A quoi reconnaît-on un bon slasher ? A sa fidélité et son respect aux codes usités du genre, à son programme balisé conscient de satisfaire les fans, ou à ses pas de côtés, ses digressions permettant à certaines productions de sortir du lot ? Impossible de trancher tant finalement les deux se défendent à partir du moment où la démarche est sincère et le résultat réussi. Il en va de même pour le cinéma horrifique au sens large, malmené aujourd’hui par le terme elevated horror qui correspondrait donc à des films d’horreur « supérieurs », introduisant des velléités d’auteur, des sous-textes politiques et sociaux. Une appellation au fond qui n’est pas en soi un gage de qualité mais qui ne mérite pas non plus le mépris des « geek », terrorisés dès qu’il s’agit de toucher à leur joujou. Ces querelles de chapelles ne concernent pas Vœux sanglants qui a tendance, et bien malgré lui, à jouer sur les deux tableaux, celui du psycho killer traditionnel sans surprise mais apte à satisfaire un public conquis d’avance à partir du moment où les tropes sont respectés, et celui du conte horrifique à tendance psychanalytique, plus retord, émaillé de quelques fulgurances stylistiques. Cette dimension hybride, déséquilibrée même, se retrouve au cœur même d’une narration schizophrène qui feint d’emmener le spectateur vers des territoires troubles pour mieux le ramener au classique slasher en vase clos avec un tueur qui enchaîne les meurtres à l’intérieur d’un complexe commercial.
Bref, sous ses airs ultra formatés, Vœux sanglants tente de concilier, à son corps défendant, des approches différentes. Pourquoi à son corps défendant ? Déjà en tant qu’accident industriel car le réalisateur d’origine, visiblement plus ambitieux, Peter Crane, a été évincé du tournage au bout de quelques jours. Il subsiste de son expérience malheureuse des séquences marquantes, à l’image de tous les moments à l’intérieur et autour de l’hôpital psychiatrique instaurant un malaise diffus, un décalage par rapport au réel. Il est bien possible que Crane eût en tête un autre film, à la fois plus tordu et charnel, se traduisant aussi par une approche formelle plus inventive de par le recours à des grands angles inquiétants nimbés d’une lumière trouble et vaporeuse, avec des effets floutés, évoquant l’épilogue génial de Pulsions. Cette référence, très appuyée certes, n’en reste pas moins pertinente quant aux intentions initiales et même au regard de la résolution de l’intrigue, qui n’a rien d’un décalque du chef-d’œuvre absolu de Brian De Palma. L’exécution de l’infirmière dans sa voiture, entourée de ses patients, atteint un climax jouissif qui n’est pas sans rappeler la grande époque du giallo, marqué par une mise en scène opératique abandonnée par la suite.
Face à ces quelques saillies stylistiques, le récit arbore une structure bizarre tout en concentrant tous les poncifs du slasher. Déjà l’héroïne, Kelly, apparaît comme l’archétype de la jeune étudiante prude et sérieuse confrontée à un environnement nettement plus déluré. En cela, elle est la petite cousine de Nancy des Griffes de la nuit et de Sidney de Scream, modèles féminins, loin de la scream girl habituelle iconisée par Wes Craven, à la fois réinventeur et fossoyeur du genre. Kelly qui vient d’être acceptée au sein d’une confrérie à l’université, est soumise à un rite d’initiation, un bizutage un peu débile par ailleurs. Elle doit s’introduire de nuit à l’intérieur d’un centre commercial avec ses camarades. Mais, enfermées, elles sont traquées par un mystérieux tueur, un boogeyman qui a pour particularité de ne pas être masqué, constamment filmé en caméra subjective ou en hors-champ, affiliant de ce point de vue le film du côté du giallo. Cette partie, construite en huis clos, démarre au bout de 45 mn, soit à la moitié du métrage. Tout le premier acte est centré autour de la sororité, de l’évocation d’un trauma originel et des pistes possibles autour d’un tueur échappé d’un asile. A ce titre, la scène du rêve, très hitchcockienne, introduit une épaisseur psychologique au film que le film va curieusement délaisser avant d’y revenir lors du twist final, aussi grotesque que logique.
Vœux sanglants, auquel on préfèrera le titre original The inititiation, plus évocateur, remplit le cahier des charges, bousculé par intermittence par quelques idées narratives et visuelles. Le téléaste Larry Steward emballe le film avec soin, mais sans génie ni inspiration particulière. Réalisateur d’épisodes de Super Jamie et de L’Incroyable Hulk, il sait conduire un récit, cadrer correctement des champs/contre-champs et diriger ses comédiens sans fausse note, des vétérans Clu Gulager et Vera Miles aux petits nouveaux, dont la très impliquée Daphné Zuniga bien avant sa reconnaissance dans la série Melrose Place. Il n’oublie pas d’inclure des meurtres variés, à défaut d’être gores, et un érotisme fonctionnel dont une scène de douche typique du cinéma d’exploitation totalement gratuite. La nudité et la violence pimentent une recette bien éprouvée qui, après 1984, ne cessera de décliner avant de renaître de ses cendres en 1996 avec Scream.
Édité pat Extraclucid films qui, après Le Jour des fous et The House of Sorority Row, continue d’exhumer les slashers oubliés des années 80, Vœux sanglants bénéficie d’un beau master restituant le grain d’origine (du moins on le suppose) et de pistes sonores mono d’origine (évidemment on déconseillera la VF ringarde à souhait, mais qui par perversité a ses défenseurs). En bonus, Clara Sébastio aborde les origines du slasher avant de livrer une analyse intéressante du film. Quant à David Scherer, spécialiste des effets spéciaux, il s’adonne à une interprétation personnelle du film, le rapprochant à juste titre du giallo.
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