciel pour guider le pilote vers une vérité inéluctable. Vêtue de noir le plus souvent, cette silhouette presque fantomatique semble avoir un pied sur terre et l’autre dans un monde parallèle. Elle absorbe des éléments irrationnels dans son être et sa chair la guidant vers la vérité. Le jeu sobre et détaché de la comédienne est raccord avec celui de Robert Powell. Tous deux forment un couple étrange qui, une fois n’est pas coutume, ne passe jamais par un régime de séduction. Rien ne les fait dévier de leurs recherches. Ils ne sont jamais distraits par un sourire, un geste charnel, comme s’ils n’appartenaient plus au monde des vivants. David Hemmings intègre merveilleusement ces personnages à l’épicentre d’une intrigue intéressante tourmentée par son ambiance insolite. Le récit articule habilement le surnaturel et la dimension cartésienne. L’argument policier sacrifié pendant une partie du film refait surface et trouve sa raison d’être, l’élément central de l’irruption du fantastique qui contamine tout le film sans jamais être explicite. La résolution– presque convenue- n’empêche pas le film de garder son mystère, ses zones d’ombres que la version uncut ne vient pas troubler. Au contraire, cette version de dix minutes supplémentaires préserve l’atmosphère mystérieuse nourrie par l’étrangeté de certaines séquences tels ses enfants jouant à 1, 2, 3 soleil, ou la quiétude perturbée des oiseaux par une présence invisible venant malmener l’ordre des choses.

Le Survivant d'un monde parallele: Jenny Agutter, Robert Powell

Copyright Riaci Investments

Sans atteindre les sommets de meilleurs opus de la Ozploitation, Le Survivant d’un monde parallèle est un beau film fantastique, dénué d’effets chocs mais magnifiquement éclairé par John Seale, misant avant tout sur la suggestion. Il est regrettable que David Hemmings n’ait pas réalisé d’autres films à la lueur de cette incursion réussie au sein d’un genre casse-gueule, qui plus est inspiré d’un roman jugé inadaptable par certains fervents admirateurs de James Herbert.

La collection combo DVD/Blu-Ray + livret de Rimini s’agrandit et s’offre un nouveau titre de la Ozploitation après Patrick et Harlequin. Le livret, fourmillant d’anecdotes intéressantes, est comme d’habitude signé Marc Toullec. Proposé pour la première fois dans sa version intégrale, le film est accompagné pour ses bonus d’interviews avec le producteur Antoni I. Ginnane et le directeur de la photographie John Seale, entretiens extraits des rushes du documentaire de Mark Hartley, No Quite Hollywood ; The Wild Untold Story of Ozploitation. Enfin, une émission de TV australienne, sorte de making of centré sur la séquence du crash agrémenté des interventions des comédiens, est disponible sur cette excellente édition qui bénéficie de surcroît d’un superbe packaging.

Le Survivant d'un monde parallele

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