Quelques images voletées dans l’imposante filmographie de Hong Sang-soo à l’occasion du panorama cinématographique coréen « Séoul Hypnotique » organisé au Forum des images, et en souvenir du week-end consacré au réalisateur (25-27 septembre dernier).

Hong Sang-soo ? Soo Sang Hong ? Song Sang Hoo ? On ne sait plus exactement quel est l’ordre de cette filmographie, l’avant, la fin, le milieu, passé les quatre premiers films, un peu comme les courriers mélangées de son dernier film sorti ici, le merveilleux « Hill Of Freedom ».

Hong Sang-soo « grammes » ? Un palais des glaces en fond d’échoppe : tout petit en apparence, mais démultiplié à l’infini dès qu’on y rentre un (doigt de) pied. Un trompe l’œil en transparence qui masque la complexité et l’inventivité de ses gestes de composition, toujours un peu plus inédits.

« Turning Gate » (2002) film #4

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Roulé ! Gimmick absurde. Gyungsoo conjure son inhumanité en renvoyant aux autres une maxime qu’il s’ingénie lui-même à contredire. « Même si c’est difficile d’être humain, essayons de ne pas devenir des monstres ». Mais au terme de la ronde amoureuse, il se pourrait bien que ce soit lui qui embrasse le dernier revers du tambour avec sa joue. Il restera solitaire et esseulé sous la pluie tel le serpent de la légende, resté interdit devant la porte tournante du temple chinois. Turning Gate évoque un jeu d’équilibriste sur un rouleau, plaque de dessus amusée, avec un envers de gravité très pincé. Hong Sang-soo amorce la « deuxième partie » de sa filmographie dans lequel le pathétique et la crudité des situations s’estompent un peu, malgré la persistante cruauté des rapports. Le ton se fait un peu plus léger. La forme s’adoucit et devient quasiment enjouée. Un tournant.

« La Vierge mise à nu par ses prétendants » (2000) film #3

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Photo bougée ! Patins artistiques. Un drôle de titre français qui cite « R.Mutt » Duchamp pour une histoire de doubles ou plutôt de mouvements, diffractés, déformés, ambigus. Les perspectives se tordent à mi-récit, les personnages changent, équivoques, mais l’impression de déjà-vécu et regardé persiste. On rêve un peu dans ce noir et blanc granuleux très contrasté, qui semble descendre de l’escalier du cinéma moderne, de William Lubtchansky ou bien d’Antonioni, avec son soleil hivernal et sa solarisation narrative partielle. Un troisième film très culotté qui ressemble à s’y tromper, le contraste des noirs mis à part, à ses opus actuels. Il y a une once de Buñuel et un peu des paradoxes spatio-temporels du très populaire M.C. Escher sous l’apparente trivialité de cette trame mal répétée. A poil dans l’escalier mais dédoublés-blés.blé.ble..bbl…bb…b.

« Le jour où le cochon est tombé dans le puits » (1996) film #1

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Tout est noir dans le cochon. Triste sexe et dents qui grincent. « Je t’aime moi non plus », c’est la rengaine qui court de film en film, en plus de « je m’aime moi non plus », dans le cinéma de Hong Sang-soo. Dans le ou les triangles amoureux, il y en a toujours un/une, conformément à l’archétype, qui en aime un ou une autre, qui en aime à son tour une ou un autre, qui en aime, etc. Le fil de la pelote est toujours fuyant mais quand il vous revient à la figure, la déconvenue est cinglante : une volée d’humiliations. Le premier film déjà très impressionnant du réalisateur traduit cette course folle qui conduit au désespoir : meurtre passionnel ou suicide esquissé en fin de non-perspective. « Le jour où le cochon est tombé dans le puits » est noir comme son fond. Il s’accroche presque au film de genre, un film noir existentiel, ou une tragédie. Tous un peu comme des cochons au bord du trou, autodestructeurs à force d’illusion et d’égoïsme. Heureusement, la filmographie de Hong Sang-soo saura prendre à l’avenir des détours plus comiques, mais ce premier geste de cinéma accuse une maîtrise impressionnante de la narration chorale, filée en échiquier : « une perle pour les cochons » comme le dirait en zézayant notre ami Tom Rapp.

« Haewon et les hommes » (2012)

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Le Charme discret de la rêverie. Songeries d’une jeune femme qui se mire dans les paroles des autres. Haewon est Haewon, et Haewon ? est Haewon, et Haewon ? est Haewon… De quoi démentir le naturalisme et la platitude extérieure de la mise en scène. Chez Hong Sang-soo, tout est affaire d’arabesques et d’échos sous l’apparence, trop tranquille pour être vraie, d’une ligne claire. Un amateurisme et une nonchalance en (de)trompe l’œil.

à lire aussi nos allers et venues dans le cycle « Séoul hypnotique » ici ou

l’image en tête d’article est tirée du film « Hill Of Freedom » (Les Acacias)

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