J. Lee Thompson – « La Loi de Murphy / Murphy’s Law » (1986)

Jack Lee Thompson et Charles Bronson ne se quittent plus. Après Le Justicier de Minuit (1983) et L’enfer de la violence (produit par la Tri Star Pictures en 1984), ils se retrouvent pour La Loi de Murphy en 1986. L’acteur vient de collaborer une ultime fois avec l’homme qui l’aura consacré sur le sol américain, Michael Winner, le temps du Justicier de New-York (Death Wish III). En parallèle, le réalisateur a enchaîné pour le compte de la Cannon, L’ambassadeur : Chantage en Israël (adaptation d’Elmore Leonard, marquant ses retrouvailles avec Robert Mitchum trente ans après Madame Croque-maris) et l’onéreux Allan Quaterman et les Mines du roi Salomon (qui aura droit à une suite réalisé par Gary Nelson). L’interprète mythique de Paul Kersey, désormais âgé de soixante-cinq ans, continue à jouir d’une certaine popularité et demeure une tête d’affiche rentable pour la firme de Menahem Golan et Yoran Globus. Les cousins comptent bien continuer à exploiter son potentiel commercial, tout en gardant un œil sur l’évolution du cinéma d’action et les tendances plébiscitées par le public afin d’orienter les mouvements de sa carrière. Si le troisième Death Wish pouvait compter sur la notoriété de la franchise pour assurer son succès, sa tentative opportuniste de s’inscrire sur le terrain de l’actionner surenchériste dans les pas des mastodontes de l’époque qu’étaient alors Sylvester Stallone & Arnold Schwarzenegger semblait difficilement viable sur la durée. À l’origine de ce nouveau projet, Bronson (son épouse Jill Ireland est d’ailleurs créditée à la production) et son ami producteur Pancho Kohner sont toutefois près à une infidélité, ils se trouvent en position de force et refusent la première offre de la Cannon qu’ils jugent trop faible. Ils se tournent vers la Hemdale Film Corporation (Terminator, Platoon) qui manifeste son intérêt, ce qui après quelques tensions (et menaces de procès) accouchera d’un accord plus avantageux (auquel s’ajoute un contrat de trois films pour l’acteur, Kohner et Thompson) où les droits d’exploitation et de diffusion seront partagés entre les deux sociétés. Ecrit par Gail Morgan Michael, scénariste de L’inspecteur ne renonce jamais (troisième opus de Dirty Harry), futur auteur de Death Wish 4, La Loi de Murphy s’inscrit dans un registre florissant, le buddy-movie. Accusé du meurtre de sa femme et incarcéré, Jack Murphy (Charles Bronson) est un policier au bout du rouleau. Afin de prouver son innocence, il n’a qu’une seule alternative : l’évasion. Menotté à une jeune délinquante qui lui mène la vie dure, poursuivi par ces anciens collègues, Murphy l’est également par une femme, une tueuse psychopathe qui pourrait bien être à l’origine de tous ses malheurs…

