Le nom de Paul Naschy reste associé pour toujours à celui de son personnage fétiche, le lycanthrope Waldemar Daninsky, qui au cours de ses aventures se retrouve confronté à de nombreuses créatures fantastiques, vampires, yeti, homoncules en tous genres et même le Dr. Jekyll. Mais Naschy ne s’est pas contenté d’intégrer les autres monstres du répertoire classiques dans les aventures de son loup-garou préféré, il les a aussi incarné, désireux de créer une série de film inspirés de l’âge d’or d’Universal dont il serait la tête d’affiche, se rêvant l’héritier de Lon Chaney (Senior comme junior), Bela Lugosi et Boris Karloff. Le Grand Amour du Comte Dracula (Javier Aguirre, 1972) s’inscrit dans cette démarche aussi naïve qu’ambitieuse, tout comme Dr. Jekyll y el Hombre Lobo (Leon Klimovsky, 1971) et La Venganza de la Momia (Carlos Aured, 1973) dans lesquels Naschy s’octroie souvent plus d’un seul rôle.

© Le Chat qui fume

Pour cette seconde collaboration avec le réalisateur du Bossu de la Morgue, Paul Naschy (également scénariste et producteur sous son véritable nom, Jacinto Molina) envisage de parer le prince de la nuit de la mélancolie qui caractérise déjà le loup-garou Waldemar Daninsky. Le Grand Amour du Comte Dracula est le récit de la remise en question du vampire titulaire suite à une rencontre amoureuse, et en cela, le précurseur d’une approche adoptée dans de nombreuses adaptations bien plus appréciées du roman de Bram Stoker.

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Dans une introduction qui fait tout pour émuler le style Hammer, quatre jeunes femmes, Karen (Haydée Politoff, déjà vue chez Eric Rohmer, dans La Collectionneuse et l’Amour l’après-midi), Senta (Rosanna Yanni que les habitués du bis espagnol ont déjà abondamment fréquentée chez Naschy ou Franco), Marlene et Elke (Mirta Miller, future maîtresse du père d’Ana dans Cria Cuervos), fraichement sorties du pensionnat, voyagent dans la campagne transylvanienne de la fin du XIXème siècle, en la charmante compagnie du fringant Imre Polvi. Un accident les oblige à chercher refuge dans un ancien sanatorium, dont le propriétaire, le Dr Marlowe n’est autre que le Comte Dracula. S’en suivent une série de déambulations nocturnes en chemise de nuit, chandelier 70 watts en main, jusqu’à la révélation : parmi ces quatre jeunes femmes se trouve celle dont l’amour inconditionnel délivrera le vampire de son errance éternelle.

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Rien de bien neuf sous la pleine lune pour les aficionados de Paul Naschy et pourtant, son sens naïf de la tragédie, associé au style très atmosphérique de Javier Aguirre, confère au Grand Amour du Comte Dracula une aura particulière. Loin du pastiche appliqué des films Universal ou Hammer, le film déploie une variation unique sur le mythe vampirique, s’autorisant quelques saillies érotico-macabres inédites (les femmes vampires, par rivalité peut-être mais probablement plus par frénésie charnelle, ne cessent de se sauter à la gorge pour faire couler un sang qui ne les nourrit pas). Aguirre reprend les ralentis vaporeux qui caractérisaient déjà la démarche des vampires dans La Marca del Hombre Lobo (Enrique Lopez Eguiluz, 1968) et La Noche de Walpurgis (Leon Klimovsky, 1971) et excelle dans l’éclairage de sous-terrains humides. Quand à Paul Naschy, il se gargarise de monologues sur-écrits sur sa condition maudite sans que cela ne devienne pour autant ridicule même si on se prend souvent  à sourire.

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Dans sa manière de traiter le mythe de Dracula, le film d’Aguirre rappelle le traitement appliqué par Mel Welles au mythe de Frankentein dans Lady Frankenstein, les deux films sont d’ailleurs contemporains et rendent compte d’une appréhension mêlant une vision désinhibée des rapports amoureux et un respect anachronique du carcan folklorique. Décorum et garde-robe évoquent une époque passée, mais le délaçage accéléré des corsets est bien le produit des années 70, comme si les personnages ne faisaient que se prêter à un jeu de rôle.  Reste que la volonté forcenée de vouloir faire cohabiter tragédie romantique et révision bis un chouïa sexy du folklore fantastique rend ce Grand Amour du Comte Dracula bien sympathique, et que la conviction de Paul Naschy de rendre l’hommage mérité aux monstres de son panthéon est toujours touchante.

BONUS:
• Souvenirs de Christophe Lemaire
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A propos de Gabriel CARTON

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