Duccio Tessari débute sa carrière de cinéaste en 1962 avec Les titans, péplum parodique et premier grand rôle de Giuliano Gemma. Fort de ce succès, le réalisateur va se spécialiser un temps dans la relecture parodique des genres : le western avec Un pistolet pour Ringo et Le retour de Ringo (toujours avec Gemma en vedette) ou le film d’espionnage (Très honorable correspondant).
Par la suite, comme la plupart des artisans du cinéma populaire italien, il tâtera à de nombreux genres comme le giallo (Un papillon aux ailes ensanglantées) ou le film d’aventures (c’est lui qui signera le célèbre Zorro avec Delon).
Avec Mort ou vif…de préférence mort, il retrouve son interprète fétiche (G.Gemma) qui incarne ici un joueur invétéré criblé de dettes et menacé par de nombreux créanciers. Il apprend néanmoins qu’il peut toucher un bel héritage de la part de son oncle à condition qu’il vive six mois avec son frère Ted, un fermier bougon isolé dans l’Ouest américain. D’abord rétifs à cette promiscuité, Monty et Ted vont finir par s’entendre pour l’appât du gain…
Si le titre ne le laisse pas forcément entendre, il convient de souligner immédiatement que Mort ou vif… de préférence mort est l’un des premiers westerns comiques, sous-genre qui connaîtra un véritable triomphe l’année suivante avec le duo Terence Hill et Bud Spencer dans On l’appelle Trinita.
Tessari joue d’abord sur les caractères opposés des deux frères : autant Monty est élégant, cynique et un brin dandy (lors de sa première bagarre, il préfère les poings et le bâton au revolver et pas avant d’avoir sorti une petite fiole de whisky pour se désaltérer!), autant Ted est rustre et taciturne. Pour ce brave paysan, seules importent sa tranquillité et sa ferme. Si le premier convoite l’héritage avec avidité (il a échappé de justesse à une pendaison), l’autre se moque de l’argent et ne veut pas qu’on le dérange dans son petit confort. L’opposition est assez classique mais fonctionne plutôt bien, notamment grâce au charisme des deux comédiens qui n’en font pas trop.
Ensuite, Tessari reprend à son compte toutes les figures imposées du western pour les détourner et les rejouer sur un mode parodique. Le film comptera donc un braquage de banque, une attaque de diligence et une tentative de dévaliser un train. A chaque fois, les choses ne se déroulent pas comme prévues et l’effet comique l’emporte sur l’action.
Prenons l’exemple de l’attaque de la diligence. Premier contre-temps : celle-ci provoque la joie de la présumée victime, Rossella (la belle Sydne Rome), fille d’un banquier excitée par cet imprévu. Pour les brigands, le résultat est moins réjouissant : la jeune fille ne comptant comme richesse que des malles de vêtements (notamment des culottes à volants!). Ils décident alors de demander une rançon au père mais après plusieurs péripéties (Rosella est outrée que ses ravisseurs ne réclament pas plus pour sa personne!) , il se trouve que le banquier refuse le marché… pour profiter de la paix que lui procure l’absence de sa fille ! Le film fonctionne entièrement sur le registre du décalage et de l’humour bon-enfant et il ne se vautre pas dans la vulgarité qu’affectionneront ensuite certains westerns-spaghetti comiques où il sera fait un usage immodéré des fayots.
Il anticipe néanmoins ce qui constituera par la suite les ficelles de ce sous-genre : l’humour et la baston. Le film de Tessari contient effectivement quelques bagarres homériques puisque les deux frères sont constamment confrontés à un horrible bandit et sa bande. Tessari accentue le côté totalement irréaliste de ces rixes en amplifiant le son des coups de poing et en privilégiant les chutes les plus improbables, notamment dans des baignoires lorsque le combat a lieu dans une salle de bain (on notera le moment très drôle où Gemma, contrairement à son frère, se baigne nu mais où il parvient quand même à sortir de l’eau son pistolet!).
Plutôt qu’à une relecture du mythe du western comme chez Leone, Corbucci ou Sollima ; c’est un esprit « bande dessinée » qui plane constamment chez Tessari et l’on songe davantage à Lucky Luke voire aux aventures d’Astérix pour les passages « belliqueux ».
Le légèreté du projet n’empêche pas un certain soin de la mise en scène (de beaux mouvements de caméra, un solide sens du découpage…) et un vrai sens du rythme qui font de ce Mort ou vif…de préférence mort une très agréable et amusante réussite.
BONUS : Passionné du western italien, Curd Ridel revient en détail sur la carrière des comédiens et de Duccio Tessari. Il évoque avec beaucoup de brio l’incroyable popularité que connut Giuliano Gemma, notamment au Japon et en Afrique. Cela nous vaut quelques anecdotes particulièrement savoureuses. On apprendra également que la belle Sydne Rome eut une liaison passionnée avec… Gérard Lenorman et qu’elle fut à l’origine d’une de ses chansons.
Mort ou vif… de préférence mort (1969) de Duccio Tessari avec Giuliano Gemma
Sortie en DVD le 5 mai 2015
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