Sorti en 1966 puis demeuré invisible jusqu’en 2001 – année de sa première restauration à partir d’une copie retrouvée en 1998 à la Cinémathèque Française, toutes les autres ayant été perdues – Incubus s’offre une nouvelle jeunesse à l’occasion de sa sortie en Blu-Ray chez Le Chat Qui Fume.
Kia (Allyson Ames) est une succube (un démon ayant l’apparence d’une belle jeune femme) vivant sur une île où elle et ses semblables pervertissent et assassinent les hommes corruptibles afin d’offrir leur âme au Dieu des Ténèbres. Brûlant du désir d’être le premier démon à corrompre un être pur, elle jette son dévolu sur Marko (William Shatner), un jeune soldat blessé au front, qu’on dit être un saint.
Deuxième film au monde tourné en espéranto (après le français Angoroj sorti en 1964) réalisé par l’américain Leslie Stevens – producteur et scénariste resté dans les mémoires comme le créateur de la série Au-delà du réel mais également metteur en scène de quatre longs-métrages parmi lesquels le remarquable thriller pré-De Palmien Propriété privée – et mettant en vedette William Shatner – qui avait alors déjà joué dans Au-delà du réel ainsi que The Intruder (1962) de Roger Corman, mais n’avait pas encore obtenu le rôle de l’héroïque Capitaine Kirk de Star Trek – Incubus est une oeuvre atypique et habitée, aussi déroutante par la simplicité de son dispositif que sidérante par le niveau de sa réussite.
Le film parvient en effet, avec une intrigue parfaitement manichéenne – celle-ci ne tenant qu’au combat du bien contre le mal et des démons contre les pieux – doublée d’un noir et blanc masquant des limites budgétaires évidentes, à créer une atmosphère gothique léchée et immersive, renforcée par le choix de l’espéranto – libérant à dessein le film de tout enracinement spatio-temporel précis – ainsi qu’une distribution accentuant, à force de regards et de théâtralité savamment employés, la dimension mystique de l’ensemble.
Opératique dans son fond comme dans sa forme – le coeur du film étant l’exaltation, par le biais d’un récit et d’une mise en scène volontairement irréalistes, de l’amour et de la foi – et parvenant, avec une virtuosité proportionnelle à son économie de moyens, à faire accepter au spectateur la présence de démons et de forces invisibles dans le monde qu’il dépeint, Incubus en arrive ainsi à s’affranchir totalement de ses limites matérielles et à proposer un voyage mystique et spirituel inédit, dans un univers à mi-chemin entre le Bergman du Septième Sceau (1957) et le futur Żuławski de Possession (1981), trouvant son essence dans les thèmes fondateurs du Bien et du Mal, du sacré et de l’amour-rédemption.
Graphique, lyrique et hypnotique, Incubus est un grand moment de cinéma, entre genre et avant-garde, à (re)découvrir absolument.
Disponible en Blu-Ray chez Le Chat Qui Fume
BONUS:
- Le film maudit, retour sur l’histoire d’Incubus
- Version 1.37 plein cadre.
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