Sorti en 1975 et souvent considéré à tort comme un giallo, le thriller psychologique Le Orme (« Les traces » en italien) de Luigi Bazzoni est désormais disponible en Blu-Ray, entièrement restauré par Le Chat qui fume, prêt à être (re)découvert et à vous perdre dans son dédale…

Copyright © Le chat qui fume

Alice se réveille un matin. Tout lui semble normal jusqu’au moment où elle s’aperçoit que ce qu’elle croyait être un mardi est en fait un jeudi et qu’elle ne conserve aucun souvenir des deux derniers jours de sa vie. La jeune femme entreprend alors de partir sur ses propres traces…

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Interprété par Florinda Bolkan (brésilienne polyglotte ayant fait l’essentiel de sa carrière en Italie et tourné, entre autres, avec Christian Marquand, Luchino Visconti, Nadine Trintignant, Elio Petri, Lucio Fulci ou encore Vittorio de Sica…), le film doit en grande partie sa réussite à la prestation de son actrice – cette dernière étant quasiment de chaque plan et parcourant le métrage avec un étonnant mélange de détermination et de désespoir – ainsi qu’à sa photographie, assurée par Vittorio Storaro (célèbre pour avoir éclairé, entre autres, Apocalypse Now, Coup de coeur, Le dernier tango à Paris ou encore Le dernier empereur). 

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Ainsi, dès la fin du prologue (un rêve récurrent du personnage d’Alice, étrange « film dans le film » se déroulant dans l’espace et où apparait un inquiétant savant fou joué par Klaus Kinski), lorsque l’intrigue se lance, c’est visuellement que Le Orme révèle au spectateur la nature même de son propos : nous nous retrouvons alors dans un cadre urbain où le film nous annonce par ses seules images qu’il ne traitera que de labyrinthes, d’énigmes et d’aliénations de toutes sortes : les couleurs et les décors sont froids et tout ce qui apparait à l’écran – les ombres, la perspective, l’architecture intérieure et extérieure des bâtiments… – semble n’avoir pour fonction que de constamment acculer et emprisonner Alice. Avant même que celle-ci n’en prenne conscience, la jeune femme est déjà prisonnière d’une cage invisible et, pire encore, intangible.

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Les choses ne s’arrangent pas lorsque, résolue à retrouver ses souvenirs perdus, Alice part sur une île où elle semble s’être rendue durant les deux jours effacés de sa mémoire… À la ville corsetée succède alors un environnement certes moins urbain mais dont la plage et la forêt ne semblent guère plus rassurants que les buildings et où l’architecture baroque des habitations ne fait que l’enfermer davantage. 

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L’aliénation du personnage se manifeste également par le doute qui la ronge en permanence et imprègne le film ; le spectateur lui-même se sent alors pris au piège, quels que soient l’endroit où  l’emmène le film ou les personnages que croise Alice : de femmes inquiétantes à un amant d’autrefois en passant par une enfant pourtant amicale, rien ne paraît jamais vrai ou digne de confiance… 

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Cet étonnant cadre esthétique – sur lequel reviennent (entre autres choses) dans les bonus du Blu-Ray l’actrice Ida Galli ayant participé au film (ainsi qu’à de nombreuses autres productions italiennes) sous le nom d’Evelyn Stewart… et surtout Vittorio Storaro lui-même, dans deux entretiens durant respectivement 12 minutes et 1 heure 15 – l’investissement de Florinda Bolkan ainsi que la musique de Nicola Piovani (renforçant largement l’atmosphère anxiogène du long-métrage) confèrent à Le Orme une grande force de narration, permettant ainsi à un scénario ouvertement nébuleux, porté par le brouillard et l’invisible de se dérouler de façon presque évidente, embarquant le spectateur dans un voyage où rien ne semble réel et où tout s’apparente à un puzzle dont une pièce viendrait à manquer, laissant le public aussi dérouté qu’Alice, jusqu’au moment où sonne l’heure des explications et que vient le moment de choisir de les croire… ou non !

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