Dans l’ombre d’un Larry Cohen, Jeff Lieberman a eu une carrière au parcours erratique au même titre que Don Coscarelli et Gary Sherman. Seulement cinq longs métrages en près de trente ans jalonnent une filmographie qui comporte au moins trois films devenus cultes avec le temps : La Nuit des vers géants, Survivance et bien sur Le Rayon bleu, le plus réussi et ambitieux du lot. Jeff Lieberman prolonge une réflexion entamée dans un de ses premiers courts-métrages, The Ringer, satire fauchée mais pertinente fustigeant la société de consommation, à travers la publicité et la facilité avec laquelle les annonceurs manipulent la jeunesse. A la différence qu’il imagine une histoire vraiment délirante que n’aurait pas renié le David Cronenberg des débuts. Au milieu des années 70, une série d’événements étranges se déroulent à Los Angeles. Des individus perdent subitement leurs cheveux et développent un comportement agressif, les amenant à commettre des crimes sauvages sans logique, seulement guidés par la pulsion. Très vite, un jeune homme, Jerry Zipkin est soupçonné par la police d’être l’auteur de ces meurtres. Afin de prouver son innocence, il va mener l’enquête avec son amie Alicia et découvrir que ces accès de folie ont peut-être un rapport avec une drogue expérimentale nommée le « Blue Sunshine » qui circulait dans son entourage des années auparavant et qui pourrait impliquer des personnalités de la place publique, en l’occurrence un sénateur en pleine campagne.

Chroniques du Cinéphile Stakhanoviste: Le Rayon Bleu - Blue Sunshine, Jeff  Lieberman (1976)

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Très marqué par son époque, Blue Sunshine suit néanmoins un trame narrative classique d’enquête policière dans une tradition hitchcockienne, ce qui rend le film très plaisant à suivre. Le suspect idéal devient le héros du film et permet idéalement une identification immédiate. Sauf que pour interpréter un tel personnage, il est nécessaire d’engager un comédien charismatique, suscitant un minimum d’empathie ou de sympathie. Ce n’est malheureusement pas le cas avec l’étrange Zalman King qui n’arrive jamais à rendre crédible Jerry Zipkin, ce jeune homme en quête de vérité. Surjouant comme dans une mauvaise sitcom, il n’est pas plus à son avantage lors des scènes d’action, comme embarrassé, se déplaçant très bizarrement, gêné par la présence de son corps.  Lucide, Zalman King abandonnera d’ailleurs très vite sa carrière de comédien, pourtant à peine entamée, pour se lancer dans la production, se spécialisant dans l’érotisme soft. On lui doit surtout 9 semaines et 1/2 d’Adrian Lyne et le très mauvais L’Orchidée sauvage qu’il réalise également. Le scénario, en dépit de ces invraisemblances et raccourcis, parvient à surprendre et dépasser le simple thriller d’anticipation par ses multiples réflexions d’ordre philosophique, sociale et politique.

Prime Video: Blue Sunshine

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Ancien hippie issu de la contre-culture, Jeff Lieberman règle ses comptes avec une génération elle-même ciblée par le système capitaliste en développant sur le marché des drogues aux effets secondaires néfastes sans en mesurer la gravité. Sans sombrer dans un discours réactionnaire, Jeff Lieberman se livre à un exercice d’auto-critique au sein d’un pur divertissement pour adultes. Finie l’extase, bienvenue de la réalité, ou plutôt au fantasme cauchemardesque d’une possible réalité. La référence qui vient immédiatement à l’esprit est le LSD, l’une des plus célèbres drogues chimiques inventée par Timothy Leary, essayiste et psychologue militant convaincu pour l’usage à des fins thérapeutiques des psychotropes. Jeff Lieberman a quant à lui imaginé, non sans malice, ce fameux Rayon bleu, drogue dévastatrice, véritable bombe à retardement. Les effets physiques et psychiques se produisent dix ans après avoir avalé le produit. Le concept, anxiogène mais finalement d’actualité, pourrait même donner des arguments au récalcitrant les plus acharnés de certains médicaments ou vaccins. La fiction, certes rattrapée parfois par le réel, pose néanmoins de vraies questions éthiques sur l’usage des produits illicites.

Cela étant dit, Blue Sunshine ne va pas beaucoup plus loin que ce qu’il filme, s’en tenant à son singulier dispositif de série B paranoïaque héritée des trips paranos d’un Philip K. Dick.  Doté d’un budget anémique de 500 000 dollars, Lieberman réalise un pur produit d’exploitation, un thriller d’anticipation efficace et excentrique, truffé d’idées iconoclastes et de visions délirantes à commencer par ces figures inquiétantes de tueurs chauves. La mise en scène frontale, presque documentaire malgré elle, fascine par sa laideur, revendiquée ou non. Des horribles costumes aux épouvantables décors intérieurs, peu mis en valeur par une photo terne, c’est tout une époque déprimante qui est exhibée. Cette dimension ingrate joue en faveur de l’œuvre, ancrée dans une période qui subit le revers de la médaille des utopies et de l’hédonisme hippie. Sur un mode mineur, Lieberman rejoint les préoccupations politiques des grands films fantastiques dépressifs de la deuxième moitié des années 70 (Martin de Romero, Rage de Cronenberg ou Meurtres sous contrôle de Larry Cohen).

Ce drame d’anticipation offre l’opportunité de (re)découvrir un artisan oublié du cinéma fantastique américain dont sa Nuit des vers géants est disponible en Blu ray, en attente d’une ressortie de l’excellent Survivance, l’une des meilleures variations de Massacre à la tronçonneuse, et de Délivrance, réalisée au début des années 80. Il revient derrière la caméra en 2004 avec le très amusant Satan’s Little Helper, après une absence de douze ans.

Chroniques du Cinéphile Stakhanoviste: Le Rayon Bleu - Blue Sunshine, Jeff  Lieberman (1976)

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Dépassant toutes les espérances, l’éditions digipack Blu Ray/UHD du Chat qui fume est exemplaire. Non seulement la copie est splendide, mais les disques sont bardés de bonus qui, loin d’être anecdotiques, prolongent le plaisir du film avec, entre autres, une rencontre en 1980 entre Mike Garris et Jeff Lieberman, une intervention avec ce dernier dans les années 2000 au Jumpcut Café pour des questions-réponses avec le public, les interventions des comédiens Robert Walden, Richard Crystal et Mark Goddard, la scripte Sandie King etc. Difficile d’aller au bout de cette somptueuse édition à laquelle il faut rajouter le court-métrage The Ringer, un commentaire audio du réalisateur et, cerise sur le gâteau, sur un troisième disque Meurtre en VHS, véritable cadeau puisque le film a aussi été édité en édition simple chez le Chat. Formidable série B tournée huit ans après Survivance, Meurtre en VHS (Remote Control) s’appuie sur une histoire très solide : un employé de vidéo-club (très bon Kevin Dillon dans un rôle assez similaire à celui de The Blob qui sort au même moment) reçoit une étrange cassette horrifique. Tous les clients ayant loué la cassette, un film de SF vintage, meurent dans d’étranges circonstances. Avec ses amis, il va découvrir que la vidéo exerce un pouvoir maléfique sur ceux qui la visionnent, les transformant en meurtriers. Allégorie ludique et sans prétention sur le pouvoir des images doublée d’un portrait assez juste de l’Amérique clinquante des années 80, Meurtre en VHS est une excellente surprise, rappelant par moments Invasion Los Angeles de John Carpenter.

 

 

 

 

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