© Sidonis Calysta 2021

Dernier succès notable de Charles Bronson au box-office, La Loi de Murphy, a pu profiter de l’appétit grandissant du public pour un genre remis à la mode par 48 heures de Walter Hill (avant que n’arrive L’Arme Fatale l’année suivante) et se distinguer du reste de sa filmographie par sa tonalité partiellement plus légère. Cette facette surprenante (de sa part du moins), se traduit aussi à l’écran par la place réservée aux personnages féminins notables à ses côtés. Sa partenaire, la débutante Kathleen Wilhoite (que l’on retrouvera plus tard à l’affiche de Road House mais dont l’essentiel de la carrière se fera à la télévision) dans le rôle d’Arabella McGee (proposé au préalable à Apollonia Kotera, Joan Jett et Madonna) loin d’être intimidée, n’hésite pas à lui rentrer dedans dès sa première apparition. Son personnage à la fois irritant et attachant, contrarie régulièrement la virilité du héros (on note quelques coups de pieds bien sentis au niveau de ses bijoux de famille), moquant par ce biais son image de dur violent et impassible. De plus, Jack Murphy (nom iconique, trop exclusivement utilisé en vue de faire des jeux de mots répétitifs avec le titre et l’adage auquel il se réfère) présenté en mauvaise posture, alcoolique et incapable de se remettre du divorce de sa femme (devenue stripteaseuse dans un cabaret), apparaît comme une figure pathétique et dépassée. Cette dimension empreinte d’autodérision amuse tout en révélant les dissensions d’un scénario laborieux et inconsistant, au sein duquel coexiste une intrigue principale nettement plus sombre, à base de vengeance. Piégé et traqué par la sadique Joan Freeman (Carrie Snodgress, nominée aux Oscars en 1971 pour Journal intime d’une femme mariée), le protagoniste n’aura d’autres choix que de retrouver ses réflexes et sa vigueur d’antan afin de s’en sortir. Bronson malmenée de tous les côtés par la gent féminine, voici pour l’argument le plus original et enthousiasmant du projet. Malheureusement, La Loi de Murphy peine à harmoniser ses différentes intentions, accuse un faux rythme décontracté et expéditif. En atteste, par exemple, sa mise en place inutilement longue (près d’un tiers du film) qui au lieu de présenter les enjeux, tend à nous en désintéresser. Finalement, le récit ne parvient à décoller un tant soit peu que lorsqu’il décline l’emploi privilégié de son acteur et renonce à sa relative singularité : l’individu dans le rang poussé à la marginalité, le bon citoyen obligé d’outrepasser les règles pour obtenir la justice.

© Sidonis Calysta 2021

Le dualisme du script se confronte également aux compétences de Jack Lee Thompson, nettement plus à l’aise quand il s’agit de mettre en scène l’action que la comédie, ce dernier orchestre quelques climax notables haussant l’intérêt général. Lors de l’évasion de Jack et Arabella en hélicoptère, encerclés par plusieurs policiers, sa gestion de l’espace couplée à une alternance entre cadres larges et serrés, constitue un premier pic d’intensité. Peu après, l’arrivée accidentelle des personnages au cœur d’un repère de narcotraficantes, engendre une séquence brutale où s’enchaînent tentative de viol et fusillade conclue en explosions. Le réalisateur se réfère alors à la fois au western et au film de guerre, non sans efficacité. Son savoir-faire éclate pour de bon à l’occasion d’un final d’une quinzaine de minutes, impressionnant de maîtrise et de tension, justifiant à lui seul le visionnage du long-métrage. Jack Murphy à la fois traqueur et proie, pénètre à l’intérieur d’une immense propriété (tourné au mythique Bradbury Building, immortalisé dans Blade Runner) tandis qu’il pleut à torrents à l’extérieur. Le caractère vertigineux du lieu (architecture inspirée par la Renaissance Italienne), s’accorde magistralement à la multiplicité des enjeux, dupliquant ainsi les dangers à affronter. Thompson se plait à visiter les nombreux recoins de l’immeuble et diversifier ses perspectives esthétiques (travail autour de la géométrie des escaliers et étages, jeu sur la profondeur de champ), varier les cadres et éclairages, sans perdre de vues deux points fondamentaux : l’action et la tension. À la sophistication de ce découpage, s’adjoint une approche plus ludique, où chaque bad guy constitue un niveau à franchir avant l’ultime étape : Joan Freeman. Avec la complicité d’un Bronson prenant un malin plaisir à tester différentes armes afin d’accomplir son dessein, l’excitation est (enfin) totale. Très inégal et fondamentalement bancal, La Loi de Murphy, séduit alternativement par ses intentions théoriques et ses quelques fulgurances formelles. Édité par Sidonis Calysta, le film bénéficie d’un nouveau master et s’accompagne d’un supplément, une présentation par Gérard Delorme.

© Sidonis Calysta 2021

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A propos de Vincent Nicolet

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