De prime abord, Shaun Of The Dead peut être vu comme un simple film d’horreur un peu potache, idéal pour un samedi soir, entre la pizza et la soirée au pub. Pourtant, grâce à des gags – horrifiques ou non – à répétition, Edgar Wright réussit l’air de rien un double tour de force : celui de proposer un divertissement efficace tout en soignant un sous-texte fort intéressant, lequel s’inscrit très naturellement dans une mise en scène en trompe-l’œil.

Dès le générique, le réalisateur fait un lien direct entre les humains et les zombies, en filmant les premiers comme s’ils étaient déjà transformés en ces derniers. Wright cite là un de ces maîtres : Georges Romero. En effet, dans Zombie (1978), le décor – iconique – du centre commercial était déjà en soi un discours. A travers un généreux jeu de massacre, Romero se faisait méchamment corrosif envers la société de consommation, assénant quelques plans cultes qui feront date. Le spectateur y découvrait notamment des zombies poussant des caddys sur un parking de supermarché, comme s’ils étaient toujours conditionnés à venir faire leurs courses après leur mort.

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Wright et son acteur Simon Pegg reprennent totalement à leur compte cette idée en la réactualisant façon années 2000, reproduisant les mêmes images de centres commerciaux, ou encore montrant des files d’attente avec des gens complètement captivés (lobotomisés) par leur téléphone. Ainsi, Shaun of the Dead prolonge le message de Romero : avant même le début de l’épidémie les humains se conduisent déjà comme des morts-vivants dans leur quotidien. Wright s’amuse d’ailleurs volontiers des attentes du spectateur dans sa mise en scène, lorsque par exemple le réveil de Shaun (Simon Pegg) devient une scène quasi horrifique.

Inscrit dans une trilogie rocambolesque, dite « Cornetto » (le seul lien entre chaque film serait le sang, les glaces Cornetto et… le casting bien-sûr), ce volet – à l’instar de Hot Fuzz et Le Dernier pub avant la fin du Monde – réussit son pari d’être avant tout une comédie hilarante et régressive. Et si Pegg et Wright n’évitent aucune faute de goût, ils auraient même plutôt tendance à s’y vautrer.

Surtout, les créateurs du film paraissent presque désabusés lorsqu’ils montrent que confrontés à l’horreur, l’essentiel n’émerge jamais. En cela, une pointe d’amertume déguisée en fou-rire apparaît à la toute fin du film. Lorsque la vie reprend ses droits et que la catastrophe a été évitée, l’aliénation finit par triompher de nouveau et l’Humanité cohabite avec la mort comme si de rien n’était.

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Là se situe un point essentiel du film, à travers le personnage de Shaun, ainsi que son compère Ed (Nick Frost, évidemment). Shaun est finalement un véritable archétype. En approche de la crise de la quarantaine, fils unique, sans histoire, incapable de s’engager, il n’est en vérité jamais sorti d’une forme d’enfance.

En fait, il n’est jamais véritablement sorti tout court, évoluant dans un pré-carré bien délimité, que ce soit par un cercle intime resserré ou même géographiquement, entre son appartement (en colocation avec Ed), son boulot de vendeur et surtout son pub.

L’épidémie est le déclencheur qui permet à Shaun de littéralement dépasser ses propres limites. En cela, la scène, où sont franchies une série de clôtures entourant les arrière-cours des maisons, constitue une transgression bien plus importante que décapiter des zombies.

Wright et Pegg proposent un regard plutôt tendre sur les loosers, non seulement pour Shaun, qui même acculé, continue de se gourer dans les grandes largeurs, et à qui son entourage et le spectateur pardonnent tout, mais aussi sur le meilleur ami gênant, les colocs’ foireux, la copine lucide (désabusée mais amoureuse) … Shaun of the Dead ne juge jamais un humanité qui court à sa perte. Le plan ultime pour survivre ? S’enfermer au pub avec son entourage en dégustant une bonne bière le temps que ça se passe.

Peut-être même qu’au détour de certaines scènes potaches autant que clés, lorsque par exemple les deux compères tentent d’arrêter des zombies en balançant des vinyles de Dire Straits, ou qu’ils en éclatent joyeusement quelques-uns au son d’un Don’t stop me now de Queen tout droit issu du jukebox, se cache une sorte de vérité universelle sur une nature humaine capable de tout pour se détourner de ses responsabilités.

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De plus le film devient redoutable et s’impose aussi par des plans gores très réjouissants et jubilatoires, glanant sa place à part dans le genre. En effet depuis Evil Dead de Sam Raimi, mélanger comédie et horreur est devenu une mode, comme si déclencher le rire permettait de manière évidente de mettre l’horreur à distance. Shaun of the dead (et d’ailleurs la trilogie en elle-même) le fait à bon escient, dans l’idée de proposer un pur divertissement avec un soupçon de réflexion.

Les auteurs du film excellent à montrer, avec plus de subtilité qu’il n’y paraît, que la fin du monde n’importe finalement peu : les humains parviendront toujours à faire fi de leur destin, comme l’orchestre du Titanic avant de sombrer.

Idéal pour Halloween, la réédition en 4K chez Carlotta représente une opportunité immanquable de voir et revoir ce film qui parvient à mêler tant d’idées sans jamais se perdre sur grand écran.

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A propos de François ARMAND

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